Rebelle et résistante inlassable
« Certains êtres d’exception portent au plus haut les valeurs essentielles de l’humanité. Esprit de résistance, courage, patriotisme, amour des siens : Lucie AUBRAC, c’est certain, était l’une de ces très grandes figures. » Jacques Chirac.
- Connaitre Lucie…
Elle est née le 19 juin 1912 à Macon dans une famille de viticulteur et maraicher sous le nom de Lucie Bernard. Lucie se caractérise dès son plus jeune âge par ses succès scolaires et, par la suite, par son brillant parcours. Elle réussit aisément son entrée à l’école Normale d’institutrice qui la destinait à l’enseignement, mais son caractère anticonformiste et rebelle se révèle déjà également : Elle refuse de porter l’uniforme de l’internat et, sur un coup de tête, s’installe à Paris où elle travaille comme plongeuse dans un restaurant.
Paris, c’est le début d’une prise de conscience nouvelle; l’engagement politique et le bouillonnement, la confrontation des idées. Entre ses cours d’agrégation en histoire géographie qu’elle reprit à la Sorbonne, Lucie fait des rencontres, se lie à des communistes révolutionnaires, des hongrois ou des polonais fuyant le fascisme naissant en Europe. Au cours d’un séjour pour les Jeux olympiques de Berlin en 1936, elle prend conscience des changements politiques qui s’installent en Allemagne et de l’antisémitisme qu’il y règne. Totalement Indépendante, brillante, à l’écoute des problèmes de son époque et y cherchant des solutions, Lucie est à l’image d’une femme moderne, bien dans son époque.
Parallèlement, elle réussit ses études une seconde fois en obtenant une agrégation d’histoire à la Sorbonne. Elle devient alors professeur d’histoire à Strasbourg où elle fait la rencontre de Raymond Samuel, un jeune ingénieur des Ponts et Chaussées, qu’elle épouse en 1939. Comme le fit remarquer un article de l’Humanité datant du 16 mars 2007 :« Si le XXe siècle n’avait pas connu le nazisme, Vichy, la Résistance, les lois antisémites et la nécessité vitale, absolue, d’échapper aux persécutions en changeant d’identité, Lucie Aubrac n’aurait jamais existé. Elle serait restée Lucie Bernard jusqu’au 14 décembre 1939, jour de ses noces avec Raymond Samuel, puis, comme ce fut le cas brièvement, elle se serait appelée Lucie Samuel. Monsieur et Madame Samuel. »
- La naissance du mythe Aubrac :
Jeune femme amoureuse, bien dans son temps, à qui tout réussi…La guerre se chargera pourtant de lui rappeler la sinistre réalité. En juin 1940, la France humiliée signe l’armistice avec Hitler et le gouvernement de Vichy ouvre la voie de la collaboration. Dans l’ombre et la clandestinité, une autre voie s’ouvre, celle de la Résistance, dont Lucie et son mari furent deux figures majeures. les deux époux refusent immédiatement la défaite et le gouvernement de Vichy : ils s’engagent dans la résistance à Lyon sous le nom d’Aubrac. Lucie contribua à la création du mouvement Libération-sud. Raymond ,lui, devint alors membre de l’état-major de l’armée secrète de Delestraint. Arrêté puis relâché le 15 juin 1943 par la milice, il fut à nouveau arrêté par la Gestapo le 21 juin 1943 à Caluire, avec Jean Moulin. Une fois de plus, Lucie refusa de se soumettre et de laisser son mari entre les mains de tortionnaires. A la tête d’un commando armé, elle mène une opération militaire pour le faire libérer et intervient auprès de Klaus Barbie en faisant preuve de ruse et de courage. Après le succès de cette opération, les deux époux quittèrent la France en février 1944 (alors qu’elle est enceinte) pour rejoindre De Gaulle à Londres et y accoucher d’une petite fille, Catherine. Après la guerre, Lucie Aubrac est chargée par Charles de Gaulle de la mise en place des Comités départementaux de Libération, et participe à l’Assemblée consultative du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF), tandis que son mari devient Commissaire de la République et travaille pour la reconstruction.
