Imaginons -au hasard- que votre carte d’identité vient d’expirer. Celle que vous supportez depuis dix ans déjà et où on peut vous admirer avec lunettes de vue grossières et appareil dentaire bien en vue. Ou pourquoi pas en version punk, hippie, gothique, etc. (rayez les mentions inutiles). Bref, puisque vous avez enfin l’occasion de tourner la page sur cette période ingrate de votre vie, vous vous décidez joyeusement à refaire votre photo -une dont vous n’aurez bien sûr pas honte-.
Malheureusement, utiliser un photomaton pour se refaire le portrait n’est pas si anodin et on se laisse vite submerger par les difficultés qui ne manquent pas de se pointer. Retour sur un parcours du combattant, qu’il vaut mieux ne pas rater, sous peine de traumatisme persistant pour les années à venir.
Tout d’abord, le choix de la cabine. Quelle importance, me diriez-vous ? Et bien, il vaut toujours mieux en choisir une loin des lieux trop fréquentés. D’accord, la majorité des photomatons étant dans les gares et autres centres commerciaux, ce n’est peut-être pas si évident. Mais en évitant les heures de pointe, on a une chance de ne pas se retrouver avec une file d’attente avant et surtout après. Car dans ce grand moment de solitude, mieux vaut de pas être pressée -ou se faire presser-.
Une fois installée dans l’antre, le rideau soigneusement tiré afin de bénéficier d’une pseudo intimité, vous voici seule avec votre image. Et c’est là que les choses sérieuses commencent. Car bien sûr, la personne qui s’est assise avant vous était soit naine, soit géante, et il vous faut adapter le siège. Vous commencez bien entendu par tourner le tabouret dans le mauvais sens, puis vous testez vingt-six fois la position avant de trouver la bonne.
Enfin installée, vous découvrez avec stupeur sur l’écran vos joues devenues aussi rouges que des tomates et vos cheveux en pétard. Vous prenez une grande respiration et envisagez une retouche maquillage/coiffure, ce qui se révèle délicat au vu de la promiscuité du lieu. Je suppose que vous comprenez maintenant pourquoi il vaut mieux que personne n’attende après vous, sous peine de vous mettre dans un état de stress si intense que vous vous en mettriez la brosse du mascara dans l’oeil.
Enfin parée à être photographiée, vous insérez soigneusement vos pièces dans la machine, parce que vous avez bien entendu eu la présence d’esprit de faire l’appoint avant. Sans quoi, c’est dommage, mais il faudra revenir une autre fois… Quand enfin la machine se met à vous parler, ce qui comble momentanément votre solitude, vous êtes presque soulagée. On y est, c’est le grand moment, sourire dentifrice et clic-clac !
Et non, râté ! Pourquoi ? Tout simplement parce que pour les photos d’identité, le sourire est proscrit. La consigne vous revient trop tard, mais heureusement, en appuyant sur la bonne touche, la machine vous autorise gentiment à retenter. C’est dommage, quand même, parce que vous ressembliez presque à quelque chose. Mais comme on ne rigole pas avec l’administration, on se plie aux règles, et sans broncher, merci.
On se reconcentre alors, on place bien sa tête dans le cadre, pas de mèche de cheveux qui traîne devant les yeux, les lèvres figées, les yeux ouverts et hop, on appuie sur le carré vert. 3, 2, 1… Le résultat est plutôt pas mal, ça ferait largement l’affaire, et vous seriez assurée de ne pas avoir honte la prochaine fois qu’un gentil policier vous demandera vos papiers pour avoir grillé un stop. Mais dans votre tête, ça se dispute. Une petite voix vous conseille de profiter de cette troisième chance qui vous est offerte, tandis qu’une autre, moins téméraire, vous recommande la sagesse en s’arrêtant là.
Le soucis, c’est que vous êtes perfectionniste et vous voulez absolument faire mieux. C’est donc fébrile que vous appuyez du bout des doigts sur le bouton qui vous offre un nouvel essai. Le dernier. Vous êtes tellement concentrée que vous fixez un peu trop l’écran. Le compte à rebours défile, la tension monte, le moment crucial du déclencheur approche et… vous fermez les yeux ! Et c’est le drame. La tragédie. La fin du monde même. La machine vous remercie de l’avoir choisie et vous promet de vous donner vos photos dans quelques secondes.
Encore sous le choc de cette catastrophe planétaire, vous prenez dans vos mains tremblantes votre portrait raté en quatre exemplaires… Tous ces efforts pour rien… Mais, le pire, dans l’histoire, c’est qu’il faudra tout reprendre à zéro lors de votre prochaine tentative. Et qui sait, si vous parvenez enfin à afficher un visage correct, c’est peut-être la machine qui fera des siennes en déformant vos traits ou en mélangeant ses couleurs…
* Cahier de vacances 2010 – Article initialement publié le 29 octobre 2007
4 Comments
Ludmila
9 juin 2012 at 14:16Je déteste ces séances de photomaton, les photos qui sortent de l’autre côté de la cabine comme ça les gens peuvent les voir avant toi (et se foutre de ta gueule) c’est juste du sadisme!!
Céline☼
22 août 2010 at 14:36Effectivement, c’est vraiment horrible de ne plus avoir le droit de sourire, ni de pouvoir se présenter de 3/4, là où on est le plus à son avantage quoi ! ;-)
Je déteste ces séances de photomaton !
Lilith
21 août 2010 at 23:07beuh, sur ma ID ET mon passeport je suis en pleine période rebelle. Et ça c’est trop injuste!
Par contre tu as oublié de préciser : 4 euros pour des photos moches, c’est du vol! Tout simplement.
laurence
20 août 2010 at 12:54alors moi la dernière fois que j’ai voulu me servir du photomaton… il est tombé en panne.. normal me direz vous il a dû avoir peur en voyant ma tête…