20 septembre 1976. Siouxsie Sioux monte sur la scène du 100 Club Punk Festival, organisé par Malcolm McLaren et déjà s’annonce pour elle une carrière tout aussi flamboyante que ses idoles les Sex Pistols. 20 minutes, soit le temps de sa prestation, suffiront pour changer à tout jamais la face du rock, asseyant à tout jamais la place de frontwoman et popularisant comme une trainée de poudre le punk rock à travers le Royaume-Uni. Multipliant les provocations pour mieux en renverser les codes, la première artiste gothique s’est fait une place de choix dans l’histoire de la Musique, troquant sa place de groupie du Bromley Contingent pour celle de leader de son propre groupe, The Banshees (1976-1996), où Sid Vicious et Robert Smith se sont illustrés, sans oublier l’aventure Creatures (1981-2004) avant de sauter le pas de la carrière solo en 2007 avec l’album Mantaray. De Tricky à TV on The Radio, en passant par The Smiths, les Red Hot, U2, Radiohead, Shirley Manson, Beth Ditto, Santigold, nombreux sont les artistes à se réclamer de l’héritage Siouxsie. Chronique d’un monument du rock.
Suzie et les Sex Pistols
Derrière le nom d’artiste Siouxsie Sioux (à prononcer Sou-zie Sou) se cache Susan Janet Ballion née le 27 mai 1957 à Londres d’un père belge wallon bactériologiste et d’une mère anglaise secrétaire bilingue français. Petite dernière d’une famille de trois enfants, la gamine solitaire simule des chutes et des tentatives de suicide pour attirer le regard de ses parents ! Perdant son père à 14 ans, l’ado idôlatre sa mère qui devient sa référence féminine et s’enferme dans sa chambre pour y écouter les stars glam rock David Bowie, Lou Reed, Marc Bolan, ou encore Bryan Ferry et Iggy Pop, époque The Stooges, n’en sortant que pour retrouver des amis partageant la même passion. Ecumant les scènes alternatives, la jeune fille découvre les Sex Pistols et rejoint, en fan de la première heure, les rangs du « Bromley Contingent », suivant les Pistols en France où celle-ci sera violemment prise à partie pour avoir porté un brassard arborant une croix gammée, qu’elle expliquera par une volonté de choquer le bourgeois et non comme orientation politique. Comme pour s’affranchir de cette erreur, la chanteuse écrira les morceaux « Metal Postcard (Mittageisen) » en hommage à l’artiste anti-Nazi john Heartfield ainsi que le single « Israel ».
Un groupe à aimer, c’est bien, mais un à diriger, c’est encore mieux et c’est aux côtés de son ami Steven Severin que le projet musical fait peu à peu son chemin. Présents au 100 Club Punk Festival organisé à Londres par le manager des Pistols, Malcolm McLaren, les deux amis montent ainsi sur scène le 20 septembre 1976, sous le nom de Suzie and the Banshees (ndlr : la banshee est une figure féminine féérique du folklore irlandais et écossais) en compagnie, le temps d’une soirée, de Sid Vicious à la batterie, sans aucune préparation préalable. Reposant sur des poèmes et des prières récitées par la chanteuse, l’improvisation n’a duré que 20 minutes mais aura suffi à littéralement ensorceler le public et le milieu professionnel, témoins qu’une nouvelle page est en train de s’écrire dans l’histoire de la Musique. La participation des deux membres fondateurs au Today Show de Bill Grundy sera l’autre élément clé de leur notoriété : rassemblés autour de l’interview des Sex Pistols, la chanteuse et son guitariste créent la polémique en raillant l’animateur qui se voit contraint de démissionner suite au tollé médiatique engendré. Une publicité inattendue qui lance dans le même temps la carrière du groupe en devenir.
Siouxsie la Sioux et ses Créatures
Distanciée de l’influence des Pistols pour se consacrer à 100% à sa carrière musicale, Suzie troque l’année suivante son nom de scène en Siouxsie Sioux et part en compagnie de Severin à l’assaut des scènes musicales anglaises. Au cours de l’été 1978, le public succombe au premier single « Hong Kong Garden », suivi de l’album The Scream dont il est issu, déjà comparé au révolutionnaire Horses de Patti Smith. 9 albums émailleront la carrière du groupe, redéfinissant chacun à leur manière le paysage musical post punk et new wave, en ouvrant par la même occasion des perspectives vers le rock gothique et alternatif.
Citons parmi eux Kaleidoscope (1980) et la pop mélodieuse des titres « Happy House », « Christine », dont une incursion électro pour « Redlight », Juju (1981) et ses merveilles pop « Spellbound », « Arabian Knights », le novateur A Kiss In The Dreamhouse (1982), Hyena (1984) mettant en lumière le leader des Cure comme guitariste guest, Peepshow (1988) et le très remarqué « Peek a Boo » mêlant hip hop syncopé et rock psyché, Superstition (1991) et son titre « Kiss Them For Me » qui réussit l’exploit de percer le marché américain ainsi que The Rapture (1995), co-produit avec l’ex Velvet Underground John Cale, dernier album avant l’annonce de leur séparation l’année suivante… Entre les deux dernières galettes, le groupe aura eu également le temps d’enregistrer « Face to Face » pour Batman Returns de Tim Burton sorti en 1992.
