Brigitte

Ce mois-ci, nous sommes tombés sous le charme du duo Brigitte. Deux beautés qui déclament des textes saignants en toute ingénuité. Rencontre.

On se souvient (ou pas) il y a quelques années d’une chanteuse dénommée Koxie, dont le style était qualifié de rap chic. Dans un tout autre genre, Brigitte semble vouloir faire du rap sans le dire. Je vous vois d’ici bondir sur vos chaises, vous qui avez déjà écouté et/ou vu le clip de Battez-vous ! Je m’explique…

Au commencement, notre duo s’est attaqué à un symbole du rap, j’ai nommé Ma Benz, de NTM. Sur un tempo lent et des voix chavirantes, la brune et la blonde n’ont pas gommé un iota du texte originel. Si la mélodie le déguise, la chanson évoque toujours une troussée sauvage sur la banquette arrière d’une Mercedes W124 rabaissée et défraîchie, dans une banlieue qui ne l’est pas moins. Un vrai rêve de jeune fille !

Deuxième acte avec La Vengeance d’une louve. De leurs voix angéliques, les Brigitte balancent du lourd. Sans avoir l’air d’y toucher, leur discours n’est autre que celui de Diam’s dans DJ, soit résumé en quelques mots : touche pas à mon mec. Avec tout de même plus de subtilité. Le « Trouve-toi un autre mec que c’est mieux » laisse la place à un « Prends garde à mon courroux » bien plus séant. N’allez toutefois pas croire que le texte fait dans le politiquement correct, il est parsemé de petites piques savoureuses. Quant au texte de Battez-vous, il ne laisse lui non plus guère place à l’équivoque. On en revient à un combat de coqs où nos deux sylphides jouent le rôle (consentant) de trophée.

S’arrêter là serait bien trop simple. Finesse et second degré ont bel et bien droit de cité dans la musique de Brigitte. Il suffit de jeter un œil à leurs clips pour s’en convaincre. Le côté « trop gore pour être vrai » de La Vengeance d’une louve apporte la distance nécessaire au texte : ces filles ne se prennent pas au sérieux.

On s’y était pourtant laissé prendre avec le clip de Battez-vous. Les gros plans sur des bouches pulpeuses, les poses lascives et un physique avantageux mis en avant nous avaient bernés… Jusqu’au moment où les deux larrons qui se battent comme des chiffonniers pour leurs faveurs se mettent à se rouler des pelles à qui mieux-mieux. Prises à leur propre piège, les filles !

Brigitte sait se mettre en danger. Et c’est justement ce décalage entre un texte qui ne fait pas dans la dentelle et la chanson douce qui fait tout le sel de la chose. Et quand cette authentique performance vocale se double de clips aussi barrés, on ne peut que tomber sous le charme. Laissons-les maintenant s’expliquer.

Save My Brain : Si vous deviez vous présenter en quelques mots… ?

Aurélie : Brigitte, c’est un auteur/compositeur/interprète…

Sylvie : …une entité à deux têtes…

Aurélie : …au féminin pluriel. Libre et décomplexé !

SMB : Pourquoi Brigitte ?

Aurélie : Pour plein de raisons. Pour Brigitte Lahaie, Brigitte Fontaine, Brigitte Bardot. Et parce qu’on a tous une tante qui s’appelle Brigitte et qui adore cuisiner.

Sylvie : Il y a dans ce prénom un côté rétro, féminin et libre.

SMB : Comment est né le groupe ?

Aurélie : Il y a trois ans, on a voulu monter un groupe de filles…

Sylvie : Pas vraiment, je voulais bien faire un groupe mais juste avec elle ! Et j’ai dit oui tout de suite sans vraiment savoir ce qu’on allait faire.

Aurélie : En fait, on avait déjà travaillé ensemble avant. C’est un ami commun qui m’a dit de rencontrer Sylvie, la chanteuse de Vendetta. J’ai écrit des textes qu’elle a mis en musique de manière très simple, très naturelle. Tout s’est passé naturellement dans ce projet. On a toutes les deux arrêté nos projets perso au même moment. Pour nous, c’était soit arrêter totalement la musique soit recommencer avec quelque chose de différent.

