Humeurs Je n'ai pas testé pour vous

Une partie à trois

L’hiver rime souvent avec froid, mauvais temps, jours qui raccourcissent et moral en berne. On rêve de gros pull et de collants en laine qui-grattent-mais-qui-tiennent-chaud, et on préfèrerait largement hiberner et vivre sous une couette en attendant le retour du printemps plutôt que de devoir aller bosser. Malheureusement, les factures, elles, n’hibernent pas.

Je me rends donc au bureau après déjeuner, les joues rosies par le vent glacial. Mon assistante, elle aussi, tourne au ralenti. Les trois tasses de café qu’elle a ingurgité n’ont pas suffit à la revigorer. C’est à peine si elle a compris que je lui demandais si quelqu’un avait appelé pendant mon absence. Elle finit par se rappeler que le téléphone avait bien sonné.

– Ah oui, un certain… Oh, je ne sais plus… il a laissé son numéro… Où est-ce que je l’ai noté… J’étais en train de me remaquiller… Ah oui, là-bas, me répondit-elle en désignant la glace suspendue au dessus du bureau.

Elle était ornée d’un nom ainsi que d’un numéro de téléphone marqués au rouge à lèvres vermillon. J’ai cru que mon cœur allait s’arrêter de battre à cet instant. Mon assistante s’est sentie obligée d’ajouter :

– Il a appelé et il veut te revoir. C’est qui ce Julien au fait ?

Ah Julien. Ex petit-ami rencontré sur les bancs de la fac, brun ténébreux, séduisant, charmeur, parfait… Pourquoi a-t-on rompu déjà ?

– Julien ? me beugle mon meilleur ami dans le téléphone. Mais vous étiez comme chien et chat tous les deux, un jour vous étiez ensemble, le lendemain vous vous voliez dans les plumes !

– Ouais mais au lit on étaient comme cochons, lui ai-je rétorqué, un grand sourire suspendu à mes lèvres. Je l’ai rappelé, il est en ville et on doit se voir !

Je viens de me rendre compte que j’avais prononcé ces derniers mots deux octaves au dessus de ma tonalité de voix habituelle. Ca y est, je ne l’ai même pas encore revu qu’il me rend déjà folle.

– Bon, je file, ai-je ajouté précipitamment à l’intention de mon meilleur ami, en raccrochant un peu sauvagement, afin d’éviter un commentaire fielleux de sa part.

A la terrasse du café où nous avions rendez-vous, je poireaute déjà depuis une demi-heure. Excédée, je m’apprête à partir, lorsqu’il apparaît enfin, un sourire ravageur suspendu à ses lèvres. My God, je ne me souvenais pas qu’il était si craquant. Au vu du regard brûlant qu’il m’a lancé, la pyromane que je suis a immédiatement enflammé ses sens.

– Ah, te voilà ! Je suis si content de te revoir ! s’exclame-t-il, sincère.

– Julien, l’ai-je accueilli à mon tour, mais plutôt avec une grimace. Tu sais que ça fait plus d’une demi-heure que je t’attends ? J’allais partir figures-toi !

– Mais qu’est-ce que tu racontes, tu m’avais dit 14h30, je suis parfaitement à l’heure, me rétorque-t-il, sans perdre son sourire.

– Tu te fiches de moi ? me suis-je énervée en me levant de ma chaise. Je t’avais dit 14h. Tu n’as vraiment pas changé toi !

A ce moment-là, Julien s’est approché de moi, et la dernière chose dont je me souviens, c’est de m’être retrouvée plaquée contre lui, mes deux mains sur ses fesses et ses mains sur les miennes, à nous embrasser fougueusement. Hors l’haleine, je me suis écartée de lui.

– Tu m’as manqué tu sais, me dit-il, des étoiles dans les yeux. Ca m’a rappelé de bons souvenirs.

J’allais débiter une tirade enflammée, un feu d’artifice bondissant sous ma poitrine, lorsqu’une ravissante brunette aux yeux de biche est arrivée. Julien l’a saluée chaleureusement et l’a gratifiée d’un long baiser, du même acabit que celui que nous venions d’échanger.

– Désolée du retard, lançe-t-elle à Julien, sans avoir l’air désolée du tout. J’ai eu un mal de chien à me garer. Tu aurais de la monnaie pour le parcmètre ? Merci, je reviens !

