Né le même jour que Victor Hugo et Buffalo Bill, un 26 février 1953, à Saint-Lô dans la Manche, Jean Teulé est un romancier français, qui a exercé plusieurs métiers, dans la BD, à la télévision, au cinéma, puis devenu écrivain. Issu d’un père charpentier, et d’une mère, serveuse, la famille de Jean Teulé part de Normandie et s’installe dans la région parisienne à Arcueil, où Jean Teulé va prendre goût au dessin. Mauvais élève, Jean Teulé est orienté en fin de 3ème dans la mécanique-auto, mais son professeur de dessin, Pierre Pillot lui donne des cours gratuits le soir pour le pousser à réussir le concours d’entrée des écoles d’art et échapper à l’orientation prévue par le collège. Ainsi Jean Teulé suit des études de dessin à Paris dans l’école d’art de la rue Madame, où il est admis, et devient dessinateur et scénariste de BD pendant une dizaine d’années.
Le dessinateur David Barbe remarque ses dessins dans une librairie d’Arcueil et le propulse à « l’Echo des Savanes » dont Jean Teulé sera l’un des piliers jusqu’en 1982, s’inscrivant dans la mouvance des auteurs qui travaillent à partir de photos retravaillées, construisant ses BD à partir de photos retravaillées sur lesquelles il dessine et peint. Ainsi chez Jean Teulé la photo est la base de sa pratique artistique, dont l’image est en permanence mise en mouvement, et dynamisée par les multiples altérations et modifications que l’auteur lui fait subir. Portraitiste amer de la banlieue oppressante des années 80, Jean Teulé se renouvelle en débutant l’adaptation du roman de Jean Vautrin « Bloody Mary » qui sera publié aux éditions Glénat en 1983, et obtiendra un prix remis par la presse spécialisée lors du festival d’Angoulême en 1984. Fin 1983, Jean Teulé rentre à « Circus », mensuel de la maison d’édition Glénat, et sera un collaborateur régulier jusqu’en 1986. En janvier 1986, il publie dans « Zéro » le premier de ses reportages en BD où sont présentés des personnages loufoques et originaux ; quelques mois plus tard, ces histoires sont publiées dans « A Suivre », le prestigieux mensuel de la BD des éditions Casterman. En 1988, Jean Teulé publie la BD « Gens de France » et en 1990 « Gens d’Ailleurs » chez Casterman. Il est primé au festival d’Angoulême en 1990 pour « contribution exceptionnelle au renouvellement du genre de la BD ».
Puis, Bernard Rapp journaliste à France 2, l’appelle pour l’émission « L’Assiette Anglaise ». Devenu chroniqueur, Jean Teulé participe ainsi à plusieurs émissions sur France 2, « Tranches de Cake », « Quand je serai grand », « Jamais sans mon livre », et sur Canal + à « Nulle Part Ailleurs » et dans « le journal du Art ». Un jour, une éditrice de la maison d’édition Julliard le contacte, persuadée qu’il est un écrivain qui s’ignore, et en 1990, Jean Teulé se consacre alors à l’écriture et devient romancier. Certains de ses romans seront adaptés au cinéma (« Rainbow pour Rimbaud » en 1996, par lui-même, « Darling » en 2007 par Christine Carrière, « le Magasin des Suicides » en 2012 par Patrice Leconte), au théatre (« Les Lois de la Gravité »). Jean Teulé fera une apparition en tant qu’acteur dans des films (« Romaine » en 1997, et dans « Caché » de Michael Haneke en 2005).
Bibliographie :
BD
aux éditions du Fromage : « Virus » en 1980, « Banlieue Sud » en 1981
aux éditions Albin Michel collection « l’écho des savanes » : « Morsures » en 1982
aux éditions Glénat : « Bloody Mary » en 1983 (scénario Jean Vautrin, « Copy-Rêves » en 1984, « Filles de la Nuit » en 1985, « Sita-Java » en 1986 (scénario Gourio)
aux éditions Casterman : « Gens de France » en 1988 et « Gens d’ailleurs » en 1990
aux éditions Comixland : « Zazou » en 1988
aux éditions Ego comme x : « Gens de France et d’ailleurs », en 2005, édition intégrale des albums casterman de 1988 et 1993
aux éditions Dargaud : « Je voudrais me suicider mais j’ai pas le temps » en 2009 (dessin Florence Cestac), biographie de Charlie Schlingo
aux éditions Delcourt : « Le Montespan » en 2010 (dessin Philippe Bertrand), « Je, François Villon » (dessin Luigi Critone).