- Lucie Aubrac l’héritage…
Par la suite, Lucie refusera d’utiliser sa notoriété pour entrer en politique. Elle préfère s’engager pour d’autres causes telles que celle de la femme et des droites de l’homme notamment au cours de la guerre d’Algérie. Elle fera partie du mouvement pour la paix. Elle choisie également de continuer son métier d’enseignante par lequel elle continue de militer et de transmettre le message du passé.
Sollicitée par les écoles pour parler de la résistance, Lucie Aubrac s’est exécutée sans relâche jusqu’à la fin . Son militantisme pour la paix et pour la liberté l’amènera donc aussi à donner, souvent avec son mari, de nombreuses conférences ainsi que des rencontres dans les collèges et lycées où elle témoigne de son engagement dans la Résistance. Elle a également raconté son engagement dans deux livres autobiographiques, Ils partiront dans l’ivresse (1984) et Cette exigeante liberté (1997) ainsi que dans un ouvrage didactique intitulé La résistance expliquée à mes petits enfants (2000).
Elle meurt le 14 mars 2007 à l’Hôpital suisse de Paris à Issy-les-Moulineaux à l’âge de 94 ans. L’hommage de la classe politique d’époque sera unanime. Elle est enterrée avec les honneurs militaires le 21 mars, aux Invalides , en présence du chef de l’État et de nombreuses personnalités politiques. Ses cendres furent transférées dans le cimetière de Salornay-sur-Guye, village où est né son père. Son transfert au Panthéon fut demandé de nombreuses fois.
« Jeune femme de l’Entre-Deux-Guerres, héroïne chevaleresque de la Résistance et femme moderne de l’après guerre, Lucie Aubrac est une référence historique et un modèle pour la cause des femmes. Pour les générations protégées de l’après guerre, elle incarne, avec force, le choc de l’histoire. » Voilà ce que fut La grande dame Lucie Aubrac pour des milliers de génération qui aimait à leur dire : «Le mot résister doit toujours se conjuguer au présent.». Femme de courage à jamais.
A lire :
· Par Lucie Aubrac :
* La Résistance (naissance et organisation), 1945, R. Lang
* Ils partiront dans l’ivresse, 1984, Le Seuil
* Cette exigeante liberté
* La Résistance expliquée à mes petits-enfants, 2000, Le Seuil
· Sur Lucie Aubrac :
* Robert et Jeanne de Annette Kahn aux Éditions Payot, qui se déroule pour une large part à Lyon sous l’Occupation.
* Aubrac, Lyon 1943, Gérard Chauvy, 1997, ed. Albin Michel
A voir :
Lucie Aubrac réalisé en 1997 par Claude Berri est inspiré de l’histoire vraie de Lucie Aubrac, racontée dans son ouvrage Ils partiront dans l’ivresse. Le rôle de Lucie Aubrac est tenu par Carole Bouquet.
« Le 21 juin 1943, à la suite d’une dénonciation, Raymond Aubrac est arrêté avec Jean Moulin par la Gestapo. Lucie, la femme d’Aubrac, ne reculera devant rien pour libérer son mari des griffes de la police allemande… »
Mais aussi :
– Dans L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville, sorti en 1969, le personnage de Mathilde joué par Simone Signoret est librement inspiré de la figure de Lucie Aubrac.
–Boulevard des hirondelles réalisé en 1993 par Josée Yanne, est la première fiction qui évoque l’histoire de Lucie Aubrac, incarnée dans le film par Elizabeth Bourgine.
–Les Femmes de l’ombre a été inspiré à son réalisateur par la mort de Lucie Aubrac en 2007.
Crédit photo : Manuel Meszarovits – www.meszarovits.org
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