« Elle a souvent éte décrite par les médias comme un genre de femme simple qui serait rentrée dans l’histoire un peu par hasard. Ce n’est pas vrai. C’était une femme très courageuse qui a consciemment risqué la prison pour briser le système de l’apartheid. Elle s’est assise pour que nous puissions nous lever, paradoxalement, son emprisonnement ouvrit les portes de notre longue marche vers la liberté » Reverend Jesse Jackson, le 25 octobre 2005.
Aujourd’hui notre balade au fil du tramway nous emmène à la découverte d’une militante qui s’est fait connaître dans un bus. Rosa Parks est celle qui a dit non, non aux inégalités sociales, non aux lois ségrégationnistes et au racisme ambiant qui pullulaient dans le sud des États-Unis après l’abolition de l’esclavage.
En 1865, Abraham Lincoln abolit l’esclavage, une ère nouvelle s’ouvre pour les afro-américains. Cependant, sur le terrain, c’est la loi hypocrite du « séparés mais égaux » qui domine. Les lois Jim Crow limitent les droits des afro-américains dans de nombreux domaines. Les mentalités n’évoluent pas, comme le montre la promulgation des lois ségrégationnistes et leur légalisation au sein de la Constitution américaine : Les noirs profitent en théorie des mêmes droit que les blancs mais toujours de qualité moindre. De nombreux lieux publics leurs sont encore interdits au même rang que les animaux. Les groupuscules racistes comme le Ku Klux Klan ont une grande influence et sèment la terreur. Cependant dans les années 50 de nombreux militants des Droits de l’Homme se battent contre ces inégalités sociales. Et c’est dans cette atmosphère tendue que le geste symbolique de Rosa va prendre toute son ampleur et aboutir à l’avènement d’un certain Martin Luther King et à des années de combat pour la liberté et l’égalité.
Rosa Parks (Née Mc Cauley) grandit au sein de cette Amérique ségrégationniste. Née en Alabama en 1913, elle assistera durant toute son enfance à des scènes de violences qui la marqueront toute sa vie. Elle se souvient dans son autobiographie des défilés du Ku Klux Klan, son école sera d’ailleurs brûlée deux fois par leurs soins. Le racisme est son quotidien et cela la marque profondément : « Enfant, je pensais que l’eau des fontaines pour les Blancs avait meilleur goût que celle des Noirs », raconte-t-elle dans son autobiographie. Elle suit sa scolarité tant bien que mal mais doit arrêter tôt pour s’occuper de sa grand mère malade.
En 1932, elle épouse Raymond Parks, un barbier militant des droits civiques, membre du NAACP (National Association for the Advancement of the Coloured People). Rosa adhère au mouvement et en devient secrétaire. Au début des années 50, Rosa vit à Montgomery et pour se rendre à son travail de couturière, elle prend le bus tous les jours. Le bus est un bon reflet des inégalités sociales qui se tramaient à l’époque. En effet, les noirs ont le droit de monter dans le même bus que les blancs mais les places assises à l’avant bus leur sont strictement réservées.