Romans :
aux éditions Juillard
1991 « Rainbow pour Rimbaud ; 1992 « L’oeil de Pâques » – Prix des grandes écoles et universités francophones ; 1995 « Ballade pour un père oublié » ; 1998 « Darling » ; 1999 « Bord Cadre » ; 2001 « Longues Peines » ; 2003 « Les Lois de la Gravité » ; 2004 « O Verlaine ! » – Prix de la ville de Limoges, Prix Bacchus, Prix Charles Exbrayat ; 2006 « Je, François Villon » – Prix du récit biographique ; 2007 « Le Magasin des suicides » ; 2008 « Le Montespan » ; 2009 « Mangez-le, si vous voulez » ; 2011 « Charly 9 ».
Ecriture :
Jean Teulé, doux rêveur, timide et auteur sympathique, signe des romans où il est question de malheurs, de violence, de sang, de sexe, de mort, de beauté, de douceur et de fragilités. Cet amoureux des mots fait de la littérature à partir de l’atroce, et sait raconter, avec talent, l’horreur avec détachement tout en maniant avec dextérité un humour noir , grinçant, à l’esprit décalé, qui fait de lui, un écrivain hors pair, et dans lequel le lecteur s’immerge complètement dans l’histoire.
D’une plume corrosive, incisive, visuelle et sonore, l’écriture de Jean Teulé est minutieuse et explore les mystères de l’humain. Ses personnages sont « borderlines », il sait raconter certaines marges, les folies douces, les débilités légères, les manies et les félûres des naufragés de la société. Jean Teulé cultive le goût pour les « frappadingues » et les histoires épicées. Son écriture jaillit, provoque, le style est cru, épuré et il y a de la justesse et du rythme dans sa plume acérée.
Jean Teulé dit que le métier d’écrivain est le plus beau métier du monde car il fait ce qu’il veut, conscient de sa chance au travers de ses rencontres qui ont jalonné sa vie, cet auteur n’aime pas se laisser enfermer. Jean Teulé aime raconter des histoires, et il le fait très bien, des histoires dans lesquelles le lecteur se délecte dans la profondeur et la richesse de son talent incontestable de conteur.
« j’ai fait de la bd sans le vouloir, de la télé sans le désirer, et je suis écrivain sans l’avoir choisi non plus, et à chaque fois, ça m’a plu »
Quelques livres :
« Rainbow pour Rimbaud » est le premier roman que Jean Teulé a consacré aux poètes maudits qu’ont été Rimbaud, Verlaine et Villon. Robert, 36 ans, vit à Charleville-Mézières, chez ses parents. Robert est grand, a une queue de cheval rouge, c’est un jeune homme singulier, et Robert sait tout de Rimbaud, dont il récite les vers par coeur. Un jour, il rencontre Isabelle, standardiste à la Sncf, qui ne connait rien à l’amour, qui ne connait pas Rimbaud et qui ne connait rien du monde. Tous deux partent en voyage sur les traces de Rimbaud, entre Le Caire, Dakar et Tarrafal, ces deux amants, vagabonds vont brûler d’amour et de poésie.
« Ballade pour un Père oublié », c’est l’histoire d’un garçon surprenant, qui disparait un jour, et qui revient, devenu papa. Il part en cavale avec son bébé sous le bras, à la rencontre des femmes de sa vie, des femmes connues, aimées, croisées. Toutes ces femmes le racontent, tendrement, cruellement, mais ne se souviennent pas de lui. Dans un road movie insolite où les femmes sont des ports, des gares, et à la mémoire amnésique, cet homme sans nom effectue un périple dont Jean Teulé nous entraîne à la découverte d’un personnage attachant, touchant et déconnecté.
« Longues Peines » raconte le quotidien de détenus et de leurs gardiens dans une prison où tout le monde souffre d’amour, de solitude et de folie, et dans lequel l’écrivain dépeint un monde carcéral dur et souvent cruel, où chacun tente de survivre en se raccrochant à une lueur d’espoir. On croise ainsi divers personnages tels que : Nadège Desile, qui a tué son bébé à la naissance, par crainte de déplaire à son mari ; Rosa Allain, apparemment là par erreur ; Corinne Lemonnier, monstre qui offrait ses neveux et nièces aux plaisirs sadiques de son amant ; Sébastien Biche, instituteur, fragile, qui a tué son bébé dans un moment d’épuisement et de folie, en lui cognant la tête contre la cheminée ; Sergueï Kazmarek, illettré, colosse irritable, qui a rendu hémiplégique une jeune mariée, et qui correspond avec une femme inconnue ; Jacky Coutances, qui a tué trois femmes, dont on a jamais retrouvé les corps, et qui est amoureux d’Elsa, détenue ; Pierre-Marie Popineau, qui a trop aimé les enfants en général, et ses belles-filles en particulier, qui ont attendu la mort de leur mère pour l’envoyer en prison ; Cyril Combusat, un jeune gardien trop sensible ; Denis Van Der Beek, directeur de la prison… Jean Teulé dévoile les conditions de vie des détenus et de leurs gardiens, c’est un livre profond sur un sujet sérieux. Dans ce roman bouleversant et cruellement réaliste, l’auteur évoque un monde qui se créé avec ses rituels et ses règles, où l’horreur humaine est concentrée et dans lequel il amène le lecteur à se poser la question sur la pertinence des réponses que la société apporte aux actes de ces détenus. Ce témoignage fort et touchant de la vie des prisonniers incarcérés pour diverses raisons (pédophilie, infanticides, meurtres, trafics de drogues…) évoque des histoires vraies, dingues, tendres, mêlant des personnages déjantés, tristes, pathétiques, touchants, drôles et inquiétants et dans lesquelles sont entraînés le personnel de la prison, mais également les familles des détenus.
