La bande-dessinée Astérix, création de René Goscinny et d’Albert Uderzo, datant de 1959, est devenue avec le temps la plus vendue dans le monde et surtout une œuvre emblématique de la culture française, alliant les aventures périlleuses du héros éponyme avec un humour facétieux et satirique, fait de calembours et caricaturant à loisir les travers de la société française contemporaine ainsi que les idées reçues à l’étranger. Ayant eu une expérience au cinéma en demi-teinte (en témoigne le semi-échec du dernier film en prises de vue réelles), le personnage de Goscinny et d’Uderzo semble avoir retrouvé ses forces sous une nouvelle forme en images de synthèse. Chapeauté par Louis Clichy, animateur venu tout droit de Pixar, et Alexandre Astier, célèbre créateur de la série Kaamelott, le retour du petit gaulois en animation s’est fait avec succès. Sortie en 2014, l’adaptation du Domaine des Dieux, dix-septième album, témoignait d’un respect attentif de l’œuvre originelle tout en y apportant un axe dramatique supplémentaire, inhérent au média cinématographique. Respectant les thèmes du matériau originel, qui mettait en scène une attaque bien plus insidieuse de la part de Jules César en imposant un édifice résidentiel romain face au village gaulois, Astier et Clichy ont réussi l’exercice d’adaptation avec une animation fidèle au trait de crayon d’Uderzo et une sublimation des deux héros principaux, notamment à travers le point de vue d’un enfant intégré dans l’intrigue principale, miroir du jeune spectateur, qui leur voue une admiration similaire aux héros de la mythologie grecque.
Fort de ce succès, Louis Clichy et Alexandre Astier décident de se replonger dans l’univers d’Astérix, en proposant cette fois-ci une histoire inédite centrée sur Panoramix, le druide du village. En effet, c’est bien grâce à lui, détenteur du secret de la potion magique, que les irréductibles gaulois peuvent encore et toujours résister à l’envahisseur romain. Cependant, au cours d’une cueillette de gui, le druide se foule la cheville pour la première fois. Prenant conscience de son vieil âge, il se met en quête d’un nouveau successeur à travers toute la Gaule, en compagnie d’Astérix et Obélix. Leur voyage est placé sous le signe du doute envers l’avenir du seul village rebelle d’Armorique, laissé aux griffes des armées lancées par Jules César.
Si Astérix – Le Domaine des Dieux brillait par sa fidélité quasi-millimétrée au support originel, ce nouveau long-métrage possède la qualité d’offrir une nouvelle perspective aux aventures du petit gaulois grâce à l’idée d’un héritage nécessaire de la potion magique à un jeune druide. Ainsi, comme Les 12 Travaux d’Astérix en son temps, les deux réalisateurs d’Astérix – Le Secret de la potion magique s’amusent à recréer une nouvelle dynamique narrative. La mise en scène, ouvertement délirante, laisse place à la signification par l’image en jouant un parfait équilibre entre la représentation de l’univers issu de l’œuvre originale et de nombreuses trouvailles cinématographiques, telles que le générique de début plaçant le mouvement de l’image et la bande-sonore sur le même rythme, le passé d’un personnage traduit en croquis ou encore quelques jeux de perspective à but comique. Cette réalisation inventive est d’autant plus sublimée par l’animation détaillée et fluide, livrant notamment un étonnant étalonnage de la lumière donnant lieu à des ambiances contrastées saisissantes. L’aboutissement technique du long-métrage s’accompagne d’un casting vocal convaincant aux répliques percutantes et d’une musique aux accents épiques, mais surtout d’un scénario tour à tour plaisant et captivant. A l’aide d’un postulat pertinent, Astier en tant que scénariste propose un jeu de résonance entre les éléments fondamentaux de la B.D. et les spectateurs, en s’appropriant les bases de plusieurs albums, principalement La Serpe d’or et Le combat des chefs. Si le voyage des héros à travers toute la Gaule semble un peu sacrifié en cours de route, d’autres thématiques, comme la notion de transmission et le besoin d’exprimer notre potentiel de création, sont privilégiées afin de mettre en valeur l’implication de nouveaux personnages dans cette histoire, symbolisant le passage de flambeau aux jeunes générations.
Après leur adaptation du Domaine des Dieux, sorte de coup d’essai, Louis Clichy et Alexandre Astier confirment leurs talents de metteurs en scène avec cette nouvelle réalisation. Mêlant l’ingéniosité technique de l’un et la précision d’écriture de l’autre, Astérix – Le Secret de la potion magique s’apprécie comme un spectacle familial réjouissant, traitant l’univers de Goscinny et d’Uderzo avec tact et inventivité tout en apportant un nouveau souffle dramatique. Sous couvert de plusieurs thèmes pertinents, le long-métrage met en scène une aventure entraînante et prenante, remplie de gags bien pensés, de dialogues ciselés et couronnée d’une tension toujours palpable amenant crescendo à un final inattendu. Sortie en vidéo ce mercredi, cette nouvelle aventure animée ravira sans aucun doute petits et grands fans du guerrier gaulois.
No Comments