2012 signe l’heure du deuxième album pour Caravan Palace. Celui-ci s’intitule Panic et restera comme une des plus grosses réussites de la première moitié de l’année.
J’aurais pu me contenter de recopier la prose du Rémi Kolpa Kopoul, grand ordonnateur du Contrôle Discal (entre autres) sur Radio Nova. C’est en effet de sa plume sagace qu’est signé le dossier de presse qui accompagne Panic, le deuxième album de Caravan Palace. Mais Panic mérite que je me sorte les doigts du… Pardon, que j’éteigne ma flemme.
Difficile dès lors d’écrire quelque chose d’intelligent après le compte rendu précis de chaque titre signé RKK (rassurez-vous, je vais tout de même vous le servir en fin d’article). Alors, Save My Brain oblige, on va essayer de se remuer les méninges… Tiens, remue-méninge, voilà la traduction officielle selon l’académie du terme britannique brainstorming, en vogue dans les bureaux des créatifs (chez nous aussi, soit dit en passant, puisqu’il s’agit du nom de notre rubrique d’actualités). En premier exercice, je vous propose donc de poser les premiers mots qui vous viennent à l’esprit pour décrire Panic. Voici les miens : swing, cuivre, frénétique, électro, rétrofuturisme, Brazil…
Vous l’aurez compris, tout ceci ne sert qu’à combler mon angoisse de la page blanche. Je vous ai surpris derrière (ou devant, tout dépend du point de vue où l’on se place) votre écran, à parcourir d’un air morne ces phrases inutiles qui noircissent la page, juste avant la description des titres de Panic par RKK. Peut-être avez-vous tout simplement zappé ces premiers paragraphes. Mais je me suis promis de délivrer une prose sur cet album qui sort réellement du lot.
L’album est dans les bacs depuis le 5 mars dernier. On ne peut pas dire que nous soyons réellement en avance pour le chroniquer. On ne cherchera pas de responsable mais tout au moins nous consolerons-nous par un fait avéré : Caravan Palace semble avoir, lui aussi, un problème avec le temps. A mixer allègrement le swing et les beats électro les plus actuels, le groupe mélange les genres. Et nous brouille l’écoute, avec d’un côté un morceau intitulé 12 juin 3049 (on ne sait même pas ce qu’il se passera ce jour-là) et de l’autre le clip de Rock it for me, carrément Art Déco.
Ce côté art déco a aussi envahi la couverture de l’album. Et même la photo officielle de François Hollande intronisé président. On y voit débouler en arrière-plan des soucoupes volantes vintage (si, si, je vous assure, une soucoupe volante peut être vintage) et des robots métalliques comme ceux qu’on voit dans Jo, Zette et Jocko, chef-d’œuvre secondaire (voire même tertiaire) d’Hergé.
Tout ça pour dire que Panic nous a séduits. Certes en ce début 2012, d’autres albums nous ont tapés dans l’oreille (Singtank, Olga Kouklaki, R-Wan… et j’en passe). Mais aucun jusque-là n’a su se distinguer avec un caractère aussi fort, qui fait qu’on reconnaît la patte du groupe dès la première mesure de chaque morceau. Futuriste par son côté électro et rétro par son côté swing, Panic ressemble à une photo de la tour Jean Nouvel de Boulogne-Billancourt mise en ligne avec Instangram. Du coup, il se montre furieusement dans l’air du temps. Ou comment être dans le coup en étant à côté de la plaque…
A écouter : Queens, Maniac, 12 juin 3049, Rock it for me, Clash, Dramophone, Sydney
Comme promis donc, voici la bafouille de Rémi Kolpa Kopoul sur chaque titre de Panic…
Queens : Lazy beat, mais la paresse n’est qu’apparente. On est au fond du temps, le traitement dub de la voix de Colotis, loin derrière, donne à ce thème down tempo un air encore plus atmosphérique, perdu dans les brumes…
Maniac : On prend un zeste de Gorillaz, avec voix traînante, on y ajoute des giclées de synthés seventies (genre François de Roubaix), une pincée de guitare butineuse à la Django, comme étonnée d’être là. Et on touille…
The Dirty Side of the street : Oui, dirty, le côté sale gosse des Caravan, excite et frénétique, chimique, bref, destroy… avec une voix limite sardonique et un piano moqueur. Plus un vibraphone façon Lionel Hampton. De quoi affoler la boussole à musique !
12 juin 3049 : Une ballade sur un tempo délicieusement alangui mais sans mollesse, samples de (grande) époque, cordes en spirale et vibraphone étirant le temps. Vu le titre, on flirte avec l’anticipation.
Rock it for me : Tiens, du rockabilly, ce cousin campagnard (bâtard ?) du swing… Les années 30 fraient avec les fifties. Mais ça, c’est du passé. Comme quoi au 21ème siècle, ces genres apparemment lointains peuvent cohabiter, avec écho garanti.
Clash : Ca commence… véner et rogolo ! Un étonnant mix de swing up tempo avec foultitude de sons hachés menu, à la fois technologique et aux confins du rock, à l’époque où on l’appelait bop (au diable les étiquettes !). D’emblée, un grand pas – sportif – par rapport au Caravan Palace première génération.
Newbop : Tout simplement parce que new et bop à la fois. Scat voltigeur et pied ferme, avec beak à répétition, comme pour poser le pas, histoire de mieux repartir. Et pour clore le chapitre, une guitare tricoteuse.
Glory of Nelly : Escapade londonienne, une autre échappée belle de Caravan Palace, avec au chant… pardon… au toast, sista Colotis. L’improbable et fugace mix swing ragga, avec plan séquence riche en mur de cuivres et tapis de cordes.
Dramophone : Ciel, les Andrew Sisters reviennent. Mais avec des paillettes synthétiques. En fait, c’est un coup de Cyril-Aimée Daudel, intérimaire de talent de Caravan Palace. Sans doute le titre qui fait le mieux le pont avec le 1er album.
Cotton Heads : Une escapade presque pop qui atteste de l’ouverture sur d’autres horizons de Caravan Palace. Ethéré, aux limites de l’apesanteur, mais toujours ce grain de swing rivé au tempo, avec clavier primesautier.
Panic : Ca commence avec un dialogue angoissant de film de science fiction. Toujours le tempo, mais un environnement plus minimal, comprimé, avec refrain comme aspiré. Finalement, pas de panique, on arrive au bout.
Pirates : Guitare d’intro à la Django, mais on part vite vers d’autres contrées, surprenantes. Traitement du son expérimental. La trompette revient au jazz, les harmonies vocales s’en éloignent. Un grand écart plein de charme.
Beatophone : Beat frénétique et chant qui prend son temps (au fond de la cour !), un téléscopage détonnant, avec breaks en cascade pour reprendre (un instant) son souffle. Histoire de mieux le reperdre.
Sydney : Pour clore la visite, une valse iconoclaste : la voix de Cyril-Aimée est glamour à souhait, avec en soutien, un chœur moiré et un final joliment chaloupé. Caravan Palace vous tire sa révérence.
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