Vous n’êtes pas sans remarquer, lectrices de mon cœur, qu’avant chaque match international, ou lors de chaque victoire, on envoie les hymnes nationaux. Certains se révèlent muets (comme l’Espagne), dansant (comme l’Italie), mais le nôtre est un chant guerrier, un vrai, qui parle de sang, de patrie, de femmes égorgées et de sillons. Mais d’où est originaire un tel hymne ?
Contrairement à son titre actuel, la Marseillaise a été composée à Strasbourg en avril 1792 par un capitaine français, le citoyen Rouget de l’Isle (1760-1836). Celui-ci a composé un hymne guerrier à la demande du maire de Strasbourg, le baron de Dietrich, pour les armées qui allaient affronter les troupes de l’empire d’Autriche, avec lequel nous étions en guerre depuis le 20 avril 1792. Cet hymne devait servir aux troupes stationnées en Alsace, parmi lesquelles figuraient les deux fils du baron. Il s’intitulait à l’origine Chant de guerre pour l’armée du Rhin, le Rhin étant le fleuve marquant la frontière entre la France et les territoires allemands.
En juin 1792, un officier de Montpellier, le futur général Mireur, chargé de préparer le trajet des armées venues de Marseille, entonne l’hymne de Rouget de l’Isle lors d’un banquet dont il est l’invité d’honneur à Marseille le 22 juin 1792. Les historiens spéculent encore pour savoir comment l’hymne alsacien a pu parvenir jusque aux bords de la Méditerranée, mais le résultat est que les volontaires marseillais, galvanisés par ce chant, l’entonnent tout au long du trajet les menant à Paris. Une fois sur place, les volontaires font découvrir leur chant à la population parisienne, qui, faisant fi des noms antérieurs, décide de la baptiser du nom de Marseillaise. Cet hymne connait son heure de gloire en septembre 1792, au combat de Valmy, où les troupes prussiennes qui avaient envahi la France sont repoussées par de jeunes soldats à peine formés chantant la Marseillaise. Hymne national le 14 juillet 1795, puis interdit jusque sous la Monarchie de Juillet (1830-1848), elle redevient officiellement hymne national en 1879 sous la IIIè République.
De nombreux débats entourent toujours la Marseillaise. On ne sait pas, par exemple, qui a composé la musique, car Rouget de l’Isle n’en a été que le parolier. De plus, nous ne chantons aujourd’hui que le premier couplet. Elle en compte en fait 15 si l’on y ajoute les couplets originaux (6 de plus), le couplet des enfants et les couplets supprimés au fur et à mesure. Sur le site officiel de l’Elysée, on ne compte que 7 couplets, quoique Rouget de l’Isle n’en ait composé que 6. On a beaucoup glosé aussi sur l’intérêt d’un tel hymne aujourd’hui, mais hélas, le monde d’alors n’est pas forcément différent de celui d’aujourd’hui…
La Marseillaise a inspiré de nombreux mouvements révolutionnaires et musicaux. Ainsi, elle est le chant des révolutionnaires bolcheviks russes en 1917 avant d’être remplacée par l’Internationale. On la retrouve également « samplée » par Tchaïkovski dans son œuvre 1812, composée en 1883, ainsi que dans le film Casablanca (1942) avec Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, interprétée par tous les clients du bar pour contrer l’hymne allemand entonnée par des officiers.
Quoiqu’il en soit, elle demeure l’un des symboles de la France au même titre que la Déclaration des droits de l’homme. On se doit de la connaître, parce que c’est l’une des rares choses qui nous rassemblent tous.
4 Comments
Jérôme
24 février 2011 at 11:20Pour celles et ceux qui veulent connaître intégralement la Marseillaise :
1
Allons enfants de la Patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie,
L’étendard sanglant est levé,
L’étendard sanglant est levé,
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils et vos compagnes !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
2
Que veut cette horde d’esclaves,
De traîtres, de rois conjurés ?
Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés ?
Ces fers dès longtemps préparés ?
Français, pour nous, ah ! quel outrage
Quels transports il doit exciter !
C’est nous qu’on ose méditer
De rendre à l’antique esclavage !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
3
Quoi ! ces cohortes étrangères
Feraient la loi dans nos foyers !
Quoi ! ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fiers guerriers !
Terrasseraient nos fiers guerriers !
Grand Dieu ! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres des destinées !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
4
Tremblez, tyrans et vous perfides
L’opprobre de tous les partis,
Tremblez ! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix !
Vont enfin recevoir leurs prix !
Tout est soldat pour vous combattre,
S’ils tombent, nos jeunes héros,
La France en produit de nouveaux,
Contre vous tous prêts à se battre !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
5
Français, en guerriers magnanimes,
Portez ou retenez vos coups !
Épargnez ces tristes victimes,
À regret s’armant contre nous.
À regret s’armant contre nous.
Mais ces despotes sanguinaires,
Mais ces complices de Bouillé,
Tous ces tigres qui, sans pitié,
Déchirent le sein de leur mère !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
6
Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs !
Combats avec tes défenseurs !
Sous nos drapeaux, que la victoire
Accoure à tes mâles accents,
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
7
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n’y seront plus,
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus
Et la trace de leurs vertus
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil,
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre !
Aux armes, citoyens,
Formez vos bataillons,
Marchons, marchons !
Qu’un sang impur
Abreuve nos sillons !
Jérôme
24 février 2011 at 10:46Tout le plaisir est pour moi, ma chère!
Nelly
24 février 2011 at 11:14Tu ne voudrais pas nous ajouter en commentaire les autres couplets de la Marseillaise, qu’on ne connait visiblement pas ? (Du mois les 6 ou 7)
Nelly
24 février 2011 at 10:39Merci Jérôme pour tes lumières sur cet hymne !