Derrière ce mystérieux nom de scène, une artiste accomplie. Véritable icône dans son pays natal, l’Angleterre, Bat for Lashes n’en est pas moins connue du public international pour ses compositions oniriques mêlant harmonieusement la pop indé, la folkotronique, la dream , baroque et synthpop, matérialisées en son titre le plus connu « Daniel ». Déjà trois albums à l’actif de cette auteure-compositrice-interprète multi-instrumentiste, dont le petit dernier The Haunted Man s’annonce d’ores et déjà comme la sensation de la fin d’année 2012. Que ce soit sa participation avec son compatriote américain, Beck, sur « Let’s Get Lost » pour la bande son de l’avant-dernier volet de la saga Twilight : Eclipse, ou en revisitant de manière moderne le célèbre « Strangelove » de Depeche Mode pour le thème musical d’une grande marque de parfum italienne, impossible que vous soyez passés à côté… Au cas où vous auriez encore des doutes, voici un cours de rattrapage.
Mon père est une légende
Bat for Lashes, alias Natasha Kahn, naît le 25 octobre 1979 à Londres, et grandit à Wembley, en Angleterre. Ancien joueur professionnel de squash pakistanais, son père Rehmat Kahn, fait bientôt déménager la petite famille à Rickmansworth (Hertfordshire) pour devenir le coach de son petit cousin Jahangir Kahn, futur champion de squash. Chez les Kahn, pas de question de prendre ce sport à la légère : Natasha assiste donc doctement aux matchs, une expérience à ses dires mêmes vitale au développement de sa créativité. Mais faute de s’illustrer sur le court, c’est sur le terrain musical que la gamine décide de persévérer en apprenant à 11 ans le piano, âge auquel son père quitte le domicile familial. Voie d’expression, la musique est aussi un refuge pour la gamine qui, enfant d’un couple mixte, est victime de racisme à l’école.
Ecole buissonnière, mauvais comportement, la scolarité de Natasha est quelque peu problématique mais celle-ci passe tout de même son GCSEs et A-Levels (ndlr : respectivement un diplôme sanctionnant la fin de l’enseignement général et l’équivalent britannique du bac français) et commence à travailler en usine, au son des chansons qu’elle a enregistré. A cette époque, la jeune fille avoue avoir une vie intérieure intense : économies en poche, celle-ci part 3 mois durant en Amérique et au Mexique pour un voyage initiatique. A son retour au UK, la jeune femme s’installe à Brighton pour y étudier la musique et les arts visuels à l’Université, où elle produit des installations sonores, des animations et des performances influencés entre autres par le musicien minimaliste Steve Reich et l’artiste américaine multi-supports Susan Hiller. Son diplôme en poche, Natasha travaille comme institutrice de maternelle avant de se mettre sérieusement à l’écriture de son premier album.
Une raquette pour frapper
Sorti numériquement sur le label Drowned in Sound et en vinyl sur sa propre maison de disques She Bear Records, « The Wizard » en sera le premier single. Pour la circonstance, Natasha troque son patronyme en Bat for Lashes, littéralement « une raquette pour fouetter », savant jeu de mots entre le domaine du squash et l’expression « to bat lashes » signifiant en français « faire les yeux doux ». C’est le label Eco qui signera son premier album Fur and Gold en septembre 2006, qu’elle quittera pour Parlophone Records l’année suivante. Porté par le succès des singles « Trophy », « Priscilla » et « What’s a Girl To Do ? », l’album se place rapidement à la 48e place des Charts britanniques et est vite certifié argent avec plus de 60 000 copies écoulées. Charmés par la prestation de Khan au Festival de Glastonbury suivie d’une tournée aux States, les critiques la comparent déjà à Siouxsie Sioux, Björk, Kate Bush, Cat Power, PJ Harvey, Annie Lennox, Tori Amos ou encore Fiona Apple en qualifiant comme MTV Iggy sa musique « tout à la fois obsédante et dansante » ! (http://www.mtviggy.com/artists/bat-for-lashes/)
Côté récompenses, malgré un départ en tant que favorite pour les Mercury Prize de 2007, Natasha perd face à l’album des Klaxons, Myths of the Near Future… Lot de consolation cependant avec la remise du ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers) Vanguard Award. Sur la même lancée, celle-ci est nominée l’année suivante aux Brit Awards dans les catégories « Découverte Britannique » et « Artiste Féminine Britannique Solo » et maintenant reconnue de ses pairs, assure la première partie de la tournée 2008 de Radiohead, avant d’enregistrer sa propre version de « A Forest » des mythiques The Cure pour les besoins de l’album caritatif Perfect as Cats distribué en fin d’année par Manimal Vinyl.
