A la veille de quatre nouvelles dates parisiennes, nous avons rencontré Hervé Salters, alias General Elektriks. L’occasion pour nous de revenir sur son dernier album Parker Street.
En septembre dernier, nous vous faisions partager le clip de Summer is Here. Un premier single, annonciateur de l’album Parker Street, qui nous était alors apparu plutôt léché mais guère révolutionnaire. En fait, Summer is Here était l’arbre qui cache la forêt : Parker Street s’avère brillant de bout en bout, bien plus que ce que son premier extrait pouvait laisser augurer.
General Elektriks – « Summer Is Here » [Official… par Discograph
The Spark, deuxième simple et titre d’ouverture de l’album plaçait la barre un cran au-dessus. Avec une partie chantée composée de quatre unités mélodiques simples mais entêtantes (et encore, on ne parle pas des arrangements) et son rythme entêtant appuyé par un instrumental qui se déchaîne sur la fin du morceau. On retrouvait là tout le génie du musicien français et sa propension à signifier une mélodie simple par quelques notes appuyées à l’aide d’un de ses claviers, souvent vintage.
Et au fil de l’album, impossible de se détacher de l’écoute. On reste scotché par l’intro façon James Bond de Holding Down the Port, les claviers-cuivres de Pack up your bags and go, l’électro feutrée et futuriste de l’instrumental Bad Day… Et la douceur de I’m Ready, qui gagne patiemment en gravité à mesure que les couplets défilent et les instruments font leur apparition.
A côté de ses nombreuses collaborations, Hervé Salters a su concentrer toutes ses inspirations personnelles pour General Elektriks. A l’heure de défendre ses titres pendant quatre dates parisiennes à venir (le 8 février au Café de la Danse, le 9 février à la Maroquinerie, le 10 février à la Gaîté Lyrique et le 12 février au Nouveau Casino), nous avons demandé à l’homme qu’il nous raconte sa vie.
Si tu devais te présenter en quelques mots… ?
Je m’appelle Hervé Salters, je suis à l’origine du projet General Elektriks. Je suis claviériste à l’origine et je suis devenu chanteur pour les besoins de General Elektriks. J’ai collaboré en France avec un certain nombre d’artistes et de groupes. J’ai par exemple accompagné M et enregistré avec le Magic Malik Orchestra. J’ai également participé à un groupe qui s’appelait Vercoquin. Puis je suis parti aux Etats-Unis il y a dix ans, à San Francisco. J’ai commencé à fréquenter un collectif qui s’appelle Quannum Projects. J’y ai joué avec DJ Shadow, et Blackalicious notamment.
Je me suis toujours vu dans l’ombre, jamais imaginé derrière un micro. Au départ, j’ai vu General Elektriks comme un défouloir, un moyen pour moi de faire mon propre truc, alors que je ne faisais que collaborer ou presque. Je me voyais plutôt comme un DJ producteur pour ce projet. Puis ça m’a finalement paru logique que ce soit moi qui chante, étant donné que j’avais tout fait de A à Z et qu’il ne restait plus qu’à enregistrer la voix. J’ai fait un premier album, en 2003, suivi d’une tournée puis une pause et une autre tournée. En même temps, j’ai travaillé au projet Honeycut, au moment où le titre Raid the Radio commençait à gagner une certaine audience dans le deuxième album de General Elektriks. A ce moment-là, j’ai commencé à y voir plus clair dans General Elektriks. Je voulais quelque chose de plus pop. Et depuis, j’ai réalisé le dernier album d’un chanteur de hip hop qui s’appelle Pigeon John et j’ai composé la musique d’une série TV qui s’appelle les Beaux Mecs.
Comment as-tu défini ton style musical ?
Ce n’est pas réfléchi. Je fais des essais, je me lance et je vois ce qui se passe. J’ai bien cette idée d’ouvrir la fenêtre et de se jeter. De risquer de perdre pied en marchant sur le bord.
Peux-tu nous raconter tes débuts sur scène ?
Ca n’a pas été évident, je dirais même que ça a été violent. J’avais un trac dingue. Mais c’était une tension positive. En fait, je me sentais comme un bébé qui avait tout à découvrir. Avant de monter sur scène en solo, je connaissais mes claviers sur le bout des doigts. J’aime m’amuser avec de vieux claviers des années 60/70. Ensuite, je mélange les sons que j’obtiens et il y a du travail derrière. Sur scène, j’étais surpris comme un débutant de quinze ans. Ma voix n’était pas sûre.
Quels sont les albums qui traînent sur tes étagères et qui t’ont bercé ?
Il y en a des tas. Mais il y en a qui reviennent toujours. Des classiques. J’aime tout de même bien écouter ce que les autres font actuellement. Dans les classiques, il y a Innervisions, de Stevie Wonder. C’est un grand claviériste. Il utilise la même clavinette que j’utilise sur scène. Il a une originalité débridée dans ses compositions, un style propre. Et il a une particularité, c’est qu’il réalisait tout lui-même. Il enregistrait en studio mais on peut tout de même le considérer à ce titre comme un des précurseurs du home recording.
Il y a Bowie aussi. J’aime tout Bowie jusqu’à Let’s Dance, que je trouve excellent, mais je retiens particulièrement l’album Hunky Dory. Pour moi c’est l’étincelle avant l’explosion. Ca reste un peu décousu, pas aussi monolithique que Ziggy Stardust, mais il y a déjà les titres Life On Mars, Changes ou Andy Warhol qui annoncent la suite.