Rosa Parks devient célèbre le 1er décembre 1955 lorsqu’elle refuse de laisser sa place à un blanc dans le bus. Après tout, elle paye le bus comme tout le monde et décide donc de ne pas obéir aux injonctions du chauffeur. Elle est donc arrêtée et jugée pour désordre public et violation des lois locales et condamnée à une forte amende. C’est le début de la lutte pour l’égalité. Elle contacte alors l’avocat Edgar Nixon, membre du NAACP, qui voit en cet acte emblématique un combat. Il fait appel un avocat blanc, Clifford Durr, qui accepte de contester la loi ségrégationniste dont a été victime Rosa. La nuit suivante, cinquante dirigeants de la communauté afro-américaine se réunissent, menés par Martin Luther King, et décident du chemin à suivre après le traitement réservé à Rosa. Ce chemin sera celui de la non-violence et la désobéissance civile. La détermination dont a fait preuve Rosa les impressionne. Martin Luther King écrira dans son livre paru en 1958, Stride Toward Freedom: « L’arrestation de Mme Parks fut l’élément déclencheur plutôt que la cause des protestations… »
La veille du procès débute le boycott des bus de Montgomery, le mot est relayé dans la presse, les noirs n’empruntent plus les bus en signe de contestation, bien qu’ils représentent plus de la moitié des usagers. Le boycott durera 381 jours. La communauté s’organise, l’évènement prend une telle ampleur que des fonds commencent à se lever, permettant la mise en place d’une ligne de bus parallèle. Les actes de violence contre la communauté afro-américaine sont nombreux, Edgar Nixon et Martin Luther King en feront les frais, mais fidèles à leur politique de non violence, ils demandent de ne pas répondre aux attaques : « Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent et priez pour ceux qui vous persécutent »
Finalement, le 13 novembre 1956, la Cour Suprème des Etats-Unis statue que la ségrégation dans les bus est anticonstitutionnelle. Le boycott s’arrête immédiatement. Ce n’est qu’en 1964 que les lois ségrégationnistes Jim Crow seront abrogées par le Civil Right Act qui interdit toutes formes de ségrégations dans les lieux publics.
Rosa demeure une icône des droits civiques, un symbole de la résistance face au racisme. Elle perd pourtant son travail et doit se résoudre à quitter Montgomery pour sa sécurité car les actes de violences ne sont pas terminés. Elle s’installe à Detroit, Michigan et rejoint l’équipe du démocrate afro-américain John Conyers à la chambre des représentants jusqu’en 1965, date de sa retraite. Elle continue parallèlement de se joindre aux manifestations, aux marches pour l’égalité. Dans la réalité, les violences et le racisme sont toujours très présents. En 1987, elle fonde le Rosa and Raymond Parks Institute for Self Development et organise pour la jeune génération des visites en bus des sites importants liés aux droits civiques. Elle reçoit de nombreuses distinctions pour son combat et le Time en 1999 en fait une des personnalités féminines des plus importantes du XXème siècle.
La fin de sa vie est très difficile, hospitalisée et démunie, elle souffre de démence dégénérative. Elle meurt le 24 octobre 2005. A l’annonce de cette nouvelle, le pays est en deuil, tous les drapeaux se mettent en berne. Sa dépouille est exposée deux jours durant dans la rotonde du Capitole, première femme, deuxième personnalité afro-américaine et deuxième personne ne faisant pas partie du gouvernement à recevoir cet honneur. L’émoi gagne toute la population et des milliers de personnes assistent à ses funérailles le 2 novembre. Petit clin d’oeil à l’histoire, un bus des années 50 recouvert d’un linceul noir suit le corbillard.
Enfin, les premières places des bus de Montgomery restèrent vacantes jusqu’au jour de son enterrement. Elles étaient recouvertes d’une photographie de Rosa Parks entourée d’un ruban noir portant l’inscription suivante :
« La société de bus RTA rend hommage à la femme qui s’est tenue debout en restant assise. »
Le boycott de Montgomery reste une des mobilisations des plus importantes menées aux États-Unis et favorisa l’avènement de Martin Luther King. Son geste courageux marque un tournant dans l’histoire des afro-américains, dont elle reste un symbole au point qu’on la surnomme la mère du mouvement des droits civiques.
A Lire :
Autobiographie : Rosa Parks, My story, 1999
Rosa Parks, La femme qui a changé l’Amérique, Eric Simard, 2010
Rosa Parks, Non à la discrimination raciale, Nimrod, 2008
The Bus Ride That Changed History: The Story of Rosa Parks, 2009
Bande dessinée pour les enfants
A voir :
«Rosa Parks» par le groupe Outkast
https://www.youtube.com/watch?v=drsQLEU0N1Y
Interview de Rosa Parks :
https://www.youtube.com/watch?v=L3h6s9jxZtE
Biographie en image de Rosa Parks :
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