Avril 2009 salue la sortie de l’attendu Two Suns, produit encore une fois par ses soins et ceux de David Kosten. Album concept, Two Suns retrace l’histoire de Pearl, l’alter égo de Khan née dans le désert du Parc Naturel de Joshua Tree, l’emblématique lieu de retraite du mouvement hippie (et aussi le nom donnée au 5e opus de U2) où la chanteuse a trouvé l’inspiration avant d’enregistrer le produit fini entre New York et Londres. Pearl qu’elle a habité complétement en adoptant jusqu’au maquillage, un look ultra féminin, influencée également par l’effervescence de nouveaux groupes tels que MGMT ou Yeasayer sur la scène musicale new-yorkaise. Mieux que pour son prédécesseur, Two Suns débute à la 5e place des charts UK et se colore directement en or. « Daniel » devient le premier hit de Khan, remportant par la suite le Ivor Novello Award pour la Meilleure Chanson Contemporaine et nominé aux MTV Video Music Award comme la découverte vidéo de l’année. Suivent les singles « Pearl’s Dream », « Sleep Alone », « Moon and Moon », lequel figure fin 2009 dans la campagne publicitaire de l’organisation caritative Barnardo’s œuvrant en faveur des enfants.
Avec des critiques plutôt favorables, NME lui attribuant la note de 8/10 pour une galette « épique dans sa portée comme son ambition requérant une patience tout aussi épique pour dévoiler ses charmes » (http://www.nme.com/reviews/bat-for-lashes/10296) et Rolling Stone la voyant déjà comme « la nouvelle Kate Bush », Bat for Lashes est une nouvelle fois nominée en 2010 au Mercury Prize ainsi qu’aux Brit Awards en tant qu’Artiste Féminine Britannique Solo et remporte la même année le UK Asian Music Awards. Question festivals de l’été 2009, Kahn est de la programmation de Glastonbury, du Somerset House et du iTunes Festival. En septembre 2009, une édition spéciale de Two Suns sort au UK, soit un peu avant sa tournée d’octobre, incluant une reprise du « Use Somebody » des Kings of Leon, lancé simultanément aux EU.
L’homme hanté et chassé
Une ouverture remarquée sur la tournée sud-américaine de Coldplay au De La Warr Pavillion plus tard, Bat for Lashes collabore avec Beck sur le morceau « Let’s Get Lost » pour la bande originale de la saga Twilight: Eclipse et se frotte aux idées créatives de l’artiste américain pour son troisième album. Celle-ci décide également d’inclure sa chanson « Sleep Alone » de Two Suns sur Raise Hope for Congo, compilation caritative œuvrant à la protection et la responsabilisation des femmes au Congo ainsi qu’en faveur de la paix dans ce pays. Pour l’édition 2010 du Record Store Day (ndlr : ce que l’on pourrait traduire en français par « Journée des disquaires », est une journée annuelle de promotion organisée à l’initiative des disquaires indépendants américains afin d’inciter le public à se rendre dans leurs boutiques), Bat for Lashes réalise en exclusivité un maxi single comprenant une performance live de « Trophy », « Howl » enregistré au De La Warr Pavilion ainsi qu’une reprise de « Wild Is the Wind », écrit à l’origine par Dimitri Tiomkin et Ned Washington.