SMB : Comment avez-vous défini votre style ?

Aurélie : Là encore, ça s’est fait naturellement, sans se définir vraiment.

SMB : Comment se sont passés vos débuts sur scène ?

Sylvie : Très bien ! On a fait notre premier concert il y a deux ans, dans une galerie. C’était magique ! Autant que d’écrire et de composer.

Aurélie : Tout de suite, on a ressenti une euphorie, du côté du public comme des musiciens. Ca nous a enfin permis de confronter ce qu’on avait préparé pendant longtemps dans notre salle à manger.

Sylvie : On s’est amusé. Et le public s’excitait de nous voir amusées. C’était un vrai moment de partage.

SMB : On vous connaît une reprise de NTM Ma Benz. Le rap, c’est un style musical qui vous inspire ?

Aurélie : Oui, comme plein d’autres. Autant que le jazz, le disco, le folk… On avait envie de cette reprise, même si ça a été un concours de circonstances. Et puis on adore NTM, c’est le plus grand groupe de rock !

Sylvie : Parmi les rappeurs français, ce sont les plus sensuels.

SMB : Que vouliez-vous mettre dans votre album, qu’est-ce qui vous tenait à cœur ?

Sylvie (qui chantonne) : Oh, oh, oh…

Aurélie : Il n’y a que des choses qui nous tenaient à cœur, je crois. On a voulu être sincères. Un album à la fois fantaisiste, fantasmé et imaginaire.

SMB : Vous parlez de l’amour comme un combat… C’est du vécu ?

Sylvie (l’air surprise) : Tu trouves ?

Aurélie : Parfois, mais pas que. La Vengeance d’une louve, ça correspond à une situation bien particulière. Et puis Battez-vous, c’est plus un rêve fantasmé de princesse qu’un vrai combat. On a toutes envie que des hommes se battent pour nous.

SMB : Vos clips donnent une lumière différente à vos textes. Qui en écrit les scénarios ?

Aurélie : C’est nous.

Sylvie : Pour nous, l’image est importante au même titre que la musique. Que ce soit la scéno, les photos ou le clip.

Aurélie : On avait envie de faire des clips. Alors on est parties aux US. Mais ça fait longtemps qu’on les a tournés. Plus d’un an.

SMB : Quels sont les albums qui traînent sur vos étagères et qui vous ont bercé ?

Aurélie : On n’a pas de chapelle. Ca va de Marilyn Monroe à John Warwick. On écoute Abba, Donna Summer, Snoop Dog, Gush…

Sylvie : Et il y a un truc qu’on a découvert, c’est David Essex. C’est un chanteur anglais qui a fait des tubes mais qui n’est pas vraiment connu en France. On a trouvé le titre Rock On était vraiment très bon. Ensuite, on a tout écouté, mais on n’a pas tout aimé.

SMB : Plutôt scène ou studio ?

Aurélie : Les deux. Et je dirais même les trois. L’écriture est encore une autre étape, aussi importante.

Sylvie : Oui, chaque expérience est différente, avec ses moments de doute et ses satisfactions.

SMB : Notre magazine s’appelle Save My Brain. Sauver les cerveaux… Comment peut-on le faire ?

Aurélie : Aller en analyse, on connaît quelques bons psys !

SMB : Quels sont vos derniers coups de cœur culturels (musique, cinéma…) ?

Sylvie : j’aimerais beaucoup aller visiter l’expo sur Kubrick, à la cinémathèque.

Aurélie : Je suis allée voir Le 20 novembre, la pièce de Lars Norén avec Cécile Cassel. Ca a été un coup de poing. C’est un coup de cœur qui m’a fait beaucoup pleurer, c’est incroyable !

Lire notre chronique de l’album de Brigitte, Et vous, tu m’aimes ?