Ce qui était au départ un projet dans le cadre d’un cours en Licence 3 Cinéma à l’Université Bordeaux Montaigne se transforma en un pari cinématographique de grande envergure. En collaboration avec les étudiants de cette classe, le professeur-réalisateur Emmanuel Plassereaud leur a lancé le défi de tourner un long-métrage en deux semaines à Bordeaux avec un budget très limité.
Quelques évènements imprévus ont perturbé le lancement du tournage, comme le remplacement en vitesse de l’acteur principal. Néanmoins, si le tournage n’a pas été une mince affaire, le résultat final en tant que long-métrage de quatre-vingt minutes n’en est que plus saisissant.
En allant à une projection spéciale du film à l’Utopia, j’ai découvert cette petite curiosité cinématographique. Celle-ci met en image une rencontre imprévue entre Fabrice, un universitaire parisien qui se rend à Bordeaux pour un colloque et Kala, une jeune femme d’origine sénégalaise. Cette rencontre va devenir de plus en plus intime.
Pour un long-métrage aux conditions extrêmement précaires, Colloques sait impressionner son public par le jeu subtil de sa mise en scène en relation avec le scénario réécrit quatre fois. Se servant de ses contraintes, Plassereaud et les étudiants en Licence Cinéma 3 réussissent à raconter cette histoire d’amour de manière visuelle. D’abord filmés seuls, Fabrice et Kala, perdus dans la ville bordelaise, se retrouvent réunis en un seul plan, symbolisant leur premier contact. La mise en scène, composée de plans larges et de multiples gros plans sur les visages des comédiens principaux, se focalise avant tout sur les attitudes des acteurs, capturant judicieusement par ce principe les émotions des personnages. Avec peu de moyens et une histoire simple, la mise en scène retranscrit avec plus de conviction les rapports différents des personnages. Tour à tour agaçants, épanouis, tristes et perdus, Fabrice et Kala deviennent soudainement des personnages proches de la réalité. Ils apparaissent alors plus attachants aux yeux des spectateurs et sont profondément intéressants dans leur fragilité.
A ce titre, la dynamique entre les deux acteurs principaux, Emmanuel Dulary et Sophie Richelieu est admirable. Chacun interprète remarquablement son rôle. La sincérité de leur jeu apporte à juste valeur l’authenticité des émotions que délivrent leurs personnages, intimidants à interpréter à cause de leur humanité. Des personnages qui vivent une relation entre un rêve illuminé et une contradiction persistante de leurs sentiments. C’est un travail intimidant que d’incarner des personnes émotionnellement fragiles, mais le pari est amplement réussi. Le portrait de Fabrice et Kala est illustré de belle manière par la composition des acteurs associée par la mise en image poétique de leurs rapports. A la manière de l’œuvre du cinéaste Eric Rohmer, le long-métrage donne la part belle aux dialogues servis par une approche très simple qui arrive à éviter une diction mécanique de la part des acteurs. La qualité fondamentale de ce film est de mettre en image une relation humaine de deux personnages de fiction qui captive le spectateur tout en le déstabilisant. Le résultat est honnête et efficace.
Colloques est un long-métrage admirable qui délivre une histoire d’amour dont la dynamique des deux personnages s’illustre à la fois dans le talent véritable de leurs interprètes et dans la mise en scène raffinée de leurs regards, de leurs conversations et de leurs silences. Le résultat est honnête et efficace : la sensibilité humaine de ce duo dans ce cadre réel peut tout à fait toucher les spectateurs. Emmanuel Plassereaud et les étudiants de Licence 3 à l’Université Bordeaux Montaigne proposent une réalisation jouant entre la fiction d’une relation inattendue et le cadre de la ville bordelaise. Ce petit long-métrage, sorti d’une production risquée, saura vous fasciner par la sincérité de ces rapports authentiques servis par la mise en image des émotions des acteurs. Sorti au cinéma depuis le 2 septembre, je ne peux que vous conseiller d’aller voir ce long-métrage qui, s’il peut étonner par son aspect simple, ne vous laissera pas indifférent.
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