Le permis de conduire

Il y a bien longtemps qu’on ne soumet plus nos adolescents à une épreuve du feu, un rite initiatique ou à quelqu’autre cérémonie de passage à l’âge adulte. (Sauf si on l’a inscrit dès son plus jeune âge aux scouts, mais c’est une autre question, que nous soulèverons dans des circonstances moins dramatiques.) On a inventé bien pire. Le passage du permis de conduire.

Ce papier rose qui fait résonner dans nos petites caboches de teenagers des mots merveilleux comme émancipation, liberté, route 66, maturité, plus-jamais-la-panique-quand-Papa-vient-me-chercher-chez-Suzette-et-que-je-suis-chez-René. On se voit déjà arriver au volant d’un bolide ronflant, emmener les copines en virées shopp bibliothèque, faire briller des étoiles dans les yeux des petits frères et soeurs, ébahis de te voir assise à la place de Papa.

Oui, parce qu’on a tous une fâcheuse tendance à s’imaginer que l’obtention du fameux sésame s’accompagnera de celle d’une voiture personnelle. Bien sur, c’est livré avec ! On n’imagine pas les tactiques de sioux qu’il va falloir mettre sur pieds pour subtiliser l’engin, le temps d’une soirée, à la gent parentale. Qui, soit dit en passant, peut parfois sembler plus inquiète de l’état du matériel que du tien propre à toi, chair de leur chair. « Un accident ma chérie ? Mais c’est terrible ! Oui, tu n’as plus de jambes, passons, mais est ce que tu as rayé la peinture ? Si oui je te préviens, je viens à l’hôpital et je te débranche ! ». Le prix de l’essence, aussi. Oui, ça fait partie des choses que l’on n’envisage pas dans notre
âge pré-folle du volant. Ah, parce que la voiture, ce n’est pas gratuit ? On ne me l’a jamais dit !
NdlA : Cette remarque ne se vérifie que tant que nos amis ne conduisent pas non plus ; quand c’est le cas, ils se chargent de nous ouvrir les yeux sur ce point précis. Et puis, c’est bien beau tout ça, mais maintenant qu’on a inventé Sam, il faut quelqu’un pour s’y coller. Parce que, comme celui qui ne conduit pas, c’est celui qui boit, jusque là ça nous allait très bien. Mais le jour où la tendance s’inverse, ça devient beaucoup moins drôle !

Enfin, trêve de plaisanteries. Tous ces petits désagréments ne sont rien comparés à la torture, à l’acharnement, à la folie furieuse de la période qui précède la réussite à cet examen fatidique qu’est le passage du permis de conduire. Qu’elle dure quelques mois ou plutôt une petite poignée d’années (là, je parle pour moi), c’est comme un rendez vous chez le dentiste, juste un mauvais moment à passer. Sauf que si tu te plantes, y’a des chances de mourir. Contrairement à la séance chez le praticien dentaire. Normalement.
Tu découvres en premier lieu le volant. Ça, ça va, tu as déjà conduit une auto tamponneuse, donc c’est plus ou moins intégré. Plus ou moins. Faudrait veiller à pas retrouver tes réflexes d’enfant et foncer le plus brutalement possible dans le voisin, sous peine de … problèmes divers et variés. Les pédales, bon, il va falloir quelques séances pour démarrer sans provoquer immédiatement des râles terrifiants de l’engin. Les vitesses, qu’il ne faut pas regarder au moment où tu les passes, sinon tu n’es pas concentrée sur ta route. Mais j’ai aucune idée d’où elles sont moi ! J’AI UNE TETE A M’Y CONNAÎTRE EN MECANIQUE ? NON JE NE PANIQUE PAS MONSIEUR !
Il faut l’avouer, la route ça fait peur, le moniteur agrippé au siège ne participe pas franchement à te redonner  confiance, surtout que bien souvient il est plutôt lourd et/ou pénible. J’ai tout un tas d’anecdotes sur ces charmants personnages, entre celui qui te raconte sa vie et celle qui regarde par la fenêtre en attendant qu’une divinité extérieure se charge de t’enseigner les méandres de la conduite. Mais si je commence à développer, je vous remplis deux cargos
de portraits en tous genres. Ah, par contre, point commun, ils n’ont souvent aucun humour. Personnellement, quand j’ai demandé à mon cher driving-mentor combien de points je gagnais en écrasant la mémé sur le passage piéton, et si avec son chien ça faisait du bonus, il est devenu quelque peu écarlate et s’est senti obligé de faire un rapport à la méchante gérante de l’auto école.

C’est trop, fallait pas !