La question m’obsède depuis plusieurs jours : suis-je un monstre de ne pas vouloir donner de sous pour Haïti ?
Cette obsession a débuté après le troisième texto reçu de mon opérateur téléphonique pour m’annoncer qu’en répondant à ce SMS, il prélèverait automatiquement 1 euro de mon forfait, au profit des sinistrés de Haïti.
D’abord j’ai cru à une blague, mais après vérification j’ai constaté que c’était bel et bien la démarche « humaniste » de mon opérateur. Et à chaque fois qu’il m’a renvoyé cette proposition la même réponse de ma part : « non ».
Alors à force d’entendre tout le monde dire « et toi t’as donné combien ? », je commencerais presque à avoir des remords. Si n’importe quel clampin a donné son petit bout de SMIC pour venir au secours de ces pauvres gens, je dois vraiment manquer de cœur de ne pas y aller de mes quelques euros…
Et pourtant, je ne peux pas m’y résoudre !
Est-ce qu’on doit attendre qu’une vague monstrueuse recouvre les côtes d’un continent pour dilapider nos étrennes dans une œuvre charitable ? Pourquoi est-ce qu’on attend qu’un pays déjà sinistré économiquement subisse de plein fouet un tremblement de terre pour y aller de notre obole ?
Personnellement, je donne chaque année à des organismes caritatifs, et pas vraiment pour les avantages fiscaux que cela offre. C’est vrai que lorsqu’on calcule les remises fiscales que permettent les dons, ce serait dommage de ne pas prélever sur l’impôt commun au profit d’œuvre que l’on choisit.
Mais à écouter toutes les demandes ont en perd le nord !
Entre les problèmes de santé, de pauvreté, de famine, d’écologie, de sauvegarde de la faune, etc… comment savoir qui privilégier et qui négliger ?
C’est après la quête mondiale pour le tsunami que les choses me sont apparues clairement : rien ne sert de donner là où les médias se chargent de faire une promotion active et… quelque peu démentielle.
Lorsque les comptes ont été annoncés, je dois dire que j’ai beaucoup regretté mes 20 petits euros offerts de bon cœur lorsque l’on m’a démarchée. A quoi servait d’ajouter 20 euros (une grosse somme pour moi à l’époque) aux milliards de dons perçus, alors que le sans-logis qui traine près du marché les aurait tout aussi appréciés ?
Depuis j’essaie de faire la part des chose.
Donner oui, mais de façon éclairée. D’ailleurs en ces temps de sinistres exotiques et de dons massifs, je me demande si on ne va pas me jeter des pierres… Car si je donne c’est souvent pour des causes très locales (l’école des chiens d’aveugles, la banque alimentaire) ou écologiques (nettoyage des cours d’eau français, lutte contre le braconnage marin). Pas de petits asiatiques faméliques ou de victimes aux membres tranchés par des mines anti-personnelles. Il n’y a guère que les bénéfices de mon compte bancaire qui vont à une association pour la création de puits d’eau potable en Afrique.
Et donc :
Est ce que cela fait de moi un monstre de ne pas donner pour Haïti parce que je juge qu’il y a bien assez de monde pour le faire ?
Est ce que donner à Paul vous exempte de donner à Pierre ?
Est ce que, au fond, le principal est de donner ou de réfléchir avant de donner ?
11 Comments
emie
22 avril 2011 at 19:27je ne vois pas pourquoi on devrait te jeter la pierre … tu donnes c’est deja pas mal lol
Florit0
27 avril 2010 at 6:13Je suis 100 % d’accord. Et même plus, j’ai le sentiment que ces gens qui déballent à tous le montant de leur don pour Haïti y voient un moyen de faire l’impasse sur d’autres dons, puisque, ça y est, ils ont fait leur BA …
Je n’ai pas donné pou Haïti, et je n’en ai aucune honte, parce que j’ai pas besoin que le JT me montre une mère pleurant son enfant en boucle pendant une semaine pour donner à l’autre.
Caroline
9 février 2010 at 12:31Ten, maintenant que tu en parles …
Le Charity Business, j’ai eu à de nombreuses reprises l’occasion de voir.
En Inde où j’ai vécu fort longtemps, l’Unesco organisait des « voyages d’étude » pour ses cadres, et on voyait débarquer des (vieux) américains ou anglais rougeauds accompagnés de (très) jeunes femmes qui n’étaient certainement pas les leurs et tout ce petit monde se balladait en hélico (à l’époque 800 $ de l’heure) pour je suppose survoler les problèmes.
Ils descendaient dans les meilleurs hôtels et ne se nourrissiaent pas de cuisine locale.
C’était il y a fort longtemps et on peut supposer que depuis les choses ont été « moralisée ».
Mlle Gima
8 février 2010 at 18:15@ Caroline:
Est ce sortir du troupeau finallement, ou en rejoindre un autre? :p
@Désirée:
La quête dans les rue me gène de plus en plus, pas pour la conviction des gens qui y procèdent, mais parce que de plus en plus souvent ces quêtes publiques sont menées par des sociétés spécialisées qui vivent cela comme un buisness.
Mlle Gima
8 février 2010 at 18:13@ Alice:
Et oui, c’est toujours la peur de savoir mon argent mal employé, voir détourné, qui me fait craindre ses dons à grandes échelles. Sur de petites associations le regard est plus simple. Et pourtant, comment savoir qui est digne de confiance, comment juger les associations qui ont fini par détourner une partie des dons vers une autre cause, est ce vraiment si « mal »?
