Chanteuse rock

Joan Baez

Qui donc pouvait bien succéder à la délurée Joan Jett dont vous avez découvert le portrait le mois dernier ? Eh bien, pour rester dans la lignée des Joan célèbres, une autre homonyme de prénom dont l’œuvre est tout aussi mythique : Joan Baez. Pilier du renouveau folk américain depuis son entrée sur scène à l’aube des années 60, l’aura de celle qu’on appelle la « Madone des déshérités » a bien vite transcendé le seul cadre musical pour la faire devenir témoin privilégié et actrice des grandes dates de l’histoire contemporaine… Vous l’aurez compris, chez Baez, la musique et l’humanitaire vont obligatoirement de paire.

Peace and Love

Des trois filles que compte le foyer Baez, Joan est la benjamine. Née le 9 janvier 1941 à New York, entre Pauline et Margarita « Mimi », d’un père d’origine mexicaine et d’une mère écossaise de naissance (ndlr : Albert et Joan), Joan Chandos Báez va contracter très tôt le virus du voyage. Son père, éminent chercheur co-inventeur du microscope à rayons X et auteur d’un très célèbre manuel de physiques aux Etats-Unis, travaille en effet pour l’UNESCO et fait déménager sa famille de nombreuses fois sur le territoire mais aussi en Europe, au Canada et au Moyen-Orient. C’est notamment lors d’un voyage en Irak que Joan s’éveillera à la cause humanitaire en se figurant l’extrême pauvreté régnant au cœur de la population. Un sujet particulièrement sensible chez les Baez, de confession Quaker.

Sur le ukulele offert par un ami de son père, la gamine s’entraîne à pratiquer des accords de rhythm and blues qu’elle aime écouter. Mais c’est surtout après avoir assisté à un concert de Pete Seeger, grand nom de la folk américaine, que la fillette fera une vraie rencontre avec un genre dont elle tombe immédiatement amoureuse. Chez elle, à l’école ou lors de petits rassemblements, chaque occasion devient le prétexte pour gratouiller quelques accords et chanter de sa voix délicate de soprano au léger vibrato. Passage aux choses sérieuses avec l’achat d’une guitare Gibson pour ses 16 ans. L’université de Boston, la jeune fille ne la connaîtra que furtivement : elle préfère de loin sécher les cours pour se produire sur les scènes folks dont l’emblématique Club 47 !

C’est en y croisant justement un groupe de passionnés, au moins autant qu’elle, que tous décident bien vite d’enregistrer un album. Son nom ? Folksingers ‘Round Harvard Square sous l’étiquette Veritas Records. Mais son véritable ticket pour le succès, Joan le tient en rencontrant ses idoles, Bob Gibson et Odetta, vedettes respectivement de folk et de gospel. Surtout quand le premier l’invite à partager la scène du Newport Folk Festival, véritable référence en la matière. L’édition 1959 s’avère dithyrambique pour celle que l’on surnomme déjà « La Madone aux pieds nus » qui en plus d’un public, gagne une maison de disques : Vanguard Records.


Nous vaincrons

De là, l’écriture d’un album s’impose presque de lui-même. Premier d’une longue série à rendre hommage aux plus grands standards de la folk, l’éponyme Joan Baez (1960) est bientôt suivi par deux disques d’or (ndlr : Joan Baez, Vol. 2 en 1961 et Joan Baez in Concert, Part 2 l’année suivante). Fait historique car le genre n’avait encore à l’époque jamais reçu aussi haute distinction ! Maintenant à la tête du renouveau folk, le répertoire de Baez se politise en rencontrant la protest song de Bob Dylan, qui n’est alors qu’un parfait inconnu. A mesure que leur relation amoureuse évolue, Joan contribue à rendre célèbre l’œuvre de Bob en reprenant nombre de ses chansons et en l’invitant à la rejoindre sur scène. Bien que douloureuse, leur séparation augure pour la chanteuse le début d’une nouvelle ère : celle de l’expérimentation musicale et de la composition de ses chansons.

Avec Noël (1966) ou Baptism : A Journey Through Our Time (1968), Baez amorce en effet un virage vers l’orchestration classique et le concept album avant de flirter avec le rock et la country pour les besoins de David’s Album (1969), écrit tout spécialement pour son mari David Harris, leader des opposants à la guerre au Vietnam, emprisonné pour son refus d’incorporer le service obligatoire. Une prise de position anti establishment qui, de concert avec sa participation applaudie au festival de Woodstock la même année, finit d’asseoir le formidable contre pouvoir de la chantre de l’injustice et des inégalités. L’horreur de la guerre au Vietnam, Joan tente de l’exorciser avec Where Are You Now, My Son? (1973) et dès l’année suivante, entend insuffler l’espoir au peuple chilien en pleine période Pinochet avec l’hispanophone Gracias a la Vida.

