Donner l’impression d’arriver à la cime d’une montagne et de se sentir pleinement vivant : voici la sensation que Le Sommet des Dieux, film d’animation franco-luxembourgeois de Patrick Imbert, cherche à transmettre aux spectateurs. Récompensée à la Cérémonie des César qui s’est déroulée cette année, cette fresque en hauteur, adaptée d’un manga de Jiro Taniguchi (2001-2003), multiplie les modes de narration pour porter l’histoire à l’écran. D’un travail effectué par un journaliste (en voix-off) à la recherche du premier alpiniste qui a gravi l’Everest en 1924, nous arrivons en flash-back à l’odyssée d’un amoureux de la grimpe, disparu depuis un événement tragique. Au sein de ce télescopage d’intrigues sous forme d’enquête, le cœur du long-métrage se trouve dans des moments en apesanteur particulièrement grisants. Lorsque l’alpiniste se retrouve prisonnier au-dessus du vide, l’animation se fait plus détaillée et le découpage de la séquence plus empressé. Dans un film, tout repose sur une jonction efficace entre le sujet et la mise en scène, comme l’atteste le réalisateur dans le livre coécrit avec Thomas Vennin Autour du Sommet des Dieux (p. 30) :
« En termes de réalisation, j’aime que les scènes qui parlent des choses humaines soient montrées à échelle humaine, avec sobriété et simplicité, comme chez Claude Sautet […] ou chez Isao Takahata pour revenir aux références japonaises. Mais une ascension de l’Everest est une aventure palpitante qui demandait une mise en scène adaptée, rythmée, nerveuse. […] C’est donc entre ces deux voies, intimiste et spectaculaire, que j’ai voulu emmener le spectateur. Je voulais un film à la fois populaire et exigeant, qui touche les gens sans sacrifier à la qualité, qui les tienne en haleine et qui, si possible, leur procure un peu d’émotion. »
Un gros plan sur un regard inquiet, un autre placé en vue lointaine qui représente l’être humain aux prises avec la Nature et un habillage sonore précis suffisent à tenir en haleine le spectateur. Au-delà de la mise en scène, l’animation, proche du « photoréalisme », est remarquable, en particulier le rendu de la montagne qui semble surgir de photographies.
S’imposant à l’écran comme un obstacle insaisissable, entouré d’une atmosphère mystique, le sommet de l’Everest s’inscrit tout le long du métrage comme l’enjeu phare dans les parcours respectifs des deux personnages principaux. Avec plusieurs montages mettant en parallèle les actions du journaliste et de l’alpiniste, Le Sommet des Dieux met en avant les efforts de l’être humain et les remet en question en même temps par le prisme de leurs objectifs tournant à l’obsession. L’œuvre cinématographique est marquée par des scènes oniriques saisissantes et une voix-off, un peu trop démonstrative sur la signification des images. Néanmoins, Patrick Imbert et son équipe délivrent un spectacle tout à fait ambitieux techniquement et abouti sur le plan de l’émotion. A partir du thème universel de l’être humain confronté à la Nature, Le Sommet des Dieux dessine une réflexion sur la volonté de l’homme au centre d’une aventure en hauteur qui se révèle tout à la fois poignante et émouvante.
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laurene
28 septembre 2022 at 22:04Touchante chronique pour ce joli film d’animation, merci à Maxime Sandeau, l’auteur de cette chronique toute en sensibilité et émouvante.