Le prix Nobel de la paix récompense « la personnalité ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix » selon les volontés, définies par testament, d’Alfred Nobel. Cela comprend la lutte pour la paix, les droits de l’homme, l’aide humanitaire, la liberté. Ainsi le 7 octobre 2011 à Oslo, le prix Nobel de la paix a été remis à trois personnes importantes, trois femmes, pour honorer leur combat envers la liberté et les droits de la femme. Trois femmes de coeur engagées, militantes et courageuses. Quand on sait que depuis 1901 seulement douze femmes avaient reçu cet honneur, trois d’un seul coup, c’est un exploit! Il s’agit d’Ellen Johnson Sirleaf, présidente du libéria, Leymah Gbowee (Libéria) et Tawakkol Karman (Yémen). Chacune à sa manière oeuvre pour la sécurité et les droits de la femme, et c’est une lutte de chaque instant que ce soit au Libéria, au Yemen ou un peu partout dans le monde.
Ellen Johnson Sirleaf, La Dame de fer
Née en 1938 au Liberia, cette grande dame politique et économiste est entrée dans l’histoire le 23 novembre 2005 en devenant la première femme, chef d’un état africain, élue au suffrage universel.
Issue d’un milieu plutôt aisée, elle se marie à l’âge de 17 ans et part vivre aux Etats-Unis avec son mari. Elle y effectue de brillantes études d’économie qui lui permettent de travailler comme secrétaire des finances puis d’être ministre des finances dans son pays. Dans un pays traumatisée par les guerres civiles, elle essaie de relancer l’économie, de reconstruire, d’attirer les investisseurs, de lutter contre la corruption… Ce qui lui vaudra le surnom de la « Dame de fer » mais surtout d’aller deux fois en prison sous le régime de Samuel Doe. Ellen survit à un coup d’Etat de Doe en 1980 où le président et ses ministres se font assassiner. Dans ce climat tendu, elle repart aux Etats-Unis et poursuit sa carrière dans l’économie. Elle suit l’actualité de son pays à distance, ne lâche rien et sait qu’elle reviendra. Et c’est par la grande porte qu’elle réapparaît en 2005 en se présentant à la présidence de la République avec son parti de l’unité. Elle passe le premier tour avec brio et se retrouve opposée à l’ancienne star du football, Georges Weah. Le 23 novembre 2005, elle est officiellement déclarée présidente de la République avec 59,4% des voix et prête serment devant la Cour suprême Henry Reed le 16 janvier 2006. A la tête d’un pays de 4 milions d’habitants, Ellen, s’efforce toujours de relancer l’économie de son pays et de faire oublier le traumatisme de plus de 10 ans de guerre civile. Elle fait partie du classement des femmes les plus puissantes du monde et cela devrait perdurer si cette année elle est réélue.
Leymah Gbowee, La guerrière de la paix
Leymah Gbowee est née en 1972 au Libéria également et est issue de l’ethnie Kpellé. C’est une travailleuse sociale fortement engagée dans la lutte pour les droits de le femme, une activiste pacifiste qui a courageusement combattu la guerre civile avec les armes qu’elle possédait, on peut même dire qu’elle a contribué à la fin de cette guerre avec une méthode bien particulière, la grève du sexe.
Bien avant cela, pendant la guerre civile, elle exhortait de nombreuses femmes à la prière, la prière pour la paix. Le mouvement a rapidement pris de l’ampleur et chaque jour de nombreuses femmes, vêtues de blanc, priaient dans la rue pour la paix. Cette quadragénaire dynamique que rien n’arrête devient très vite la figure de proue du mouvement pacifiste Women of Liberia Mass Action for Peace qui, pour la première fois, regroupe des femmes de toutes confessions. Son action intensive ainsi que l’ampleur du mouvement, vont obliger Charles Taylor, le président, à associer Leymah et son mouvement au processus de paix quelques temps avant sa chute et vont amener à l’avènement d’Ellen Johnson Sirleaf. Le fait le plus marquant resté dans le anales est cette idée ô combien osée, mais néanmoins efficace, de faire une grève du sexe obligeant le règime à réagir et à les associer aux débats.
