Le Centre Pompidou fait en ce moment honneur au plasticien François Morellet. Une exposition un peu particulière où le visiteur peut agir sur les œuvres.
D’aucuns pensent que le musée est une installation poussiéreuse. C’est notamment le cas de Jean-Claude Convenant, qui amène son fils Jason en visite au musée pour le punir le mercredi après midi. Las, ce brave (?) père de famille en sort encore plus déboussolé que son garnement de fils.
Marcel Duchamp devait penser la même chose. Dès le milieu des années 1910, il crée un véritable électrochoc avec ses ready-made : ce n’est plus la nature de l’objet qui fait l’œuvre mais le choix de l’artiste et, surtout, son lieu d’exposition. Il est lassant de dire et de ressasser que Duchamp a tout inventé mais ce n’est pas faux. En 1947, il invite le spectateur à entrer en interaction avec l’œuvre (Prière de toucher) alors que son Anemic Cinema a jeté les bases de l’art optique et cinétique. Ayant défriché à tout va, Duchamp a ouvert la voie a tout une génération : les nouveaux réalistes qui ont compris que le lieu d’exposition pouvait faire l’œuvre, les minimalistes qui se sont engouffrés dans la brèche de l’op art, les tenants du happening qui ont été convaincus que l’art était avant tout un geste de l’artiste…
Parmi eux, François Morellet a choisi l’art optique, il est d’ailleurs un des fondateurs du GRAV (Groupe de Recherche d’Art Visuel). Et si je vous ai parlé de Prière de toucher et d’Anemic Cinema, ce n’est pas par hasard : le mélange des innovations de ces deux œuvres de Duchamp ont laissé libre cours à l’imagination de Morellet. Les installations présentées au centre Pompidou jouent avec l’optique (persistance rétinienne, surface d’eau qui se trouble…), souvent de manière commandée par le spectateur.
Quand on fait de l’abstraction, il faut bien choisir une marotte pour savoir comment abstraire. François Morellet a un goût très sûr pour les mathématiques. Jouant beaucoup avec les néons (comme Dan Flavin), il les organise de façon rigoureuse. Par exemple selon les décimales du nombre Pi (π rococo n°22, 1 = 10°). Ou encore suivant des angles bien précis, destinés à donner un certain effet visuel (l’Avalanche). Parfois, ce sont des branches de bois, qui poursuivent de manière un peu anarchique une forme soigneusement et géométriquement tracée d’un trait noir bien net (Géométrée n°5, Arcs de cercles complémentaires). Souvent, le spectateur se retrouve aux commandes, ici d’un interrupteur pour jouer avec une partie des néons de l’installation (2 trames 45°-135° de néons interférents), là d’un bac à eau dont la surface troublée déforme le reflet d’une grille de morpion (Reflets dans l’eau déformés par le spectateur).
Il serait exagéré de dire que les installations de François Morellet sont révolutionnaires. Elles apportent toutefois une proximité avec le visiteur bien amusante. Une expo comme un vrai divertissement, voilà qui pourrait plaire à Jason Convenant. Sale gosse !
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