Elles ont été décapitées, brûlées vives ou ont échappé à de terribles sentences en se faisant oublier… Elles ne sont pas forcément recommandables, mais elles sont devenus des légendes… Après le volet consacré aux favorites royales, voici la deuxième partie de cette trilogie qui cette fois-ci encore consacrera des femmes célèbres et même diaboliquement célèbres… Nous sommes toujours à la Cour mais cette fois-ci avec d’inlassables conspiratrices, des empoisonneuses, des intrigantes, des femmes tristement célèbres aux allures de sorcières qui, dans la jungle de la Cour, ont trouvé des moyens radicaux pour se hisser au sommet ou tout simplement survivre !…
Voici un triptyque de femmes diabolisées en leur temps.
La duchesse de Chevreuse (1600-1679)
Belle, d’une vive intelligence, plus rusée qu’un renard, la belle duchesse alias Marie Aimée de Rohan Montbazon fut une inlassable intrigante menant de nombreux complots politiques. Une femme de caractère qui savait ce qu’elle voulait et faisait tout pour y parvenir : « Galante, vive, hardie et entreprenante » écrivait La Rochefoucauld à son sujet.
Dans son roman Vingt ans après, Alexandre Dumas met en scène une liaison entre la duchesse de Chevreuse et l’un des trois mousquetaires, Athos : de leur brève étreinte serait né le vicomte de Bragelonne, héros du dernier tome de la trilogie de Dumas. S’il s’agit d’une invention, il n’en reste pas moins vrai que la duchesse de Chevreuse, comme son homologue de papier, a collectionné les amants et multiplié les intrigues.
A peine âgée de 17ans, elle épouse le duc de Luynes, favori de Louis XIII, qui l’initie rapidement à l’art de la conspiration politique. Après la mort de son premier époux en 1621 et un remariage rapide avec le duc de Chevreuse en 1622, elle est impliquée entre 1623 et 1643 dans au moins six complots politiques, dont la fameuse affaire Buckingham qui faillit compromettre définitivement l’honneur de la reine Anne d’Autriche et envenima durablement les relations franco-anglaises.
Etonnante duchesse au caractère flamboyant qui trouvera très vite son champ de bataille : s’opposer à Louis XIII et son cardinal Richelieu qu’elle pense être des mufles et pour cela elle possède une arme fatale : elle est la confidente et l’amie intime de la reine Anne d’Autriche. Elle sera d’ailleurs nommée surintendante de la reine en 1618.
Cette amitié prendra fin en 1625 lorsque, désirant assurer sa domination sur Anne d’Autriche et influer sur sa politique, elle décide avec l’aide de son amant anglais de l’époque, de la pousser dans les bras du duc de Buckingham et menace de la déshonorer et rend une fois de plus le roi furieux. Elle sera compromise dans moult autres complots politiques visant à déstabiliser le roi et son cardinal.
Pour cela, elle sera exilée dans sa province forcée de vivre en « résidence surveillée » en Touraine. Ce qui ne l’arrête pas pour autant : de sa province, elle noue des intrigues épistolaires, rêve de coalition européenne contre le roi… En 1637, elle doit fuir la France déguisée en homme et trouve refuge en Espagne. A la Cour, certains plaident sa cause mais même la reine refuse son retour. Le temps passe et un événement, un dernier combat, la fait revenir au premier plan : La Fronde.
« La Chevrette » comme l’a surnommée Richelieu n’a rien perdu de sa fougue et de son goût pour l’intrigue. Elle s’en prend désormais à Mazarin, elle est de toutes les cabales et revient en force.
Pendant la Fronde, qui voit les Grands du royaume se révolter contre la régente Anne d’Autriche et son ministre Mazarin entre 1648 et 1653, la duchesse joue un rôle ambigu, agissant comme intermédiaire entre le cardinal et les frondeurs. Par la suite, elle continue à intriguer mais ne se mêle plus des affaires du royaume: il s’agit surtout pour elle désormais d’assurer la fortune de sa famille, elle parvient ainsi à marier son petit-fils avec la fille de Jean-Baptiste Colbert, le tout puissant ministre de Louis XIV. Retirée au couvent de Gagny, elle y meurt le 12 août 1679 à près de soixante-dix-neuf ans. Très longtemps des chansons populaires, comptines ou mazarinades, comme c’est ici le cas, l’évoquèrent « Tout le monde sait qu’elle a donné le branle à plusieurs grands mouvements et qu’elle a été l’intelligence de plusieurs grands desseins : le malheur c’est qu’on ne lui attribue pas un de bon. On dit qu’elle remue beaucoup, mais qu’elle n’établit jamais une affaire. On dit qu’elle mêle bien une intrigue, mais qu’elle ne veut jamais la démêler. On dit qu’elle sort fort bien d’un labyrinthe, mais non pas s’en s’engager d’abord dans un autre. On dit qu’elle brouille bien et c’est tout dire… »
Toute sa vie, elle aura été une impétueuse et indomptable adversaire du pouvoir et plus particulièrement du roi Louis XIII qui sur son lit de mort s’exclama « « Voilà le diable, cela, voilà le diable » à l’encontre de l’impétueuse duchesse.
