La plage des Landes, une mère espagnole endeuillée et un jeune homme ressemblant à son fils disparu dans le même lieu il y a dix ans – voici les trois éléments fondamentaux qui caractérisent le postulat de Madre, nouveau long-métrage de Rodrigo Sorogoyen. Dès la séquence d’ouverture, qui a fait l’objet d’un court-métrage, le spectateur est agrippé à son siège en assistant à une conversation par téléphone durant laquelle la mère Elena constate l’enlèvement de son enfant sans pouvoir rien n’y changer. A partir de cette séquence qui joue sur l’action hors-champ, la tension est menée tambour battant durant tout le long-métrage sans faiblir un seul instant. Sorogoyen privilégie le grand angle pour capturer à l’écran le sentiment d’oppression ressentie par le personnage principal. De cette manière, Elena se retrouve comme écrasée par la plage, errant tel un fantôme dans ce décor lui rappelant la disparition de son enfant. C’est justement grâce à ce point de focalisation que la mise en scène arrive à transmettre au spectateur les angoisses de ce personnage troublé. Prise en étau entre une relation ambiguë avec un adolescent et une solitude pesante, Elena est interprétée par Marta Nieto, une actrice qui domine l’écran par sa justesse au niveau des émotions transmises.
A la fois dérangeant et fascinant, Madre représente l’errance d’un personnage ayant fait en son âme et conscience un transfert affectif. Après l’effet-choc suscité par son thriller politique El Reino, sorti l’année dernière, Rodrigo Sorogoyen se tourne vers le drame intimiste. Réutilisant le plan-sequence dans un cadre plus contemplatif, le cinéaste argentin traite du sentiment de remords en mettant en scène de manière implacable la résilience d’un individu. Confirmant le talent de ce réalisateur qui s’est illustré avec le thriller policier, notamment avec Que Dios Nos Perdone (2016), Madre est l’un des films sortis dans les salles à retenir par sa faculté à nous bouleverser, nous interroger sur un plan humain.
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