Mokaiesh, on ne peut que l’avouer, ça évoque Noir Désir dès les premières notes. Même ambiance un peu sombre, même engagement dans les textes, et cette rage, cet univers torturé mêlé à la voix maltraitée -mais toujours maîtrisée- du chanteur quand il chante… Pourtant, il suffit de voir le groupe en live pour comprendre que si l’influence du groupe bordelais est indéniable, Mokaiesh s’est avant tout construit sur quelque chose de beaucoup plus personnel, ce quelque chose qui habite Cyril, le chanteur, quand il s’époumone et qui nous scotche par la douleur qui l’accompagne.
Save My Brain l’a d’ailleurs rencontré pour en savoir plus sur ce groupe qu’il a formé autour de lui, et qui a tout pour s’imposer durablement dans le rock français.
1) Cyril
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Cyril, le chanteur du groupe Mokaiesh. J’ai 23 ans et le premier album de mon groupe est sorti le 26 mai dernier.
As-tu toujours voulu faire de la musique ? Quel a été ton parcours ?
Non, j’ai commencé à faire de la musique à 17 ans. Cette envie de m’exprimer dans ce domaine m’est venue soudainement. Auparavant, j’évoluais dans le milieu du sport.
Tu as été champion de France de Tennis à 18 ans. Peux-tu nous parler un peu de ton passé sportif ? Pourquoi avoir arrêté pour faire de la musique ?
Le tennis a représenté toute mon adolescence, et jusqu’à 18 ans, je souhaitais devenir joueur professionnel. J’ai arrêté parce que je me reconnaissais de moins en moins dans le sport et une partie de moi voulait exprimer totalement autre chose. Je ne pouvais plus me contenir davantage et le choix a été radical, même si ça effrayait mon entourage.
Quels sont les groupes que tu admires ou qui ont eu une véritable influence sur toi et ta perception de la musique ?
On peut dire que j’ai été très marqué par les œuvres intégrales de Brel et de Ferré, deux personnages qui ont presque bouleversé ma perception et ma sensibilité. J’ai aussi été touché musicalement par des artistes ou des groupes comme Jeff Buckley, Noir Désir et Radiohead…
2) Le groupe
Peux-tu nous présenter les membres de Mokaiesh ?
Le groupe est composé de Jan Pham Huu Tri à la guitare, Eric Langlois à la batterie et Alban Seillé à la basse. Ils sont tous les trois issus de la culture rock, leurs parcours sont différents et leur expérience musicale est plus riche que la mienne.
Quand et comment s’est formé le groupe ?
Le groupe s’est formé progressivement il y a 3 ans et demi, lors de l’enregistrement de mes premieres maquettes à titre personnel. J’ai rencontré Jan .Une forte complicité est née et celle-ci m’a donné l’envie de continuer l’aventure en groupe. Très vite Alban et Eric nous ont rejoints, une vraie rencontre s’est produite avec chacun d’eux.
Comment le groupe a-t-il fait ses premiers pas ?
Rapidement, l’objectif du groupe a été de faire un maximum de concerts, afin de se confronter au public, et de faire découvrir notre univers le plus directement possible ; et puis faire des chansons, affiner notre style.
Votre premier album du groupe vient de sortir. Comment s’est passé l’enregistrement ?
La volonté du groupe a été d’enregistrer en « live » afin de capter l’énergie et l’émotion la plus vraie possible. L’idée était pour nous de proposer un disque fidèle à ce que l’on défend sur scène. Le travail en amont des séances de studio en répétition avec notre réalisateur Jacques Ehrhart, et les concerts de préparation nous ont confortés dans cette démarche. Cette formule nous a rendu l’expérience très vivante.
3) La musique
Comment décrirais-tu ta musique ?
C’est la rencontre entre les deux influences majeures du groupe. Un univers ancré dans la culture des mots de la chanson française d’une part, et de l’autre une culture rock. Ce qui je crois nous incite à jouer en nuances et amène du relief à notre musique.
On évoque souvent Noir Désir quand on parle de vous, comment perçois-tu cette comparaison ?
Cette comparaison est sans doute justifiée par un certain style d’écriture proche de celui Cantat, dans la mesure où j’essaie de porter un regard, le plus pertinent possible, sur ce qui nous entoure. Pour moi cette comparaison reste flatteuse, Bertrand Cantat étant un artiste qui m’a beaucoup touché. Je m’efforce d’une manière générale à jongler entre des thèmes de société et des expériences plus personnelles.
