Tremblez, chers spectateurs, car voici le nouveau long-métrage du plus fantastique des cinéastes hispaniques Guillermo Del Toro !
Crimson Peak, sorti en salles depuis le 14 octobre dernier, fut au départ une ébauche de script rédigée par le réalisateur lui-même et le scénariste Matthew Robbins, datant du Labyrinthe de Pan, film-chéri du public. Après le tournage de Pacific Rim (2013), le studio Legendary Pictures se dit intéressé de produire cette histoire macabre. C’est sous la collaboration entre Legendary et Universal Pictures que le projet vit finalement le jour. C’est avant tout un retour aux sources pour Del Toro, un retour au fantastique et plus précisément à l’horreur poétique.
Le long-métrage prend place au début du siècle dernier et suit les pèlerinages éditoriaux d’Edith Cushing (Mia Wasikowska), une jeune écrivaine hantée par la mort de sa mère. Lorsqu’elle tombe sous le charme du mystérieux Thomas Sharpe (Tom Hiddleston), celui-ci deviendra son mari et l’emmène au sein de son manoir familial, une grande bâtisse isolée dans une région montagneuse et rurale d’Angleterre. La jeune Edith fait la rencontre de l’ombrageuse sœur de son mari (Jessica Chastain) et semble inquiète à propos de cette demeure étrangement « vivante ».
Alliant toujours une poésie sensible à une imagerie insolite des monstres, Del Toro précise cette fois-ci qu’il ne s’agit nullement d’une histoire de fantômes, mais d’une « histoire avec des fantômes ». Cette différence est importante à garder en mémoire pour son nouveau film : le cinéaste mexicain signe avec Crimson Peak une lettre d’amour au style gothique. Parfaite romance surnaturelle, le film possède en terme de gothique une esthétique flamboyante, un mariage surprenant de couleurs à la fois éclatantes et ténébreuses. Del Toro exprime toute sa passion de l’image dans le décor, tant le manoir, grandiose dans tous les sens du terme, devient un lieu magique dans lequel s’enchaînent des « tableaux » cinématographiques caressant l’œil du spectateur. Cette précision soignée, presque maladive, quant à l’architecture du décor se retrouve embellie par la mise en scène inspirée de la cinématographie des films d’épouvante datant des années 50 (Le Chien des Baskerville ou Le Cauchemar de Dracula). Del Toro prête attention à chaque plan, chaque image susceptible de marquer le public en salles, et joue magnifiquement des contrastes de la photographie de son œuvre.
La beauté plastique et cinématographique vient soutenir l’ambiance mélancolique du long-métrage. Crimson Peak s’impose comme un film gothique et préfère glacer le sang plutôt qu’effrayer directement. A la manière de Shining de Stanley Kubrick, le réalisateur pose une ambiance froide qui suggère des images bouleversantes. L’apparition des spectres intimide sans pour autant être fascinante. Le surnaturel est toujours au service de la narration. Entre crimes infâmes et secrets tragiques, les monstres ne sont pas forcément ceux qui nous paraissent les plus évidents dans le cinéma de Del Toro. Tissant une certaine continuité thématique avec L’échine du diable (2001) et Le Labyrinthe de Pan (2006), Crimson Peak partage cette vision sensible du fantastique, ici le surnaturel, qui nous aide à compenser les horreurs du réel. La jeune héroïne Edith, interprétée avec délicatesse par Mia Wasikowska, découvre les atroces ficelles qui régissent le monde des adultes et essaie de garder la tête haute. L’intrigue est également enrichie par cette narration qui rend hommage à la littérature gothique du XIXème siècle, représentée par des œuvres telles que La Chute de la maison Usher écrit par Edgar Allan Poe (1839) et Jane Eyre de Charlotte Bronté (1847). Empreint d’un parfum de roman victorien, le film de Del Toro entraîne le spectateur dans un cadre romantique maîtrisé, mâtiné d’instants d’adrénaline et de poésie noire, dont le manoir représente les abords lumineux et les travers ombrageux de son histoire.
Ayant une place marginale au sein des films sortis dernièrement, Crimson Peak prouve une nouvelle fois le talent du cinéaste Guillermo Del Toro à raconter efficacement une histoire avec une maîtrise narrative et cinématographique exemplaire. Touchant à bien des égards, ce conte gothique sur pellicule ménage son suspense et trouve une grâce renouvelée à chaque plan. Si l’histoire ne peut pas toucher tout le monde à cause de sa linéarité souvent appuyée, Crimson Peak est un rendez-vous en salles indispensable tant le travail d’orfèvre esthétique ne peut vous éblouir que sur grand écran.
1 Comment
laure
13 décembre 2015 at 10:58excellent :)