En composant Parker Street, j’ai beaucoup écouté l’album Scott 4, de Scott Walker. C’est un crooner baryton. Et je trouve qu’il a inspiré Bowie. Tous les passages de Bowie en baryton se rapprochent de Scott Walker. Il y a une atmosphère peu commune dans Scott 4.
Je citerai aussi Jorge Ben et son album Africa Brazil. Je suis fan de la culture brésilienne. Ils ont un vrai sens de la culture populaire que l’on n’a pas en France. Chez nous, la culture populaire est regardée de haut. Mais si je vois une petite fille en larmes parce qu’elle écoute du Britney Spears, qui suis-je pour dire que son émotion n’est pas valable ? Les Brésiliens, dans la samba notamment, sont capables de rendre populaires des choses très complexes.
Tes titres sont très travaillés au niveau des arrangements. Comment les élabores-tu ?
Je fais ce qui me vient. Ma musique est le résultat de ce que j’aime et tout se recoupe. C’est plus ou moins immédiat. Je ne le fais pas exprès mais la mise au point d’un morceau est très variable. Par exemple, dans Good City for Dreamers, le deuxième album de General Elektriks, le morceau Helicopter a été finalisé en deux jours. J’ai composé un rythme qui rappelait les pales d’un hélico et tout s’est finalisé assez vite. J’ai trouvé que le puzzle s’est emboîté rapidement. Des fois, il faut rajouter plus de pâte à modeler…
Pourquoi avoir choisi San Francisco ? Cela t’apporte-t-il au niveau musical ?
D’abord, j’y suis parti en vacances avec ma femme. On a trouvé ça super, on est tombés amoureux de la ville. C’est un juste milieu entre la culture américaine et l’ouverture européenne. C’est assez cosmopolite. On est tombés suffisamment amoureux de la ville pour qu’on veuille y poser nos valises. Ca n’a pas été aussi simple, il y a eu quelques mois de paperasse mais le fait que ma femme soit américaine a aidé. L’organisation sociale y est bien différente. Il y a un côté marche ou crève qui stimule. Ce n’est pas une légende. A Paris, je ne suis pas sûr que j’aurais eu autant de courage pour monter sur scène. Je ne dis pas qu’on ne peux pas faire de belles choses à Paris mais avec mon tempérament, je ne pense pas que j’y serais arrivé. Et les ricains sont enthousiastes. Ils sont accueillants et vous aident si vous avez un projet. Si ça capote tant pis, mais on vous aide à essayer. San Francisco est une belle ville, même si elle n’est pas aussi avant-gardiste qu’on pourrait le croire. Le Flower Power, ça fait bien longtemps que c’est passé !
Comment réalises-tu tes clips ?
C’est mon frère Arnaud qui les réalise. On a des visions artistiques assez proches, au point même qu’on dirait qu’on a de l’ADN en commun ! C’est donc assez facile. Il s’approprie le titre et ça devient son bébé à lui. Bientôt, il y aura un clip sur un nouveau morceau inédit, qui n’est pas sur Parker Street.
Tu attaques de nouvelles dates à Paris, comment l’appréhendes-tu ?
On a quatre dates à Paris en février. Dans quatre salles différentes. Je voulais privilégier de petites salles plutôt que des grandes, pour plus de proximité avec le public. On aura un invité différent chaque soir : M à la Gaîté Lyrique, Yaël Naim et David Donatien à la Maroquinerie, Vincent Segal au Nouveau Casino et Lateef the Truthspeaker, un rappeur qui fait partie du collectif Quannum.
Quels sont tes projets à venir ?
J’ai le deuxième Pigeon John qui arrive puis de nouveaux morceaux pour General Elektriks. Et une musique de film aussi, dont je ne peux pas encore trop parler parce que tout n’est pas encore signé. C’est quelque chose que j’aimerais faire plus à l’avenir, composer à l’image. Je vais aussi essayer de ne pas m’éparpiller, de garder du temps pour moi. Dès lors qu’on met un peu le doigt dans cet engrenage qu’on appelle le succès, c’est un risque. Mais à quoi ça sert de réussir sa carrière, si on foire tout le reste à côté ?
Notre magazine s’appelle Save My Brain… Sauver les cerveaux. Comment peut-on le faire ?
En éteignant la télé ! Enfin, je dis ça… Mais il y a de belles choses à la télé parfois. Mais aux Etats-Unis, il y a trop de chaînes, trop de pub, trop de tout. Et paradoxalement, les émissions sont tellement formatées que la pub peut en devenir plus intéressante. Des groupes que l’on n’aurait aucune chance de voir dans une émission peuvent faire une musique intéressante pour une pub, un son différent qui se démarque de ce qu’on entend à longueur de journée. Sinon, pour sauver son cerveau, il faut bien manger. C’est important, l’équilibre alimentaire !
Quels ont été tes derniers coups de cœur culturels (musique, livres, cinéma…) ?
J’ai vu récemment un spectacle de danse super à la Cité Universitaire. Le chorégraphe était Jérôme Bel et le danseur Cédric Andrieux. C’était une sorte de présentation autobiographique du danseur. Ca m’a ému et boosté. Sinon, j’ai beaucoup aimé l’expo Munch à Beaubourg. En musique, je n’ai pas écouté assez ces derniers temps. Je reste beaucoup avec mes vieux machins comme Scott 4. Mais je retiens quand même The Management et LCD Sound System dans les derniers trucs récents qui m’ont plu. Même si ce n’est pas exactement tout récent !
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