Parmi les comédies françaises connues d’avances avec une vedette au premier rôle (Kad Merad pour Safari, Franck Dubosc pour Boule et Bill), le quatrième long-métrage d’Agnès Jaoui, Au bout du conte, sort du panier. En collaborant une nouvelle fois avec Jean-Pierre Bacri, la réalisatrice-actrice traite cette fois le sujet des contes au cinéma. C’est dans cette intention que se situe la particularité du film.
Alors que le film s’annonce comme une comédie classique, il surprend le spectateur par le parti-pris d’un film choral enchevêtré d’échos féeriques. En effet, nous suivons une multitude de personnages ayant leur propre histoire : Jaoui est une femme désespérée par son incapacité à se comporter comme une adulte ; Bacri est le vieux père solitaire et rationnel poursuivi par la prémonition de sa mort ; Arthur Dupont et Agathe Bonitzer sont deux jeunes gens très purs qui n’arrivent pas à affronter les problèmes du quotidien ; etc. Les dilemmes de l’identité et l’émancipation personnelle sont les deux thèmes pivots du conte. Agnès Jaoui assimile cette structure psychologique dans le monde actuel. De cette manière, le film permet de nous identifier aux personnages et à rire avec ironie des affres de la réalité que sont la mort ou la perte de ses repères. Agnès Jaoui apporte une richesse intéressante quant à la caractérisation de chaque protagoniste. Elle mêle avec justesse le quotidien aux symboles propres du conte. Les personnages du loup charmeur (Benjamin Biolay), de la voyante énigmatique et de la mère reine refusant sa vieillesse (Béatrice Rosen), apparaissent comme les points perturbateurs de ces histoires et s’immiscent parfaitement dans notre réalité. De références aux petites histoires (Cendrillon, La Belle au bois dormant, Peau d’Âne) aux illustrations poétiques de notre monde (une photographie aux couleurs irréelles de Lubomir Bakchev), le film rend hommage au principe du conte en renouvelant ses structures classiques.
Servi par une galerie d’acteurs convaincants et alléchants dans chacun de leurs rôles, Au bout du conte est la rencontre entre des personnages aux âmes fragiles et leurs idéaux merveilleux. Les contes sont le reflet onirique des moments heureux et dangereux de la vie à toute époque. Mais leurs symboles ne peuvent s’impliquer d’une seule et même manière de nos jours. Parfois, le prince charmant en apparence peut se révéler être le loup dévoreur de tous les cœurs purs. Et c’est cette dimension-là qu’aborde le couple Jaoui-Bacri avec malice dans ce film. Ils illustrent la substance mystérieuse des contes en décalant les rôles préétablis (le prince charmant, le loup, la sorcière, etc.) dans notre réalité. A l’intérieur des sentiers infinis de la comédie française, le nouveau film du duo Jaoui-Bacri se place comme une œuvre curieuse, mélangeant les genres d’une autre manière, mais non moins intéressante et envoûtante.
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