C’est toujours un plaisir que de se rendre à l’Espace Vuitton. On délaisse l’entrée principale, prise d’assaut par les visiteurs de passage, pour contourner le bâtiment par la rue de Bassano. Puis le rituel de l’ascenseur sensoriel d’Olafur Eliasson vous prépare au voyage… Le thème de cette fois : Ecritures silencieuses.
Que se cache derrière cet intitulé plutôt mystérieux ? Un jeu sur le déchiffrable et l’indéchiffrable. Les portes de l’ascenseur s’ouvrent sur des tablettes découvertes sur l’île de Pâques, ressemblant vaguement à la pierre de rosette. Sauf que contrairement à ladite pierre de rosette, ces tablettes restent indéchiffrables. Toutes les œuvres ici présentées jouent donc avec notre perception de l’écriture, que ce soit en tant qu’élément graphique ou en tant que porteur de message.
Parmi les habitués de ce genre d’activité, on retrouve Claude Closky. Aimant à surcharger la perception auditive ou visuelle par des sons ou vidéos, l’artiste a cette fois décidé de décliner notre traditionnel alphabet. En cent lettres. Ce qui signifie qu’aux 26 que nous utilisons tous les jours ou presque, il en a ajouté 74. De nouvelles graphies qui déroutent, bien que pouvant, pour certaines, être prises pour du cyrillique ou du grec. Au-delà de leur ressemblance, la vraie question est celle du sens qu’elles portent. Que faire de 74 signes qui représentent autant de sons inconnus et donc certainement imprononçables ? Ou alors, ce sont des doublons (comme le ‘f’ et le ‘ph’, par exemple), représentant une complexification insensée du code orthographique ? Ou encore échappent-elles à toute logique latine pour se rapprocher de l’idéogramme : un signe représente une idée ? Quoi qu’il en soit, ces lettres indues ont été conçues (trame à l’appui) selon les canons de l’alphabet latin. Une preuve que le jeu de Closky est avant tout de brouiller les pistes. Un nombre étouffant pour masquer le vrai message. La foison d’informations insignifiantes sous laquelle est dissimulée celle recherchée, métaphore d’un monde dans lequel toute information est accessible à tout moment, creuset de la génération zapping.
La vidéo de Robin Rhode joue plus sur le motif que sur le signe. Elle est toutefois à voir absolument, ce que ce type est capable de faire avec une craie et un mur de béton est magnifique et épatant.
Barbara Kruger a pris ses quartiers dans la rotonde, pour une installation vidéo spectaculaire, simplement formées de maximes célèbres. Des phrases mises en valeur par leur taille et leur graphisme. Avec un appui sur certains mots qui peut parfois changer radicalement le sens originel.
L’Espace Vuitton signe une fois encore une exposition remarquable par la qualité des œuvres ainsi que celle de leur présentation. Le choix de livres disponible à la librairie, en rapport avec les artistes exposés, est lui aussi de qualité. Un voyage qui se poursuit avec le magnifique catalogue offert à chaque visiteur…
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