Après avoir exploré la tourmente d’un auteur aux portes de la mort avec le roman graphique Le dernier jour de Howard Philips Lovecraft, l’écrivain Romuald Giulivo dépeint dans son nouveau roman l’état d’esprit revêche de Luca, un adolescent participant à un stage d’équitation en Italie. Si les vacances d’été sont habituellement synonymes de repos, de joie et de plaisir, le jeune homme va vivre une saison en enfer à cause de son entraîneur, le charismatique maestro Oscare Trappola. Pur sang est ainsi construit comme un long supplice physique et psychologique qui permet à l’auteur de faire ressortir les émotions de son héros. En effet, le récit est raconté par Luca, comme s’il confiait ses pensées au lecteur. Le personnage-narrateur nous dévoile un point de vue désabusé sur le monde qui l’entoure, en vitupérant ses parents ou en se méfiant de ses camarades durant le stage. Ce ton insolent, proche de la langue parlée employée par Louis-Ferdinand Céline dans Voyage au bout de la nuit, donne à la narration une intensité remarquable. Ce parti-pris stylistique traduit surtout une colère désespérée de la part de Luca. La problématique de ce personnage est justement d’être capable de maîtriser une part sombre de sa personnalité. Le roman développe progressivement cet enjeu d’ordre émotionnel qui se cristallise au travers de la relation tendue entre Luca et son entraîneur, supposé mentor.
Oscare Trappola est un personnage absolument détestable mais profondément ambigu. Il est un maestro réputé, comme le rappelle le narrateur :
« Je me rappelais que le type était considéré comme un génie, et aussi qu’il entretenait le mystère sur ses origines. […] Personne ne connaissait la vérité, […] tant il savait user au choix d’un bon sens terrien, d’une gouaille de voyou ou d’une aisance insolente en société » (p. 31).
L’homme a forgé sa propre légende et maintient constamment une attitude magnétique. Son surnom Janus, en référence à la divinité romaine à deux visages, annonce au lecteur le caractère vicieux et manipulateur qu’il dévoilera auprès de ses élèves. Ses méthodes d’entraînement peu orthodoxes ne manquent pas de décontenancer le personnage principal :
« [Les instructeurs] affirmaient d’un ton péremptoire que l’on ne pouvait pas tricher avec un cheval […]. […] Ça leur donnait une prestance, un air supérieur, mais Janus n’avait pas besoin de ça. Le silence qu’il imposait depuis le haut des gradins suffisait. Nous pouvions sentir son regard sur nous tandis qu’il […] relevait le plus infime déséquilibre dans nos positions » (pp. 37-38).
Le maestro exerce une pression sur les apprentis équestres, ce qui lui permet de les avoir sous son emprise. Luca se retrouve affaibli durant tout le stage. Il témoigne en tant que narrateur du récit de ses élans de colère et, par conséquent, le roman déroule une accumulation de stades émotionnels. Avec sa structure en crescendo, Pur sang développe une réflexion sur le mal qui habite en chacun de nous à travers la relation maître-élève étouffante entre le personnage-narrateur et son entraîneur sadique.
Parfois nous pouvons être notre pire ennemi, nous enseigne Romuald Giulivo dans son nouveau roman, publié aux Éditions du Rouergue. Pur sang est un roman noir pour adolescents traitant avec intensité du thème de la cruauté. Le maestro Trappola exploite les blessures intérieures de son élève Luca afin de l’avoir sous son emprise et de réveiller en lui une haine dévastatrice. La narration subjective retranscrit parfaitement le tempérant sanguin du personnage principal afin de nous plonger dans cette épreuve psychologique et physique. Ce récit court ausculte avec précision les démons de l’âme humaine à l’aide d’un style d’écriture incisif qui fait ressortir les ambigüités d’un séjour vécu du point de vue d’un adolescent en colère avec le monde.
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