« La patience est un art qui s’apprend patiemment » déclare Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade, dans son récit autobiographique intitulé Patients, datant de 2012. Slameur connu pour ses textes lyriques, Grand Corps Malade transmet en quelque sorte une ode à la vie avec sa première œuvre écrite en prose. Réapprendre à se connaître, partager des moments avec son entourage, savoir s’adapter et progresser au quotidien ; telles sont les morales de ce court récit agréable et touchant.
En racontant ses péripéties à l’intérieur d’un centre de rééducation, suite à un accident de piscine, Fabien Marsaud utilise le lieu médical comme nœud dramatique de son récit, là où commence l’envie du personnage principal de vouloir retrouver ses capacités. L’auteur établit une description minutieuse de l’environnement médical qui devient le quotidien du héros, ce jeune casse-cou d’infortune. Il déploie de cette façon une galerie de personnages, représentant le personnel du centre qui remplissent tous un rôle précis dans la rééducation du jeune homme. Ainsi, le lecteur comprend les différentes tâches des aides-soignants, docteurs et kinésithérapeutes pour aider leurs patients. Grand Corps Malade arrive à tisser un portrait complet des personnages au-delà de leur fonction dans le cadre médical. Tous différents, certains assez pittoresques, d’autres plus tendres, ils sont mémorables grâce à leur personnalité complète. Par exemple, le kiné de Fabien est montré à la fois compétent et compatissant, tout comme son aide-soignant qui se révèle sympathique malgré ses tics de parole. Aucun des personnages n’est jugé, ni idéalisé : ils sont tous dépeints avec leurs propres qualités et défauts. Cet aspect du roman rend l’aventure personnelle de Fabien encore plus humaine, son accident symbolisant les affres de la vie qui peut être aussi bienveillante que cruelle.
Ce qui en ressort de cette petite histoire personnelle, c’est certainement sa dimension humaine sincère et touchante. Fabien Marsaud compose son récit comme une « aventure chorale », par le biais de rencontres d’autres personnes handicapées, victimes d’accidents, au sein du centre de rééducation. Le roman devient alors une galerie de portraits qui se lient par l’amitié entre les personnages. L’auteur confronte plusieurs aspects de la vie à travers les camarades de Fabien, tels que Farid et ses blagues décontractées ou Samia et son tempérament enflammé, tout en instaurant une ambiance chaleureuse dans le groupe formé par Fabien et ses camarades. Grand Corps Malade aborde avec ingéniosité les thèmes de l’endurance, de la peur du regard des autres et de l’estime de soi avec une liberté de ton plaisante, et tout particulièrement un sens de l’autodérision irrésistible.
Patients est un premier essai à l’écriture de roman fort réussi de la part de Grand Corps Malade. C’est une chronique de vie romanesque, dans le sens où le séjour de Fabien au centre de rééducation bouleverse aussi bien ses projets pour l’avenir qu’il lui donne un autre destin. La grande qualité de Fabien Marsaud en tant qu’écrivain est son écriture à fleur de peau, tantôt dramatique, tantôt enlevée. Le slameur-compositeur-poète fait le portrait de ces jeunes qui savent affronter les affres de la vie tous les jours avec dérision, même avec des hauts et des bas. L’adaptation cinématographique, coréalisée par Grand Corps Malade et Mehdi Idir, qui sortira en vidéo dès le 5 juillet, renforce les épreuves de cette bande d’amis par le biais de la mise en scène qui capte les émotions des personnages, notamment un plan d’ouverture diablement anxiogène, mettant en scène l’arrivée de Fabien dans sa chambre d’hôpital. Patients, aussi bien le livre que le film, est une œuvre à la fois intimiste et collective, traitant du respect d’autrui avec un langage sincère et décontracté, qui vaut sans hésiter le détour.
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