Chaque mois, le poème du mois vous fait découvrir les dessous d’un poème célèbre. Cette fois-ci un extrait du recueil de Paul Verlaine, Romances sans paroles.
«Ariette III»
Il pleut doucement sur la ville. (Arthur Rimbaud)
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s’ennuie
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s’écœure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon cœur a tant de peine !
Pour en savoir plus…
Paul Verlaine a publié les Romances sans paroles en 1874. Les poèmes de ce recueil ont été rédigés pour la plupart en 1872, à une époque où Paul Verlaine est habité de sentiments douloureux : il a quitté sa femme, Mathilde, pour se lancer avec Rimbaud dans un long périple en Belgique puis en Angleterre. Mais sa relation avec Rimbaud est orageuse, et lors d’une dispute, en juillet 1873, Verlaine tire sur son ami, le blesse au bras et passera deux ans en prison.
Dans cette ariette, Verlaine exprime des sentiments de tristesse, mais de manière voilée : il est impossible de savoir si la mélancolie du poète a pour origine la douleur de sa relation, souvent houleuse, avec Rimbaud, ou le remords d’avoir laissé Mathilde. Verlaine, pour nous faire partager ses états d’âme, évoque un paysage urbain, un jour de pluie : les sentiments sont suggérés.
Comme l’indiquent le titre du recueil, Romances sans paroles, et celui du poème, « Ariette », la musicalité occupe chez Verlaine une place très importante. Plusieurs termes du poème se font écho (« pleut », « pleure », « cœur »), et les vers, très courts, font penser à une chanson, une ritournelle qui habite le poète, incapable de se défaire de cette mélancolie dont il ne comprend pas la cause…
No Comments