Ce nom vous parle, mais où l’avez-vous déjà entendu ? Il y a encore quelques années, il ne vous aurait rien dit mais depuis la sortie de la BD Persépolis, puis du film du même nom, Marjane Satrapi est devenu une scénariste, réalisatrice et dessinatrice de renom imposant son talent et sa patte persane en France.
Marjane Satrapi est née en 1969 à Rasht, dans la région de Guilan, sur les bords de la mer Caspienne. Marjane grandit à Téhéran, dans une Iran secouée par la révolution islamique et la guerre avec l’Irak. Apparentée à la dynastie Qadjar (c’est une vraie princesse. Son grand père maternel était le fils de Nasreddine Chah, le dernier empereur de la dynastie Qadjar qui a régné en Iran avant les Pahlavi) et proche des idées communistes, elle est élevée par des parents modernes, cultivés, très engagés, aux idées progressistes qui feront d’elle cette femme battante et épanouie que l’on découvre au travers de ses BD ou du film Persépolis. Beaucoup de personnes de sa famille seront emprisonnées ou exécutées pour leur sympathie communiste à l’image de son oncle Anouche, un dirigeant du Parti Communiste iranien à qui elle fut très attachée.
A l’âge de 14 ans, ses parents décident de l’envoyer étudier en Europe afin de fuir la guerre et le régime iranien. Après avoir étudié au lycée français de Téhéran, elle se retrouve au lycée français de Vienne en Autriche où elle découvre en accéléré la solitude, le racisme et la drogue avant d’obtenir son bac et de rentrer au pays, forte de ses expériences. Marjane s’inscrit aux Beaux-Arts de Téhéran. Les règles sont strictes : les cours de nu sont interdits et les modèles posent voilés. Excédée, Marjane repart, cette fois pour la France. Et plus précisément à Strasbourg où elle entre à l’École supérieure des arts décoratifs.
Après ses études, elle décide de s’installer à Paris et fort heureusement car tout débutera pour elle à ce moment là. En effet, en arrivant à Paris elle rencontre Christophe Blain qui la fait rentrer à l’Atelier des Vosges, célèbre repère des grands noms de la bande dessinée d’aujourd’hui. Elle y croise David B, et lui raconte « ses histoires de famille, d’ancêtres exécutés, d’oncles suicidés, de coups de fouet, bref un certain quotidien de l’Iran contemporain ». En entendant ces histoires, David B. lui demande ce qu’elle attend pour les raconter en bande dessinée… Résultat en novembre 2000 : sa première BD autobiographique, « Persépolis » (Ed. L’Association), est le best-seller de sa maison d’édition, 3 autres tomes suivront ainsi qu’une édition intégrale en 2007 ou plutôt un monovolume car «À L’Association, on n’aime pas beaucoup le terme d’intégrale ». Politiques, dramatiques, satiriques mais avant tout drôles et décalées, les BD Persépolis, parlent sans détours d’un quotidien que l’on imaginait pas (ou que l’on ne comprenait pas) et qui vous touchent en plein cœur.
Par le biais de ces BD puis du film, Marjane voulait faire découvrir son pays, sa culture et leur évolution comme elle le révèle lors d’une interview accordée au Middle East magazine en avril 2002 : « J’ai voulu mettre au clair un certain nombre de choses. Quand je suis arrivée en France, j’ai rencontré tant de gens qui me disaient : “Vous parlez arabe ? » … Tant de gens ne font pas la différence entre les Arabes et les Iraniens. Ils ne savent rien de notre culture millénaire. Les gens ont la mémoire courte : ils croient que notre pays a toujours été un pays d’intégristes, que la femme n’a aucune place dans notre société, et que toutes les femmes iraniennes sont des corbeaux hystériques. En fait, nous les femmes iraniennes, on n’est pas des mauviettes : la femme de ménage de ma mère est loin d’être opprimée : elle a mis son mari à la porte. Et moi-même, combien d’hommes j’ai giflé dans la rue après m’être fait insulter… Même pendant les années les plus terribles de la Révolution islamique, les femmes ont porté des armes… »
L’histoire racontée par Marjane, nous en apprend plus sur l’Iran passée et contemporaine que beaucoup d’autres livres plus sérieux…
Le film Persépolis, sorti officiellement en juin 2007 pour le public, a connu le même succès retentissant que la BD. En effet, le film fut autant reconnu par la critique que par le public. En compétition en Sélection Officielle au 60ème Festival de Cannes en 2007, Persépolis gagna le Prix du Jury ! La projection de gala le 23 mai après-midi s’est terminée par vingt minutes de standing ovation devant une Marjane Satrapi en larmes. Catherine Deneuve a dénoué de ses cheveux des fleurs de jasmin, pour les mettre dans le décolleté de Marjane Satrapi, en hommage à la grand-
mère de cette dernière, qui sentait toujours bon grâce à ce petit secret : mettre du jasmin dans son soutien-gorge.
Forte de ces succès, de cette vie tumultueuse racontée et partagée, Marjane, la petite fille de 10 ans, qui a tout vécu, une guerre, une révolution, un changement de régime, l’exclusion, la répression mais aussi des moments de bonheurs familiaux comme par exemple avec cette grand-mère pour le moins originale et attachante, et bien cette petite fille peu banale de 10 ans a bien grandit pour aujourd’hui nous laisser une page entière de son histoire liée à celle de son pays. Une page éternelle. Aujourd’hui Marjane vit à Paris et croule sous les projets divers. Par exemple elle a co-écrit des paroles du titre Poney Rose avec Philippe Katerine, pour l’album Glamour à mort d’Arielle Dombasle. Depuis 2009, elle travaille également à l’adaptation au cinéma, avec son complice de Persépolis Vincent Paronnaud, de son livre Poulet aux prunes. Bref, la jeune femme est très occupée et son nom ne risque pas de disparaître, la patte persane de la talentueuse Marjane semble bien encrée dans le paysage artistique français.
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