« Les Lois de la Gravité », une femme rentre dans un commissariat pour s’avouer être la meurtrière de son mari disparu dix ans plus tôt. Elle l’a tué en le poussant par la fenêtre du 11ème étage, car il était sadique, la battait elle et ses enfants, alcoolique, dépressif. Il sortait d’un hôpital psychiatrique après avoir tenté de se tuer plusieurs fois, il s’agissait donc là d’un suicide et tout le monde l’a cru à l’époque. Mais prise de remords, elle se dénonce dix ans après jour pour jour car le lendemain, le crime sera prescrit. Le Commissaire Pontoise ne veut pas l’arrêter, car pour lui elle a tué un salaud et a protégé l’avenir de ses enfants. Pendant des heures, la meurtrière et le policier vont s’affronter.
« O Verlaine ! », Henri-Albert Cornuty, jeune adolescent, vit chez ses parents à Béziers. Pour ses quinze ans, son oncle lui offre « les poèmes saturniens » de Verlaine. Troublé par cette lecture, le jeune adolescent décide de partir pour Paris rencontrer son idole, sans prévenir qui que ce soit. Il part à pied et rencontre Verlaine au premier jour d’automne de 1895, et ne le quittera plus jusqu’à sa mort trois mois plus tard. Verlaine, dans ses derniers mois, est alcoolique, amant désordonné, bigame, maltraité, il a une vie extravagante. A 51 ans, il a tous les maux, mais les étudiants encensent le poète. Jean Teulé, à travers les yeux d’Henri-Albert Cornuty, raconte les derniers mois de Verlaine, en se glissant dans l’ombre du poète, il évoque ainsi l’atmosphère de Paris, ses rues, ses bruits, ses odeurs, ses couleurs et ses habitants.
« Darling », un jour une jeune femme aborde Jean Teulé, elle dit s’appeler « Darling » et veut lui raconter son histoire pour qu’il en fasse un livre. Intrigué l’écrivain l’écoute, et décide d’écrire la trajectoire baroque et tragique d’une femme, accablée par le sort, que la société ignore et méprise et qui pourtant continue à se battre. Catherine Nicolle, normande, issue d’une famille rustre, est malmenée par les siens et par la vie. Sa vie est une longue descente aux enfers, dans laquelle elle subit les coups durant son enfance, les insultes, le rejet. Elle a un rêve quitter ses parents et monter dans un camion, qui symbolise pour elle, la liberté et l’aventure. Elle a une C.B. dont le nom de code est « darling ». Un jour elle rencontre Roméo, alias Joël, chauffeur routier, qui l’épouse et lui fait trois enfants, par accident. Mais le mariage vire au cauchemar, elle se laisse entraîner dans une spirale avilissante en touchant le fond, mais en trouvant la force de rebondir. Cette histoire dure et bouleversante est le témoignage de la bêtise humaine et de la cruauté humaine, du désespoir d’une femme qui subit l’humiliation aux sévices en tout genre. C’est aussi l’histoire authentique de la cousine de l’auteur, qui veut à travers sa voix et la plume de Jean Teulé, faire entendre les souffrances des toutes les victimes silencieuses de la terre.
