Sorti en 2002 et disponible en DVD depuis 2003, « Bowling for Columbine » est un des incontournables documentaires réalisés par l’américain Michael Moore. Qu’ils provoquent haine, surprise, rancœur ou réflexions plus profondes, les documentaires de ce réalisateur atypique ne laissent pas indifférent et incitent toujours à développer notre esprit critique (que cela soit au sujet du thème abordé ou contre le réalisateur lui-même). Connu pour son application (d’aucuns y voient de l’acharnement) à dénoncer les écarts de la société censée représenter la plus « grande démocratie » de la planète, Michael Moore est donc un réalisateur controversé dans le monde du cinéma et plus généralement dans les médias. Il faut à ce propos préciser qu’il vise, et touche, dans ses réalisations, les points sensibles de la société américaine (alcool, racisme, individualisme), en même temps qu’il s’attaque au système dans son ensemble (politique par exemple, dans « Fahrenheit 9/11 » sorti en 2004 ; ou de santé avec « Sicko » sorti en 2007.
Je rappelle ici qu’il appartient à chacun de juger la filmographie de Michael Moore dans son ensemble car il est vrai que, comme c’est le cas chez de nombreux réalisateurs, cette dernière n’est qualitativement pas homogène. Néanmoins, il me semble bon de rappeler que ce documentaire portant sur un thème très sensible aux Etats-Unis et qui resurgit de temps en temps en France (par exemple) est, d’une part, l’un des plus éclairants sur la réalité qu’est aujourd’hui le marché mondial de l’armement et d’autre part, incite à une prise de conscience nécessaire sur l’avenir laissé aux générations futures. En effet, comme il n’est si bien jamais fait mention, le marché des armes est fructueux, et bénéficie en grande partie à la France (néanmoins derrière la Russie et les Etats-Unis bien que cela n’ait rien de vraiment consolant) et concerne surtout les armes petits calibres contrairement à l’idée que l’on pourrait en avoir. Si Michael Moore n’y va pas par le dos de la cuillère en ciblant précisément son pays où les armes sont en vente libre, ce qui crée, selon lui, une société de terreur et permissive (du fait de l’inconscience parfois totale des risques encourus à posséder une arme chez soi), il pose donc, indirectement, des problèmes plus profonds. Des questions qu’il revient aux politiques de résoudre, ou du moins, de prendre en compte, pour assurer le bien-être à venir de la société et jouer leur rôle de protecteur.
Au cœur du sujet, comme « étude de cas » pourrait-on dire, Michael Moore prend un drame collectif survenu en 1999 au lycée de Columbine, dans le Colorado, où deux adolescents armés s’étaient livrés à un véritable massacre, tuant 12 de leurs camarades ainsi qu’un de leur professeur. Tout cela avant de se suicider. Un massacre comme il a pu en survenir d’autres auparavant, mais dont l’ampleur et l’émotion avaient marqué le pays entier. Rétrospectivement, une des critiques faites à Moore a été de démontrer que les deux adolescents planifiaient le crime depuis de longs mois. L’abus de jeux vidéo ou de films dits « violents » n’a donc rien à voir dans le comportement des deux amis. Les détracteurs de Michael Moore invoquent plutôt les problèmes psychologiques des sujets dont ni les armateurs ni l’Etat américain ne sauraient être tenus pour responsables. Or, en l’absence d’armes, il est possible d’envisager que les dégâts humains (y compris les blessés) auraient pu être moindres et que les deux forcenés auraient été plus facilement maîtrisables. Cela engage à une législation moins « tolérante » à l’égard de la vente d’arme. En s’attaquant à ce thème, et en dénonçant directement la puissante National Rifle Association (NRA), on comprend donc aisément que le réalisateur dérange. Il a d’ailleurs été attaqué à 23 reprises en justice ; procès qui se sont toujours terminés à son avantage. Bien que les méthodes du réalisateur américain aient été, par la suite, reconnues « discutables » dans certains de ses documentaires, il est indispensable, ne serait-ce que pour se rendre compte d’une réalité qui nous échappe et qui nous est totalement étrangère en France, de visionner ce film.
Primé à Cannes en 2002, le film remporte l’Oscar du meilleur documentaire et le César du meilleur film étranger en 2003. Choquant, certainement, ce film remet néanmoins les idées en place, aussi brutalement que surviennent les drames (collectifs et domestiques) liés à la vente libre d’armes. Le dernier en date battant le record de victimes aux Etats-Unis ayant eu lieu le 16 avril 2007.
Pour conclure enfin, car il y a matière à heures de débat sur le fond et la forme de chaque documentaire de Moore, « Bowling for Columbine » est un documentaire dont il faut saluer l’existence, quelles que soient les méthodes employées. En effet, la réalité nous revenant inlassablement à figure, autant l’affronter.
Liens d’intérêt :
Avoir accès directement au documentaire :
http://freedocumentaries.org/film.php?id=139
Site officiel du film : http://www.bowlingforcolumbine.com
Site officiel de Michael Moore : http://www.michaelmoore.com/
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