Arrêtons nous un peu sur une femme qui fait partie de l’Histoire. Histoire avec un grand H. Anne Boleyn montre parfaitement comment »le sexe faible » peut arriver à faire basculer un homme, une politique, un pays dans son sillage. Marquise de Pembroke, elle a succédé sur le trône d’Angleterre à Catherine d’Aragon (fille cadette du roi Ferdinand II d’Aragon et de la reine Isabelle I de Castille). Elle est la seconde épouse d’Henri VIII, mère d’Elisabeth I ainsi que l’une des reines les plus célèbres de l’histoire d’Angleterre. Par son mariage avec Henri VIII, l’Angleterre connaîtra un profond changement politico-religieux encore en place actuellement.
Henri VIII et Anne Boleyn, dans la série The Tudors (Jonathan Rhys-Meyers et Nathalie Dorme)
Qui est elle ? Son père Sir Thomas, est le premier comte de Wiltshire et d’Ormonde, diplomate et politicien. En ce qui concerne son ascendance par sa mère, Elisabeth Howard, elle est liée à Thomas de Brotherton, le comte de Norfolk, fils d’Edouard Ier, roi d’Angleterre, et de Marguerite de France, petite-fille de Saint Louis. Anne Boleyn a également pour ancêtre des membres de la lignée capétienne. Ce qui signifie qu’Henri VIII et Anne sont de lointains cousins ! Il demeure une certaine controverse concernant son année de naissance (peut être le début d’une longue série), soit en 1501 soit en 1507. Les historiens s’accordent à accepter qu’elle est l’aînée de la fratrie.
En 1527, Henri n’a toujours pas de fils légitime. Catherine d’Aragon n’a enfanté qu’une fille, Marie. Il décide d’entamer l’interminable procédure d’annulation de mariage. Cela dure six longues années. Il répudie Catherine en 1532 contre l’avis du pape. Ce sera l’une des causes du schisme qui fera basculer l’Angleterre du catholicisme à la création de l’Eglise Anglicane. L’annulation de ce mariage est appelé »divorce royal », le divorce n’existant pas à l’époque. Alors que le pape Clément VII refuse cette séparation, c’est Thomas Cranmer, nouvel archevêque de Canterbury qui la prononce.
Catherine d’Aragon
Anne Boleyn fait ses débuts à la cour pendant un bal masqué en mars 1522. Elle y danse une chorégraphie compliquée avec la compagnie de la jeune soeur du roi, de dames de la cour ainsi que sa soeur Mary. Les jours passants après cette représentation, la fait connaître comme la dame la plus élégante et accomplie de la cour. Elle est surnommée »miroir de la mode ». Mais Catherine bénéficie encore d’une grande popularité au sein de la cour. Même si ses interventions politiques sont amoindries.
A cette époque, elle se laisse courtiser par Henry Percy, fils du comte de Northumberland. Elle finit par accepter les fiançailles qu’Henry lui propose. Mais elles seront brisées par le comte qui refuse de les reconnaître en 1523. Une légende plane sur cette rupture. Le Cardinal Wolsey, chancelier d’Henri, aurait fait pression sur le comte pour ne pas les reconnaître afin que le roi, puisse convenablement la courtiser afin qu’elle devienne son épouse. Mais après cette rupture, elle part en exil forcé en France. A son retour à la cour, elle se crée son propre cercle (composé à la fois d’hommes et de femmes) au sein même de la cour royale. On lui reconnaît une grande habileté pour s’entourer de personnes influentes. Sir Thomas Wyatt, poète, écrit qu’elle était invulnérable et forte, quoique sage et silencieuse. C’est en 1525, qu’Henri VIII tombe amoureux d’elle et commence à la courtiser. Mais Anne Boleyn ne tient pas à devenir la maîtresse du roi. Etre une maîtresse parmi tant d’autres ne l’intéresse pas.
Anne Boleyn
Elle résiste aux premières avances du roi: « J’implore sincèrement votre majesté de cesser, et ceci est ma réponse de bonne foi. Je préférerais perdre la vie que mon honnêteté ». Ce dédain ne fait qu’attiser le désir du roi pour elle, qui finit par lui demander sa main. Ce qu’elle accepte bien évidemment. Mais elle continue de refuser les avances »charnelles » d’Henri, car un enfant né avant le mariage est considéré comme illégitime.
Le roi est éperdument amoureux d’elle. Vues les circonstances qui entourent ce mariage, le désir désespéré d’Henri d’avoir un fils, les nombreuses grossesses d’Anne Boleyn évoquent beaucoup d’intérêt. Mais hélas elles se terminent toutes pas fausses couches. Elle donnera cependant vie à Elisabeth, née en1533.
Lors des derniers jours d’avril 1536, le musicien flamand Mark Smeaton et William Brereton, sont arrêtés et torturés par Thomas Cromwell. Ils nient toutes relations adultérines avec la reine. Mais sous la torture, Smeaton avoue. Il dénonce également un autre prétendu amant. Sir Henry Norris, Sir Francis Weston, sont aussi arrêtés pour subir les mêmes interrogatoires pour les mêmes raisons. Le dernier accusé est le frère de la reine, Georges, accusé d’inceste avec sa soeur lors de la dernière année écoulée ainsi que de trahison.