« Le Magasin des Suicides » est une sorte de conte ou de fable sordide à l’ambiance sombre et décalée. En faisant des recherches sur Rimbaud et Verlaine, Jean Teulé a lu beaucoup de choses sur la poésie de la fin du XIXème siècle et a constaté qu’ils étaient classés parmi les poètes « décadents ». Parmi ces poètes « décadents », une bande de jeunes étudiants avaient monté un groupe de poètes qui se nommaient « les désenchantés » et qui avaient écrit une oeuvre ayant pour titre « le magasin des suicides ». Jean Teulé trouve le titre accrocheur. C’est donc l’histoire d’une petite boutique, tenue par une famille sombre, la famille Tuvache, qui vend des produits pour se suicider . Le père Mishima Tuvache est spécialisé dans les morts violentes, Lucrèce Tuvache, la mère, confectionne les mixtures fatales, Vincent le fils aîné, rêve de créer un parc d’attractions du suicide et Marylin, la fille, qui se trouve moche et inutile veut en finir avec l’existence. Mais un élément perturbateur, va chambouler cette noirceur. Cet intrus, c’est Alan, leur dernier enfant, -dont le prénom a été choisi par l’auteur en référence à Alan Turin, et son suicide à la pomme empoisonnée, personnage inconnu au destin tragique et exceptionnel-. Mais Alan a un défaut : il adore la vie, il rit, il console les clients, sème la pagaille avec son humour et ses chansons. Le père tombe en dépression et s’alite quelques jours, le temps qu’Alan avec l’aide de sa mère son frère et sa soeur, métamorphose la boutique. Ce livre n’est pas une apologie du le suicide, c’est plutôt un « hymne à la vie ».
« Le Montespan », Louis-Henri de Montespan est un marquis désargenté, criblé de dettes, mais un mari amoureux de femme, qui le rend cocu avec le roi Louis XIV. Le marquis de Montespan, n’accepte pas sa situation de cocu, et va défier le roi dont il veut se venger, pour récupérer son épouse. Il a des idées farfelues, comme de repeindre son carrosse en noir et mettre des cornes de cerf sur le toit et sur ses armoiries. Il projette d’aller voir des prostituées à Paris pour attraper des maladies qu’il refilera à sa femme et dont il espère, elle transmettra au roi. C’est donc l’histoire d’un mari courageux qui n’accepte pas cette injustice, et dont tout le monde se moque. Il sera le premier à oser contester la légitimité de la monarchie absolue de droit divin. Mais le roi le mettra en prison et il sera contraint à l’exil.
« Mangez-le, si vous voulez » est un roman qui retrace un évènement historique extraordinaire et méconnu. Alain de Moneys est un jeune périgourdin, âgé de 28 ans, et très apprécié de ses concitoyens. Il a déposé un projet pour détourner la rivière locale et assainir les marais de la région. Le 16 août 2870, il se rend à la foire de Hautefaye pour acheter une génisse à sa voisine indigente, et trouver un couvreur pour son son voisin sans ressources, et dont le toit s’est écroulé. Il y a 600 personnes à la foire de Hautefaye, la France est en guerre contre la Prusse, la sécheresse est là, il fait 40° à l’ombre. Le cousin d’Alain de Moneys lit un article du journal aux villageois, mais à la suite d’une phrase mal comprise, la foule comprend « vive la Prusse », les gens se fâchent, le cousin fuit. Alain de Moneys arrive, deux heures après, il sera lynché et mangé par les gens du village. Face à une foule en délire, Alain de Moneys, sera éborgné, les pieds ferrés comme un cheval, lynché, brûlé. Le curé pour détourner la foule, l’invitera à boire dans son église, ce qui n’arrangera pas la situation, les gens seront de plus en plus violents, le maire excédé et dépassé par les évènements lâchera cette phrase « Mangez-le, si vous voulez » et la foule le mangera. Il y aura une vingtaine d’accusés, quatre seront condamnés à mort, -on déplacera la guillotine pour l’occasion-, les autres iront au bagne en Nouvelle-Calédonie. Jean Teulé raconte comment avec une accumulation de faits, (guerre, sécheresse, alcool), et par une phrase mal interprétée, la foule devient dangereuse, pète les plombs et Alain de Moneys sera son bouc émissaire.
« Charly 9 ». Jean Teulé raconte le règne pathétique et sanguinaire du roi Charles X, qu’il surnomme Charly 9. Jean Teulé écrit ainsi une biographie romancée et trace le portrait d’un monarque tout juste sorti de l’adolescence et qui meurt à 24 ans. Charly 9 est gourmet et poète, immature, inconséquent et infantile, et ne peut se défaire de l’emprise de sa mère Catherine de Médicis, qui le forcera à ordonner le carnage du 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélémy, où les catholiques déciment 30 000 protestants dans Paris. Charles X avait 22 ans à l’époque et ne possédait ni la cruauté, ni la détermination, ni la force morale d’assumer un crime aussi horrible. Accablé par le poids de sa faute, il sombre dans la folie, tombe malade et meurt quelques mois plus tard. Jean Teulé raconte la descente aux enfers d’un roi qui régna de 1560 à 1574.
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