« Leymah Gbowee est plus que courageuse. Elle a bravé la « tempête » Charles Taylor, l’a obligé à aller à la paix alors que la plupart d’entre nous, hommes, fuyions pour sauver notre vie » raconte Nathan Jacobs, fonctionnaire libérien. Son action courageuse et pour le moins originale est directement à l’origine des négociations qui ont mené à la fin de la guerre, à une nouvelle élection, une présidente, et un plus bel avenir. Le pouvoir est partout même là où on ne l’y attend pas. Qui aurait cru qu’une grève du sexe aurait fait vasciller les plus hautes autorités?!…
Tawakkol Karman, La tempête avant la tempête
Tawakkol Karman est une jeune femme de 32 ans, mère de trois enfants, fille d’Abdul Salam Karman, un activiste politique yéménite (qui fut ministre des affaires juridiques et Parlementaires), journaliste émérite dans un pays où la liberté d’expression est loin d’être respectée, tout spécialement envers le pouvoir. Et pourtant, Tawakkol va secouer son pays jusqu’aux plus hauts dirigeants.
Menacée de mort, emprisonnée, rien ne la fera stopper son combat pour la liberté d’expression, la démocratie et le droit des femmes avant et pendant le Printemps Arabe. En 2005, elle fonde l’organisation Femmes journalistes sans chaînes et s’engage activement dans la lutte. Elle mène ainsi des croisades contre Ali Saleh (au pouvoir depuis 1978) et dénonce la corruption. Elle dresse une liste des plus grands ennemis de la presse au Yémen, liste qui contient de nombreux noms de ministres et qui sera placardée sur tous les murs de la ville de Sanâa: « J’ai promis, à tous ceux qui ont profité de leur position pour porter atteinte aux autres, en leur empêchant d’exercer leurs droits, qu’un jour, ils seraient tous poursuivis en justice et qu’ils finiraient par payer pour leurs crimes. ». Lors du Printemps arabe, elle est l’une des figures de proue de la révolte au Yemen et organise de nombreuses manifestations pour exiger des changements politiques. Arrêtée pour incitation au chaos et au désordre plusieurs fois, elle ne se décourage pas pour autant et continue son combat par la parole, par l’écrit, par le dénoncement de la corruption… Son oeuvre en faveur de la paix n’est certainement pas finie mais elle est déjà immense. Elle a fait trembler le pays bien avant que le Printemps arabe ne commence.
Ces femmes nobel et rebelles ont été récompensées pour montrer le rôle des femmes dans la résolution des conflits et dans la lutte acharnée pour la paix sans violence. Toutes ont dédié leur prix aux femmes (spécialement africaines et musulmanes). Plus de 240 personnes étaient préssenties cette année, un record. Notamment deux autres femmes qui ont activement participé au Printemps arabe comme la blogueuse tunisienne Lina ben Mhenni, qui a tenu la chronique de la révolution sur Internet ou l’égyptienne Israa Abdel Fattah et le Mouvement du 6 avril, dont elle est l’une des fondatrices et qui a « joué un rôle clé dans le maintien du cap et de la non-violence des révoltes en Egypte ». Quoiqu’il en soit tendez bien l’oreille, vous entendrez sûrement parler de toutes ces grandes dames au cours de cette année, car la lutte est loin d’être terminée et les nouvelles élections au Libéria vont bientôt commencer.
A voir : (vidéo de la récompense)
A savoir :
Les femmes ayant reçu le prix Nobel de la paix depuis 1901
2011 – La présidente du Liberia Ellen Johnson Sirleaf, sa compatriote Leymah Gbowee et la militante yéménite Tawakkul Karman « pour leur combat non violent en faveur de la sécurité des femmes et pour le droit des femmes à participer pleinement à la recherche de la paix ».
2004 – La militante kényane Wangari Maathai pour sa contribution en faveur du développement durable et le plantage de dizaines de millions d’arbres.
2003 – L’avocate iranienne Shirin Ebadi pour son travail en faveur des droits de l’homme et de la promotion de la démocratie en Iran.
1997 – Jody Williams, coordinatrice d’un collectif pour l’interdiction des mines terrestres.
1992 – Rigoberta Menchu, militante guatémaltèque luttant pour la reconnaissance des droits des communautés indiennes.
1991 – Aung San Suu Kyi, chef de file de l’opposition birmane.
1982 – Alva Myrdal, ministre suédoise du désarmement.
1979 – Mère Teresa pour son engagement auprès des pauvres et des orphelins de Calcutta.
1976 – Betty Williams et Mairead Corrigan, dirigeantes de Community of Peace People, un mouvement nord-irlandais pour la fin des violences confessionnelles.
1946 – Emily Greene Balch, pacifiste américaine et présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.
1931 – Jane Addams, philanthrope américaine récompensée pour son travail auprès des pauvres de Chicago, elle aussi présidente de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté.
1905 – Bertha Sophie Felicita von Suttner, baronne autrichienne pacifiste, présidente honoraire du Bureau international permanent pour la paix.
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