5 syllabes. De quoi frimer en société, même si vous avez appris ce mot sur Facebook.
D’après ma bible, le Robert de poche édition 1999, la procrastination est la « tendance à remettre au lendemain, à ajourner ». C’est donc un très long mot savant pour légitimer une fainéantise accrue, une propension à imaginer que les limites du temps peuvent être repoussées tant que le soleil n’est pas levé ou la simple envie de vivre dangereusement. Vous avez eu une envie soudaine de nettoyer vos plinthes alors que votre déclaration de revenus gisait depuis deux semaines sur la table ? Préparer un repas pour votre chat et votre mère alors que votre CV appelait à une prompte réactualisation ? Reprendre contact avec vos amis des années 90 deux jours avant un concours ?
Vous êtes donc une procrastinatrice.
Aucun problème au demeurant, une journée vous est même dédiée -le 25 mars- afin de célébrer ce comportement aux antipodes des classiques guides de vie vous imposant rigueur et discipline personnelle. Sans vouloir faire de la psychologie de terrasse ensoleillée, allez donc faire un tour sur la page Wikipédia -qui le fait souvent très bien pour moi- de cette joyeuse habitude. Vous apprendrez entre autre que vous êtes une perfectionniste née et que de cette façon, vous résistez aux pressions sociales. Oh oui, des fleurs, encore des fleurs.
Ce qu’il y a de dérangeant avec la procrastination, c’est que l’on en entend parler partout, et pour tout. Grâce aux 5 syllabes bien sûr, c’est très joli à dire et ça pose de suite, mais j’ai tendance à classer les gens qui l’emploient avec ceux qui ponctuent leurs phrases d’un « nonobstant » vulgaire et pompeux, souvent illégitime. Vous vous souvenez de ce calendrier au CDI du collège, avec un mot nouveau chaque jour ? Il semblerait que même les quadra en costume s’y soient mis. Sachez tout de même que ce mot n’a pas été introduit dans nos conversations les plus banales sous prétexte que nos interlocuteurs ont relu le dictionnaire. A qui la faute ? Toujours le même, Facebook. « Je suis une victime de la procrastination » et ses variantes ont remis le terme au goût du jour.
Au final, vivons d’une joyeuse et légère « tendance à tout remettre au lendemain », Wikipedia nous conforte dans notre perfection et Facebook vous permet de parler de ce problème à des gens également concernés. Que demander de plus ?
(Observation personnelle: Durant la rédaction de cette chronique, j’ai ouvert quatre fois mon frigo, bu plusieurs verres de Coca light, fumé un nombre honteux de cigarettes, envoyé deux mails, actualisé 59 fois ma page Facebook et pris le temps d’écouter ma soeur me raconter sa journée.)
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