Comment se passe l’écriture des chansons ? Où est puisée l’inspiration ?
J’essaie dans ma vie de tous les jours de rester en quête de ce qui peut éveiller ma sensibilité et me pousser à réagir. Quand vient le moment ou le trop plein, je commence par l’écriture du texte et cherche une mélodie à la guitare. Jan intervient là et apporte un caractère plus singulier à la musique. Puis nous travaillons en groupe les arrangements de la chanson. Chacun y apporte un peu de son identité.
Il arrive aussi l’inverse au démarrage. Jan m’apporte un début de musique, je pose un texte, une mélodie et nous affinons tous les quatre.
Quel message veux-tu véhiculer par le biais de cette musique ?
Dans l’album, chaque chanson a son histoire ou son message, toutes ont le point commun d’être issues d’états d’âme, l’idée étant d’inviter à se poser quelques questions et garder tant que possible les yeux ouverts.
Considères-tu Mokaiesh comme un groupe engagé ?
Je ne nous considère pas comme un groupe revendiquant une étiquette politique. Mais l’engagement de notre démarche commence au moment où l’on tente de présenter une vision personnelle sur la société ou les rapports humains, d’où une certaine mélancolie dans notre musique. Je suis néanmoins accroc à l’espèce humaine, surtout quand elle a des rêves.
4) Morceaux choisis
Peux-tu choisir trois morceaux de l’album et les présenter à nos lecteurs ?
« Va savoir » est une chanson de questionnement sur les moyens de se sentir le plus vivant possible, avec toutes les difficultés de trouver sa place actuellement.
« Je ne suis pas » est une chanson de rencontre. Certaines nous font changer, celle-là a beaucoup compté pour moi.
Le titre « La pensée » se détache de l’album de par son coté « parlé » et sa musique assez illustrative, on prend beaucoup de plaisir à jouer ce morceau qui invite à résister et à savoir dire non quand il le faut.
5) Sur scène
Préfères-tu la scène ou le studio ?
Jusqu’ici, c’est toujours sur scène qu’on a pris le plus de plaisir, car c’est dans la confrontation et la proximité que notre musique prend tout son sens, on n’a pas le choix à ce moment là, il faut se livrer… Il est vrai néanmoins que notre dernière expérience de studio, beaucoup plus instantanée, nous a permis d’y mettre autant d’intensité.
Sur scène, un point est frappant : la douleur qui émane de toi quand tu chantes, la force impressionnante que tu mets dans ta voix pour exprimer quelque chose qui semble très personnel. Est-ce difficile de s’exposer ainsi ?
C est vrai qu’il me semble être plus pudique dans la vie que sur scène, c’est le cas de beaucoup je crois, je dois avoir soif de vivre intensément alors sur scène c’est l’occasion, on sait qu’on ne peut pas tout maîtriser, il y a comme un danger très attirant, une des alternatives est de se pousser jusqu’à la limite…
Quel est ton meilleur souvenir de concert ?
De ma petite expérience, je ressors un souvenir particulier de notre passage à la maroquinerie ou lors du rappel on a joué un morceau guitare-voix dans un silence total, chaque mot sortait presque difficilement de ma bouche c’était très étonnant.
Sur quelle scène aimerais-tu voir se produire Mokaiesh ?
Je n’ai pas de scène me faisant particulièrement rêver depuis toujours. Quand je serai vieux, peut-être l’Olympia comme le grand Jacques…
Cet été, vous ferez quelques festivals dont les Francofolies. C’est une expérience nouvelle ?
Complètement nouvelle, on a hâte de découvrir ça, ce sera sans doute impressionnant. Ce sera aussi l’occasion d’être plus visible, on ne s’en plaindra pas…
6) Sélections culturelles
Quels sont :
– Tes albums préférés ?
Léo Ferré (Seul en scène)
Jacques Brel (Ces gens-là)
Serge Gainsbourg (Mauvaise nouvelles des étoiles)
Jeff Buckley (Grace)
Radiohead (Hail to the thief)
Archive (unplugged)
– Les livres qui t’ont le plus touché ?
Paul Eluard (Une leçon de morale) – (Capitale de la douleur)
Antonin Artaud (Ombilic de la lymphe)
– Les films que tu as préférés ?
F comme Fairbanks (Patrick Dewaere)
La vie des autres
Myspace : http://www.myspace.com/mokaiesh
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