Un peu plus calme, l’année 2011 est marquée par l’enregistrement d’une reprise de « Strangelove », initialement interprété par Depeche Mode, comme le thème de la campagne publicitaire du nouveau parfum de Gucci suivi de deux concerts donnés à l’Opéra de Sydney au titre du Vivid LIVE Arts Festival, au demeurant sa seule performance de l’année. C’est qu’en coulisses se trame le projet d’un troisième album : évoqué officiellement dès le milieu de l’année précédente, l’écriture du nouvel opus requiert du temps, plus que prévu, en raison notamment d’une douloureuse rupture entre Natasha et son ex. Artistiquement à nu, la jeune femme se réinstalle dans son appart de Brighton, prend des cours de danse pour reprendre confiance en elle, travaille sur des scénarios, dessine des illustrations pour des livres d’enfants, devient jardinière bénévole, reprend le chemin de la fac pour des cours informels avec son ancienne prof d’arts plastiques… En un mot, prend le temps de se reconstruire.
Un nécessaire retour aux sources qui, couplé à toutes ces expériences, lui ouvre la voie à de nouvelles perceptions. C’est donc en compagnie des producteurs David Sitek, Dan Carey et encore fois de David Kosten que la chanteuse s’est enfermée en studio pour travailler d’arrache-pied avec le guitariste et producteur Adrian Utley ainsi que les arrangeurs John Metcalfe et Sally Herbert. Autoharpe (variation nord-américaine de la cithare autrichienne, c’est l’instrument traditionnel de la musique folk ou le bluegrass), cordes, cuivres et synthés/samplers se côtoient pour un collage musical unique : le résultat, intitulé The Haunted Man est ainsi distribué le 15 octobre 2012, avec le titre phare « Laura » sorti de manière numérique le 24 juillet dernier à minuit, suivi le 3 octobre dernier par le lancement du deuxième single «All Your Gold ». Un album tant attendu qui réconforte les fans de la première heure qui y retrouvent une Natasha plus forte que jamais, tour à tour chanteuse de ballade romantique dans « Laura », la chanson co-écrite avec Justin Parker, qui s’est auparavant illustré sur le « Video Games » de Lana Del Rey et trublion électronique avec le très rythmé « All Your Gold » !
Première collaboration de co-écriture et apprentissage de la structure classique du « pont » pop, augmentation du volume de sa voix : Natasha a su redéfinir les limites de son art en livrant une œuvre dominée par l’amour, la perte et les problèmes de communication qu’elle engendre, oscillant entre production simple et travaillée sans sacrifier la sensualité ou l’émotivité qui ont fait sa marque de fabrique. « Sur cet album, il y a des chansons plus irrésistiblement extatiques et je ne pense pas avoir réellement abordé cette part de moi-même auparavant. Je ressens ces choses tout le temps mais ne les avais jusqu’ici pas exprimé en musique. J’ai toujours eu des facilités à être poétique et examiner l’obscurité (et j’aime cette partie de l’art et de la musique) mais je pense qu’il est beaucoup plus dur d’être résolument joyeuse, vulnérable et heureuse. Je voulais défier les modèles créatifs que je m’étais fixés mais aussi juste me surprendre. Je me suis portée et de cela sont sortis des moments très agréables et stimulants pour moi en tant qu’artiste, ce que j’estime être très important. Je pense que c’est plutôt bon signe de se faire peur! » (http://www.batforlashes.com/biography). Sage initiative pour Natasha : cette remise en question lui a été salvatrice à tous points de vue.
(Les photos proviennent du site http://www.batforlashes.com)
Sources
Sites internet
http://www.batforlashes.com
http://www.batlovers.com/
http://www.allmusic.com/
http://www.lesinrocks.com/
Articles
Bat For Lashes « The Haunted Man » biography : http://www.batforlashes.com
Album Review: Bat For Lashes : http://www.nme.com/reviews/bat-for-lashes/10296
Bat For Lashes “The Haunted Man”: http://www.rollingstone.com/music/albumreviews/the-haunted-man-20121023
Bat For Lashes Discusses “The Haunted Man,” Its Album Cover, and Her Family History: http://www.undertheradarmag.com/news/bat_for_lashes_stripped_bare_news_interview/
« The Haunted Man » Bat For Lashes : http://www.telerama.fr/musiques/the-haunted-man,88116.php
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