A lire
– Denis Tillinac, L’Ange du désordre. La vie tumultueuse de Marie de Rohan, duchesse de Chevreuse, Robert Laffont 2003
– Christian Bouyer, La duchesse de Chevreuse, Pygmalion 2002
La Marquise de Brinvilliers (1630-1676)
Charmante, gracieuse, jolie et avec de grands yeux bleus et d’une innocence déconcertante, telle fut la jeune Marquise de Brinvilliers selon ses contemporains. Derrière ce portrait idyllique se cacha l’une des plus terribles et mystérieuses femmes de notre histoire. En effet, la spécialité de cette marquise peu commune, c’est l’empoisonnement.
Marie-Madeleine Dreux d’Aubray, marquise de Brinvilliers, a trouvé un moyen expéditif pour hériter plus rapidement: elle empoisonne successivement son père en 1666 (huit mois d’empoisonnement), puis ses frères en 1670!
C’est quand elle s’en prend à son amant Godin de Sainte-Croix, qui lui a lui-même appris à manier les poudres funestes, que celui-ci prend peur et réunit contre elle des preuves accablantes qu’il enferme dans une cassette «à n’ouvrir qu’en cas de mort antérieure à celle de la marquise». Malheureusement pour la Brinvilliers, Sainte-Croix décède en 1672 sans doute de mort naturelle et l’infamie de la belle est révélée au grand jour: elle doit alors fuir la France pour ne pas être appréhendée.
Rien ne destinait pourtant la jeune Marie-Madeleine à cette carrière d’empoisonneuse. Fille d’un lieutenant civil du Châtelet, elle épouse en 1651 le marquis de Brinvilliers mais succombe bientôt aux charmes d’un officier de cavalerie féru d’alchimie, Godin de Sainte-Croix, qui l’initie à l’art des poisons. Très vite, l’élève dépasse le maître et les victimes de la Brinvilliers se comptent par centaine, elle se perfectionne en effet en empoisonnant des pauvres venus lui demander la charité ou des malades qu’elle visite à l’hôpital! Elle utilise notamment l’arsenic, qu’elle manie à la perfection.
Après quatre ans de cavale, la marquise est retrouvée dans un couvent de Liège, ramenée en France, jugée et condamnée à la décapitation. Au cours de son long procès (29 avril-16 juillet 1676) elle refuse tout aveu malgré la Question (la torture). Elle est condamnée à une amende honorable, c’est-à-dire que son exécution est rendue publique. Son courage sous la torture et son extraordinaire piété en prison émurent nombre de ses contemporains, qui virent en elle une sainte. Son corps fut ensuite brûlé, et les cendres de celle qui avait fourni à la belle Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, ses fameuses «poudres de succession» furent dispersées… Son procès, sa condamnation et son exécution sont rapportés dans les Crimes Célèbres d’Alexandre Dumas et dans la correspondance de Madame de Sévigné qui écrit « Le lendemain, on cherchait ses os parce que le peuple disait qu’elle était une sainte et Enfin cela est fait La Brinvilliers est en l’air : son pauvre petit corps a été jeté, après l’exécution, dans un fort grand feu, et ses cendres au vent ; de sorte que nous la respirons… » Le mystère de la marquise reste entier comme les raisons profondes de ces nombreux assassinats. Des raisons politiques seraient également en cause (avec l’empoisonnement d’Henriette d’Angleterre), certains historiens contemporains mettent l’accent sur le rôle de Godin qui aurait était l’instigateur des crimes ou encore sur le fait qu’elle n’a pas pu se défendre à son procès. Elle était condamnée d’avance. Une femme qui manie si bien les poudres ne pouvaient de toute manière n’être qu’une criminelle ou une sorcière.