10 albums studio avec The Banshees étalés sur 20 ans de carrière certes mais n’oublions pas le side project de Siouxsie et de Budgie, son batteur et mari (ndlr : dont elle maintenant séparée) baptisé The Creatures dont le mariage voix-batterie a donné naissance à quatre albums : Feast (1983) dont le hit « Miss The Girl », Boomerang (1989) et son single « Killing Time » bientôt repris par Jeff Buckley, le très urbain Anima Animus (1999), considéré par PJ Harvey comme l’un des 10 meilleurs albums de l’année, et enfin Hai ! et sa beauté classieuse sorti en 2003.
Sept ans de réflexion
7 années séparent en effet The Rapture de l’anthologique The Best of Siouxsie and The Banshees sorti en 2002 qui, suivi de The Seven Itch Tour (inspiré par le film 7 ans de réflexion de de Billy Wilder) et du collector Downside Up (2004), seront autant l’occasion pour la bande à Siouxsie de réintroduire son œuvre auprès de la jeune génération que de proposer une relecture remasterisée de ses bonus et faces B. Il faut dire qu’entre temps, la chanteuse n’a pas chômé : un duo avec l’ex chanteur des Smiths, Morrissey, sur « Interlude », une collaboration avec le compositeur français Hector Zazou sur « The Lighthouse », ainsi que sa participation aux chansons « Threat of Love » (ndlr : chanson sortie en 1999 en duo avec l’ex Soft Cell, Marc Almond), « Careless Love » (ndlr : composée par Angelo Badalamenti pour le film The Edge of Love, distribué en 2008) ou encore « Cish Cash » de l’awardisé Kish Kash de Basement Jaxx (2003), comptent parmi ses réalisations.
Et puis surtout, Siouxsie s’est essayée pour la première fois à l’aventure en solo en signant Mantaray, dans les bacs le 10 septembre 2007. Un premier album ouvrant vers de nouvelles perspectives après plus de 30 ans à servir le groupe qui la fait connaître : lancé en édition standard et limitée sur le label Universal au Royaume-Uni et sous Decca aux States, le nouvel opus coproduit par Steve Evans et Charlie Jones , (qui ont respectivement travaillé avec Robert Plant et Goldfrapp) ravit la 39e place des charts britanniques, recevant un bon accueil du public comme de la critique qui saluent l’aventure pop, glam, industriel et électronique, en un mot « sonique » des singles « Into a Swan », « About To Happen » et « Here Comes That Day ». Nouvelle tournée immortalisée sur le DVD Finale: The Last Mantaray And More Show en 2009. Distinguée lors des Q Awards de 2011 au titre de sa « Remarquable Contribution pour la Musique », Madame Sioux reçoit l’ « Award de l’Inspiration » lors de la cérémonie des Ivor Novello de 2012, fenêtres médiatiques lui permettant de clamer haut et fort que de nombreux projets sont en préparation dont un nouvel album à paraître !
Chevelure noir de geais ébouriffée, maquillage savamment élaboré, panoplie de cuir ou de latex mais toujours de couleur noire, si la diva du punk a quelque peu assagi son look des débuts (ce n’est pas pour rien que celle-ci est reconnue comme la mère fondatrice du mouvement gothique) et laisse planer un parfum de mystère sur ses prochains apparitions publiques, l’artiste britannique n’en reste pas moins une légende vivante qui, affranchie des dictats sociaux, a navigué parmi les grandes heures de l’histoire musicale, en tutoyant les stars de la scène alternative pour en devenir une à son tour, en redéfinissant la place de la femme à l’égale de l’homme dans l’art et la manière de diriger un groupe de rock. «[…] Les gens oublient que le courant punk a été bénéfique pour les femmes : cela les a motivé à attraper une guitare plutôt que de devenir une chanteuse, en nous autorisant à être agressive » (www.telegraph.co.uk). Siouxsie, la grande famille du rock te dit merci !
(Les photos proviennent de www.untiedundone.com).
Sources
Sites internet
http://www.thebansheesandothercreatures.co.uk/
http://www.untiedundone.com/
http://www.music-story.com/siouxsie/biographie
http://www.allmusic.com/artist/siouxsie-sioux-mn0000723412
Articles
Siouxsie and the Banshees in Le rock dictionnaire illustré, Larousse (1997)
Siouxsie Sioux strikes out alone : http://www.telegraph.co.uk/culture/music/rockandjazzmusic/3667850/Siouxsie-Sioux-strikes-out-alone.html
Siouxsie Sioux: ‘There plenty more new material to come from me’ – Q Awards video : http://news.qthemusic.com/2011/10/siousie_soux_there_plenty_more.html
Siouxsie Sioux: ‘I’ve always felt on the outside’ – a classic interview from the vaults : http://www.guardian.co.uk/music/2012/oct/16/siouxsie-banshees-classic-interview
Siouxsie, 41 ans, chanteuse. La prêtresse punko-gothique a jeté sa tenue de Cruella, vit dans un manoir XVIIIe mais reste une emmerdeuse. Don’t worry, be harpie : http://www.liberation.fr/portrait/0101281625-siouxsie-41-ans-chanteuse-la-pretresse-punko-gothique-a-jete-sa-tenue-de-cruella-vit-dans-un-manoir-xviiie-mais-reste-une-emmerdeuse-don-t-worry-be-harpie
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