Le 2 mai 1536, la reine est conduite à la tour de Londres (équivalant de La Bastille en France). La reine est très affectée de cette arrestation. Elle n’en connaît pas les causes. Les quatre hommes sont jugés à Westminster le 12 mai 1536. Weston, Brereton et Norris continuent de crier publiquement leur innocence. Smeaton supposant se sauver plaide coupable. Trois jours plus tard, la reine et George, sont jugés chacun de leur côté au sein même de la tour de Londres. Elle est accusée d’adultère, d’inceste, d’hérésie (elle est pour la réforme calviniste), d’entreprises contre la vie du roi et de haute trahison. Le peuple doute du bien-fondé des accusations. Il grandit à chaque apparition publique d’Henri et de sa nouvelle maîtresse Jeanne Seymour. Des pamphlets sont publiés dans le tout Londres pour soutenir la reine et tourner en dérision le procès, ce qui agace profondément Henri et blesse sa maîtresse.
Tous les condamnés sont exécutés le 17 mai 1536. Cranmer déclare que le mariage avec la reine et Henri est nul. Leur fille Elisabeth devient bâtarde. Les gouverneurs de la tour de Londres, Lord et Lady Kingston, affirment que la reine accepte son dessein et semble prête à en finir. Norfolk lui rapporte l’ordre du roi quant à son exécution, décapitation par épée. Le bourreau est spécialisé dans ce châtiment, venu tout expressément de Calais (en tant normal c’est la hache qui fait office de lame). La reine déclare : » il ne devrait pas avoir trop de problèmes ; j’ai un cou fragile. Je serai connue comme »La Reine sans tête » « !
Au matin du vendredi 19 mai 1536 la reine est amenée à l’échafaud dans l’enceinte de la Tour. La grâce de mourir en huis clos lui est accordée. Le sergent de la tour écrit : « Ce matin elle m’envoya chercher, car elle voulait que je l’accompagne dans sa communion pour que les gens comprennent son innocence. Et au moment d’écrire ces lignes, elle me fit chercher et me dit ceci : « M. Kingston, j’ai entendu que je ne mourrai pas avant midi. Je suis déçue car je pensais être morte à cette heure et avoir oublié ma souffrance ». Je lui répondis qu’elle ne souffrirait pas, c’était peu. Et elle me dit : « J’ai entendu que le bourreau était très bon, et j’ai un petit cou », elle prit alors son cou entre ses mains et se mit à rire. J’ai vu beaucoup de femmes exécutées, et elles étaient toutes en grande peine, et à ma connaissance, cette femme était dans la joie en l’attente de la mort. Sire, son aumônier est toujours avec elle depuis deux heures après minuit. »
Elle enfile une cape rouge sur une grande robe grise en soie bordée de fourrure. Ses cheveux sont attachés et elle porte sa coiffe française. Elle plaisante quant au sobriquet qu’elle suppose porter »Anne sans tête ». Elle fait une courte déclaration : « Bon peuple chrétien, je suis venue ici pour mourir, parce que selon la loi et par la loi je dois mourir, alors je ne parlerai pas contre. Si j’ai été amenée à cette fin par la volonté de Dieu, je pense que ce n’est que pour avoir maltraité la princesse Marie Ire et médité de la tuer. Je ne suis ici pour accuser personne, ou pour parler de cela, ce dont je suis accusée et condamnée à mort, mais je prie Dieu pour sauver le roi et pour qu’Il lui accorde un long règne, car jamais il n’y eut de prince plus doux et clément, et pour moi il a toujours été un bon et doux souverain. Et si une personne s’intéresse à ma cause, je lui demande de juger pour le mieux. Sur ce, je prends mon congé du monde et de vous tous, et je vous demande du fond du coeur de prier pour moi. Seigneur, ayez pitié de moi, à Vous je recommande mon âme?. Elle demande aux personnes présentes de prier pour le roi qui est si bon ».
Photo extraite de The Tudors
Une légende dit que sur l’autre rive de la Tamise, le théologien réformateur Alexandre de Hales accompagné de l’archevêque Thomas Cranmer marchaient dans les jardins du manoir Lambeth lorsqu’ils entendirent les canons signalant la fin de l’exécution. L’archevêque aurait levé les yeux au ciel et aurait déclaré : « Elle qui était une reine anglaise sur terre est devenue une reine du paradis » .
Les causes de son exécution qu’elles soient justifiées ou pas ont élevée Anne Boleyn, reine d’Angleterre, belle-mère de la future reine Marie I, mère de la future reine Elisabeth I, au rang de martyre dans la culture protestante…
1 Comment
punisheuse
11 mars 2011 at 16:33Il y a des personnages historiques qui me touchent plus que d’autres, Anne Boleyn fait partie de ceux pour qui j’ai une tendresse particulière…
Merci pour ce bel article!