Mlle Gima
8 février 2010 at 18:10@ So:
Je ne remets pas en question les besoins sur place hein, ce que je dénonce c’est la sur médiatisation d’un problème et le panel très limité de solutions relayées par les médias. Sans compter le discours moralisateur à grande et petite echelle qui suit cette surmédiatisation.
Bien sûre il y a des associations locales qui travaillent efficacement et qui peuvent agir sur place. D’ailleurs pourquoi les médias n’ont il pas parlé des ces centaines de français qui parrainent des orphelins d’Haïti et œuvrent depuis longtemps avec leur petits moyens pour le bien de ces gens?! Au moins, par la blogosphère, on a découvert ces histoires, leur détresse devant l’inconnu (sont ils vivants?), de leur révolte, des associations à qui ils continuent de faire confiance.
Cécile de Quoide9
8 février 2010 at 17:56A moins de gagner au loto ou d’être l’héritière d’une grande fortune, on ne peut pas donner tout le temps à tout le monde et je n’ai personnellement jamais mauvaise conscience de ne pas répondre à tel ou tel appel au don parce que j’aide selon ms moyens (financiers et humains) et selon ce que je pense utile.
Désirée
8 février 2010 at 12:34Je ne vois pas pourquoi on devrait nous jeter la pierre si on refuse de donner. Ca fait suite à une réflexion et à un « non » argumenté, on donne ou pas, personne n’a le droit de nous y forcer ou de nous juger là-dessus. Ce n’est pas tant le battage médiatique qui m’horripile à chaque catastrophe, c’est surtout les démarchages dans la rue. Soit c’est totalement illégal, soit c’est légal mais super agressif. Je me souviens de mon séjour à Berlin, où quand je refusais de donner à une association (dans laquelle je faisais un stage non rémunéré, d’ailleurs), je me faisais engueuler et quand je disais que je donnais déjà à une autre association (ce qui est vrai), je me faisais traiter de menteuse. Depuis j’en reste à mon prélèvement automatique, aux pièces jaunes de temps en temps et quand on m’aborde dans la rue pour une cause ou une autre, je dis « Non merci » sans même laisser parler la personne. Si c’est pour me faire insulter à chaque fois, inutile!
« Pourquoi est-ce qu’on attend qu’un pays déjà sinistré économiquement subisse de plein fouet un tremblement de terre pour y aller de notre obole ? »: tout à fait d’accord!
Caroline
8 février 2010 at 12:12Eh bien alors, dans ce cas, nous sommes au moins deux.
Moi aussi le tsunami m’a beacoup fait réfléchir.
Donc j’aide des associations « près de chez moi » ou du moins dans l’exagone.
Et tans pis si je sort du troupeau.
Alice
8 février 2010 at 11:00Tout comme toi je donne à quelques asso annuellement mais pas au coup « émotionnel » comme tsunamie, Haïti, etc.
Plusieurs raisons: premièrement je ne suis pas crésus et je ne peux pas donner pour tout. Ou alors il faudra créer une fondation pour venir à mon secours à moi aussi.
On ne peux pas donner pour tout tout le temps pour raison financière mais aussi parce que la prise en charge de tous les malheurs du monde ne nous est pas inhérente. En gros, je ne suis pas wonderwoman avec des super pouvoirs.
Et puis il y a les gens juste à coté de nous et qui eux aussi ont besoin d’aide. Le fait qu’ils et elles vivent dans un pays soi-disant développé ne rend pas leur nuit dehors plus agréable ni leur assiette vide plus acceptable.
Et puis, je dois dire que je me méfie des arnaques. Si je donne un sandwich à un SDF ou que je donne des cours de langues gratuits à ma petite voisine fille de smicards ou rmiste, je sais que ce sera profitable. Mais si j’envoie à des organismes d’urgence j’ai toujours peur des détournements ou des frais de fonctionnement ou de la mauvaise répartition de l’aide sur place. Je préfère faire confiance à des organisations comme Amnesty par exemple qui pourra aussi utiliser ma cotisation pour les Haïtiens et Haïtiennes, entre autres.
So
8 février 2010 at 9:53C’est une bonne question, je me la pose également.
J’ai entendu que pour haiti, on avait récolté le 10ème de ce qui avait été récolté pour le tsunami (ce n’était peut-être valable que pour une asso, je ne sais plus).
Je ne veux pas insister et entrer dans cette polémique comparative avec le tsunami (du genre « c’est le coeur de Haiti – gouvernements, infrastructures hospitalières etc qui a été touché contre « juste » les côtes de pays un peu moins pauvres) mais juste vous donner 2 infos :
1/ On peut aussi donner aux petites assos qui sont sur place depuis des années, comme celle dans laquelle travaillait une de mes amies et dont les crèches et orphelinats ont été touchés : http://www.amisdesenfantsdumonde.org/
2/ Il faut surtout ne pas oublier, maintenant que les medias sont partis, et pour cela je vous conseille le blog de ma meilleure amie, qui est expat là-bas depuis 3 mois et qui donnera sa vision de la situation jour après jour sur son blog : http://ayitidanslesyeux.blogspot.com//