8 mars – Journée de la Femme

Une femme qui écrit un édito au sujet de la Journée de la Femme ? Je les vois, les trois mâles qui ont contribué à celui de l’année dernière, tendre l’oreille (l’œil a fortiori) et guetter un faux pas ou un féminisme trop prononcé de ma part. Je les vois m’attendre au tournant avec leurs arguments : « Et vous verrez, mesdames, vous le ferez ce ménage et la cuisine, parce que vous êtes persuadée que nous sommes une grosse bande d’incapables. Et bien vous savez quoi ? C’est vrai ! » (Jérôme, rédacteur des tests), « Comme il n’y a plus de droits à réclamer il n’y a qu’à réclamer des cadeaux et en faire une fête commerciale ? Ça serait presque se moquer du temps où cette fête servait à quelque chose. » (Alex, chroniqueur de la rubrique macho), « Elles prennent de plus en plus souvent le pouvoir et pas seulement dans les pays dit civilisés, car étant moins belliqueuses et plus honnêtes, elles inspirent plus confiance que les hommes. » (Daniel, Chroniqueur culture). Si vos arguments étaient acceptables, je ne vous citerais pas ici.

Je me permets ici de citer la personnalité préférée des français, Simone Veil, symbole du combat des femmes, sur JDD.fr :

JDD.fr : La Journée de la femme, qui fête ses 100 ans lundi, a-t-elle encore un sens?

S.V. : C’est une très bonne initiative, mais elle est entachée, cette année, par la nomination d’un homme au Conseil constitutionnel sur un poste auparavant occupé par une femme. Désormais, il n’y a plus qu’une seule femme dans cette institution où j’ai moi-même siégé. Je trouve cela honteux. Quel cadeau pour un 8 mars!

Tiens c’est drôle, j’avais pourtant lu qu’ici en France, il n’y avait plus rien à faire ? Peut-être que les grands combats sont épuisés, ou alors peut-être que les grands combats se jouent tous les jours et dans l’anonymat, dans la vie d’une femme lambda ?

La condition des femmes comporte encore tellement de contradictions qu’il est assez difficile de toutes les citées, alors je vais me concentrer sur un événement qui se déroule en l’honneur de la Journée de la Femme de cette année. Il y a par exemple cette initiative au bénéfice de l’association Enfants du Désert, dont le combat est la scolarisation des petites filles du Maroc. La campagne de publicité est une série de photographie de femmes célèbres, je cite, « à moitié dénudées ». Le but de l’association est tout à fait en rapport avec ce que je m’imagine du combat féminin, mais alors quel rapport entre nudité et scolarité ? Ah oui bien sûr, exposer une femme qui dévoile de la peau, c’est augmenter ses chances d’être mieux vendu. C’est un peu paradoxal pour une association qui milite pour l’égalité des sexes dans l’éducation, non ?

Certains hommes pourraient croire qu’il n’y a plus aucun droit à revendiquer, que nous sommes égales face aux hommes. Oui, nous avons obtenu depuis longtemps le droit, grâce à Simone Veil et Valéry Giscard d’Estaing, de disposer de nos corps comme nous le souhaitons, mais l’IVG reste un tabou, trop de femmes doivent encore s’en excuser. Sans oublier celles que l’on montre du doigt parce qu’elles ne veulent pas avoir d’enfants. Il reste des mentalités à corriger. Jetez donc un œil dans La journée de la jupe avec Isabelle Adjani, allez donc vous balader dans la rue en jupe lorsque vous êtes une femme et supportez les regards et les remarques parfois obscènes.

Cette année, ce sont les violences faites aux femmes qui sont au centre des débats. Il est triste qu’il faille une journée de la femme pour rappeler que des femmes meurent tous les jours sous les coups de leurs maris et il est triste de penser que la loi ne punit pas encore le harcèlement moral. N’oublions tout de même pas que, même si ce sont en majorité des femmes qui souffrent de violences physiques et morales, les hommes aussi en sont victime et c’est triste qu’on n’en parle pas. Parce qu’une femme battue, c’est bien plus vendeur, comme la nudité.

La Journée de la Femme, on en rit. L’année dernière on en a rit sur Save My Brain aussi, mais je ne trouve pas ça drôle. Je ne pense pas que ça soit un sujet amusant. Dans l’édito de l’année dernière, nos chroniqueurs se demandaient ce qu’ils pouvaient donc bien pouvoir offrir aux femmes en cette Journée de la Femme puisqu’apparemment, tout a été gagné et fait depuis longtemps. Moi j’aurais une idée, toute bête, toute simple et contre-nature, un vrai effort à fournir : en parler. Parler des droits de la femme avec les femmes qui vous entourent, leur demander ce qu’elles en pensent, mais pas en rigolant, pas en parlant ménage, cuisine pour se moquer d’elle et de votre soi-disant incapacité à tenir un balai dans le bon sens. Non, en parler sérieusement.

Ça, se serait un vrai changement, une vraie évolution, un vrai combat, que d’arrêter les moqueries. S’il faut une journée de la femme pour rappeler qu’il reste des combats à mener, alors faisons-le, mais je suis d’accord que s’il doit exister une journée pour les femmes, alors aussi pour les immigrés victimes de discriminations, les hommes battus, les animaux de laboratoire, et toutes ces causes humanitaires ou sociales qui nécessitent qu’on les connaisse et qu’on en discute. Car en discuter, c’est déjà faire un pas vers la solution. Et même sans une photo de femme dénudée ou maltraitée en arrière-plan.