La rentrée des classes est là… C’est un passage clé dans l’année : des milliers de citadins reviennent de vacances reposantes au bord de la Méditerranée. Ils y étaient sereins, au bord de la mer, enfin libérés de la terrible promiscuité de la ville. Le souci quotidien des bouchons leur était épargné, le bruit et l’agitation étaient oubliés au profit de considérations plus simples et joyeuses : chichi ? Beignet ? A la pomme ? Après ces instants de recueillement bien mérités, le retour à la ville est difficile. L’ex-vacancier ne peut s’empêcher de se laisser aller à un peu de nostalgie. Il faudra lui redonner le moral. Pour ça, rien ne vaut quelques achats bien sentis qui lui rappelleront la liberté des vacances, et le prépareront à retrouver sa routine.
Les publicitaires ont bien saisi l’importance de ce moment et sa fragile fugacité. Aussi voit-on depuis un mois fleurir un abondant affichage annonçant les promotions de la rentrée. Chacun peut y trouver son bonheur. Les parents voient là l’occasion de racheter à leurs enfants les gommes, crayons, stylos et cartouches d’encre dont ils ont du se passer tout l’été, et probablement pendant les derniers mois de l’année précédente. Parfois il reste encore des crayons qui ont survécu à l’été, dans une trousse jaune à motif éponge. Ornée de jolis petits yeux rieurs et d’une bouche dans laquelle apparaissent une langue et deux dents. Un élève sain d’esprit ne se mouille pas deux années de suite avec une trousse éponge, il rachètera donc des crayons. Et une trousse moins trouée.
La rentrée est aussi ce moment particulier où les enfants grandissent subitement. Après une année de stagnation, ils rattrapent à la rentrée ce temps perdu à ne pas pousser. Leur trousseau, soudainement obsolète, demande alors à être rafraichi. Les boutiques de vêtements savent les accueillir pour leur proposer des vêtements adaptés à leur vie. Parfois des vêtements déjà trop petits, de façon à ce qu’ils puissent prétexter d’une volonté esthétique quand ils ne rentreront manifestement plus dedans. D’autres fois des habits trop grands, pour qu’ils puissent les garder quelques années. Plus rarement des pièces à leur taille. Souvent, les vêtements sont troués d’avance, pour ne plus qu’on s’inquiète de leur usure. Pouvoir abîmer ses habits sans honte est un luxe. On paye donc ces vêtements plus cher que des vêtements intègres, forcément plus fragiles. La formule est révolutionnaire ; les fripiers se demandent encore comment ils n’ont pas eu eux-mêmes l’idée de vendre des habits déjà usés. On serait aussi perplexe à leur place.
Tous ces achats aiguisent les sens. On peut sentir l’odeur de la rentrée flotter dans l’air. Elle sent le chlore. Et la javel. Elle sent le propre en tout cas. Rien n’est propre comme une rentrée. Ni aussi neuf. Le nouvel an n’est pas aussi neuf que la rentrée. Le citadin ne s’y trompe pas : il prend ses bonnes résolutions à la rentrée. Il se promet de s’inscrire dans un club de sport et d’y aller toute l’année. Il part alors hardiment braver les centres commerciaux bondés, pénètre sans crainte dans un magasin de sport et s’achète le matériel adéquat, des barres et boissons énergétiques, des lotions de friction pour soulager les muscles, des pansements anti-ampoules, du déodorant et une conscience. Après quoi, soulagé, il peut s’arrêter manger dans une enseigne de restauration rapide pour se remettre de ses durs efforts.
Ces instants sont à vivre pleinement, car ils ne durent pas longtemps. On les regretterait s’ils n’étaient pas suivis immédiatement de la préparation d’Halloween et de Noël. Et au final du Nouvel An. D’une certaine façon, le Nouvel An dure trois mois.
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