Eberluée, je l’ai regardée s’éloigner en bafouillant un lamentable « Elle a l’air sympa ta sœur » sous le regard amusé de Julien, qui m’a achevée d’un « C’est pas ma sœur, c’est ma fiancée. » La mâchoire pendante, incrédule, je ne sais plus quoi dire.

– Mais si j’avais su que ce n’était qu’un bonjour, j’aurais gardé ma langue derrière mes dents, ai-je finalement balbutié. Ecoute, quand tu m’as appelée, j’ai cru que c’était… pour faire ce qu’on avait l’habitude de faire lorsqu’on se voyait…

– Affirmatif, me coupe Julien d’un air gourmand, en hochant la tête.

– Mais… Mais… ai-je répondu, de plus en plus perdue. Tu ne peux pas faire l’amour avec ta fiancée tout en me faisant l’amour…

– Négatif, a-t-il répondu, l’air encore plus gourmand.

Et c’est ainsi que je me suis retrouvée avec un rendez-vous dans la soirée et le numéro d’une chambre d’hôtel au creux de la poche, en prévision d’une petite partie à trois. Je crois que j’ai passé le reste de l’après-midi assise à mon bureau, le regard dans le vague, tournant et retournant entre mes doigts le petit bout de carton sur lequel était inscrit l’adresse de l’hôtel.

J’y vais. J’y vais pas. Mais si j’y allais… ? Non, j’y vais pas. Je n’arrive pas à me décider.

Le coup de fil à mon meilleur ami ne m’a pas aidée à prendre une décision ; après avoir réussi à stopper son fou rire, il a conclu que la question ne se posait même pas, malgré mes protestations quant au fait que j’avais effectivement un côté plutôt coquin.

– Mais chérie, s’est-il écrié, son fou rire reprenant de plus belle. Une vraie coquine n’emploierait pas le mot « coquine ».

Soit. Mais rien que pour lui prouver le contraire, je vais y aller à cette petite sauterie, tiens.

Et me voilà devant la porte de la chambre d’hôtel, le nez enfoui sous mon écharpe, en me demandant vaguement ce que je pouvais bien faire là. « Et si je partais maintenant, personne n’en saurait rien, je… ». Gloups. La porte vient de s’ouvrir. Julien est là, sourire Email Diamant et torse nu. Rhhhh. Re-Gloups. Sa copine est là aussi. En nuisette en soie. Ils m’invitent à entrer. Je dois avoir l’air débile, emmitouflée dans mon manteau que je ne suis pas pressée de quitter. Ah. Il faut que je le pose ? C’est mieux ? Ok. Ils ont éclaté de rire quand ils ont découvert que j’avais un autre manteau en dessous. Ah, celui-ci aussi ? Bon. Et le polaire ? D’accord, je pose tout. Une fois épluchée de toutes les épaisseurs que j’avais superposé, je me suis retrouvée en débardeur, assise sur le rebord du lit, entre un sublime apollon et une ravissante petite brune, qui me dévisagent d’un air lourd de sous-entendus. Je cherche où poser mon regard ailleurs que sur eux, lorsque Julien m’embrasse dans le cou. Un peu tendue, je sursaute.

– Mais détends-toi, me dit-il avec un grand sourire. Tu vas voir, ça va bien se passer.

J’acquiesce, n’en pensant pas un mot. J’avais presque réussi à me détendre, mais je n’ai pas pu m’empêcher de bondir lorsque sa fiancée – dont je ne connais toujours pas le nom, cela dit en passant – a mis sa main sur ma cuisse. Je me suis levée aussi vite que si je m’étais assise sur une des plaques chauffantes de la gazinière, me dépêtrant de leur enchevêtrement de bras et jambes.

– Je… je… Je peux pas désolée, ai-je lâché en remettant toutes mes épaisseurs.

Je me suis confondue en excuses, bafouillant un truc incompréhensible, et j’ai attrapé mes deux manteaux avant de partir plus vite qu’un pet sur une toile cirée.

Ce que je retiendrai de cette histoire, c’est que je n’ai peut-être pas des goûts assez excentriques en matière de sexe aux yeux de certains, mais je préfère rester fidèle à moi-même plutôt que de me forcer. Aussi sexy Julien soit-il.

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1 Comment

  • Reply
    Lu*
    18 juin 2011 at 22:08

    C’est vrai, mais peut-être aurait tu apprécié si tu t’était lâchée? Tu ne pense pas que c’est une expérience a tenter quand même, rien que pour savoir si les femmes peuvent te plaire?

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