A lire:
– Alexandre Dumas, La Marquise de Brinvilliers, 1856
– André Nolat, « La marquise aux poisons », 2011
A voir :
Sur une idée d’Anne Parillaud, un téléfilm mettant en scène la vie de la Marquise de Brinvilliers a été tourné et diffusé à la télévision belge ( La Une ), en 2010, et française ( France2 ) le 9 février 2011. Ce téléfilm, inspiré du livre éponyme de Catherine Hermary-Vieille, La Marquise des ombres a été réalisé par Édouard Niermans avec Anne Parillaud dans le rôle titre.
Catherine Monvoisin, dite La Voisin (1640-1680)
La troisième accusée répond du crime de sorcellerie.
«Je ne vous parlerai que de Madame Voisin ; ce ne fut point mercredi, comme je vous l’avais dit, qu’elle fut brûlée, ce ne fut qu’hier. Elle savait son arrêt dès lundi, chose fort extraordinaire. Le soir elle dit à ses gardes: Quoi? Nous ne faisons pas médianoche? Elle mangea avec eux à minuit, par fantaisie, car ce n’était point jour maigre; elle but beaucoup de vin, elle chanta vingt chansons à boire.» Ainsi Madame de Sévigné décrit-elle à sa fille les dernières heures de La voisin, compromise dans la fameuse affaire des poisons et brûlées vives en place de Grève le 22 février 1680.
Vous avez peut-être déjà entendu parler de ces histoires mystérieuses de poisons ou de messes noires qui avaient lieu à la cour de Louis XIV. En effet, de 1675 à 1680, la Cour était le lieu de toutes les rumeurs et de nombreux aristocrates utilisaient les services de La Voisin, un personnage assez diabolique qui utilisait la sorcellerie et la magie noire ainsi que les philtres de toutes sortes, toxiques pour la plupart d’entre eux. Outre les nobles, tous les milieux sont touchés à cette époque par une sorte de réminiscence des alchimistes et des mages italiens si courants à l’époque de Catherine de Médicis. La pratique de la magie noire, des médecines obscures, des avortements illégaux sont le fait de « sorcières » largement rétribuées à travers tout le pays… Les coutumes archaïques ont la vie dure ! C’est lors de cette époque troublée qu’arrive Catherine Deshayes.
Née à Paris vers 1640, Catherine Deshayes épouse Monvoisin s’improvise avec succès diseuse de bonne aventure après la mort de son mari. Dans sa maison du quartier Saint-Denis, elle accueille des années durant une clientèle aristocratique venue se faire prédire l’avenir. Elle fournit les gens de la Cour en philtres en tout genre. Cette jeune femme s’est introduite auprès des nobles de la Cour. De forte réputation, elle vend ses produits toxiques pour supprimer des parents encombrants et utilise la sorcellerie pour des « retours d’affection » ou des affirmations de haine. Elle se livre également à de nombreux avortements. Outre la « poudre de succession », l’ingénieuse La Voisin organise maintes messes noires comportant des sacrifices et d’autres rituels « magiques ». Elle se livre donc à la sorcellerie, organisant dans son salon des messes noires célébrées par l’Abbé Guibourg. En 1676, ce religieux dévoyé aurait accompli un de ces rites diaboliques sur le ventre de Madame de Montespan, favorite de Louis XIV. Délaissée par le roi, celle-ci cherchait en effet à reconquérir son amour par des pratiques magiques et des poudres pour l’amour fournies par La Voisin. C’est là où l’affaire se corse et où le roi doit intervenir, son royaume est en danger et sa favorite est compromise mais bien évidemment ne sera jamais inquiétée !
Arrêtée en 1679, Catherine Monvoisin est jugée avec ses trente-six complices, condamnée à mort et exécutée le 22 février 1680. « Ses cendres sont en l’air présentement», indique Madame de Sévigné à sa fille dans la lettre qu’elle lui adresse le lendemain: «voilà la mort de Madame de Voisin, célèbre par ses crimes et son impiété.» Personnage troublant et mystérieux que cette madame La Voisin !
A voir :
– En 1997, le rôle de La Voisin est interprété par l’actrice Anémone dans le film Marquise de Véra Belmont.
Bien évidemment, les liens entre féminités et sorcelleries ont de maintes fois étaient douteux. Dans ces trois affaires, il faut bien se rappeler le contexte, une époque dominée par un catholicisme où l’image de la femme, fautive de tous les maux, n’était pas au beau fixe et les légendes noires pouvaient se répandre rapidement sans preuves réelles. Dans ces cas présents et même à la lumière de nos jours, la culpabilité de ces femmes n’a pu être démontrée et de leur culpabilité s’élève leur obscure célébrité. Les femmes peuvent êtres fourbes et redoutables à l’instar de leurs homologues masculins. Dans un monde redoutable, on s’adapte ! Méfiez-vous des airs faussement innocents !
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