A ceux qui avaient encore à l’idée que Baez n’était qu’une interprète, la chanteuse leur livre en 1975 Diamonds and Rust, complètement indissociable de son hit éponyme, rappelant feue sa liaison avec Dylan. Si les années 80 et 90 sont marquées par un engagement sur le terrain, les années 2000 sont celles des retrouvailles avec les studios. De jeunes compositeurs talentueux comme Ryan Adams ou Nathalie Merchant venus prêter main forte à l’écriture de Dark Chords on a Big Guitar (2003) à des artistes de renom tels que Steve Earle pour Day After Tomorrow (2008), son dernier album à ce jour, en passant par un set ovationné au festival de Glatonsbury la même année, personne n’a oublié la grande dame de la folk.

Des diamants et de la rouille

Résumer en quelques lignes une discographie de 30 albums étalée sur 52 ans d’activité n’a rien d’une mince affaire ! Et cela se corse plus encore lorsqu’il s’agit de Joan Baez, tant la carrière de l’artiste reste intrinsèquement liée aux grandes épisodes de l’histoire. Non contente d’avoir réhabilité auprès d’un large public les racines de la folk et de lui avoir fait retrouver un second souffle grâce à la florissante génération d’artistes à qui elle va ouvrir la voie, Dylan en tête, Joan va profiter de son statut de personnage public pour se faire la porte-parole chevronnée des droits de l’homme via la protest song.

L’anecdote la plus lointaine qu’on lui connaisse remonte à son adolescence : Joan n’hésite alors pas à boycotter en classe un exercice d’alerte à la bombe qu’elle juge absurde, en dépit des accusations de communisme qu’elle va essuyer dans son école. Un peu plus tard, ce sera Martin Luther King qu’elle rejoindra dans son combat pour les droits civiques afro-américains, puis la guerre au Vietnam qu’elle dénoncera maintes fois comme la dictature chilienne d’Augusto Pinochet. Ajoutons à cela, le concert que celle-ci a donné en 1993 dans un Sarajevo alors déchiré par la guerre civile, son opposition à la guerre en Irak, sa condamnation de la peine de mort, la défense des droits gays et lesbiens, son féminisme et la protection de l’environnement, pour ne citer qu’eux… Ce n’est pas peu dire que l’Humanité est au cœur des préoccupations de Mme Baez.

Bien sûr on n’oublie pas non plus la création de l’ONG Humanitas International ni sa participation à toute une série de concerts caritatifs tels que le Live Aid ou les tournées Conspiracy of Hope et le Human Rights Now ! organisées par Amnesty International. Au regard de l’ampleur de l’œuvre qu’elle a déjà accomplie, Joan a reçu l’ultime récompense de sa carrière en l’attribution du Grammy Lifetime Achievement Award au cours de l’année 2007. Mais la chanteuse n’appartient pas à cette frange d’artistes qui succombent facilement aux sirènes du succès. Pas de trêve pour celle qui vient de fêter ses 71 ans et qui sillonne encore et toujours les scènes en compagnie maintenant de son fils, Gabriel, qui l’accompagne aux percussions. Notamment françaises, avec de nombreuses dates programmées d’ici la fin de l’année. Comme celle-ci le confiait au détour d’une interview : « Si l’on devait me mettre une étiquette, je préférerais que la première soit être humain, la deuxième pacifiste et la troisième chanteuse de folk » (www.telegraph.co.uk). Avec Joan qui veille au grain, les injustices n’ont qu’à bien se tenir !

(Les photos proviennent du site http://www.myspace.com/joanbaez)

Sites internet :

http://www.joanbaez.com/

http://www.evene.fr

http://fr.wikipedia.org/

http://en.wikipedia.org

http://www.myspace.com/joanbaez

Articles :

– Joan Baez in Le rock dictionnaire illustré, Larousse (1997)

Joan Baez interview : http://www.telegraph.co.uk/culture/music/worldfolkandjazz/6173753/Joan-Baez-interview.html

Joan Baez prolonge sa tournée : http://www.lefigaro.fr/musique/2011/03/23/03006-20110323ARTFIG00476-joan-baez-prolonge-sa-tournee.php

Joan Baez, sa guitare en étendard : http://next.liberation.fr/musique/01012330377-joan-baez-sa-guitare-en-etendard

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2 Comments

  • Reply
    Septentria
    20 août 2011 at 14:35

    Oups, « Play Me Backwards » date d’un peu plus vieux… Désolée ! :-/

  • Reply
    Septentria
    20 août 2011 at 14:32

    Merci pour cette bio ! J’adore cette chanteuse à la fois pour sa musique et ses engagements et je la trouve encore si belle, de plus en plus belle avec l’âge ! Pour info, il me semble qu’elle a sorti un nouvel album cette année, « Play Me Backwards »…

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