Sachez, jeunes gens, que le sport est bon pour votre forme et pour votre santé. Alors courez, sautez, dansez, lancez, rampez et activez-vous, car oui, le sport, je le dis haut et fort, ne muscle pas quand on regarde les autres en faire. La preuve ? J’ai regardé Rolland Garros en mangeant de la glace aux marrons, et étrangement, mes poignées d’amour ont commencé à recouvrir la ceinture de mon pantalon. Pourtant, j’ai regardé le tennis tous les jours.
Chacun a ses propres goûts, les sports d’équipe ou en solitaire, les sports de combat ou de ballon. Mais le Taj Mahal des complexes sportifs reste bien évidemment la salle de sport. Alors, un soir, en sortant du travail à 18h30, même fatiguée, vous regardez les résultats de Rolland Garros sur vos hanches, et vous vous dites que vous feriez mieux d’aller faire un peu de rameur.
Vous sortez du bus, traversez un petit parc, passez devant un Fast Food. Vous sentez les effluves de hamburgers et de frites, et vous hésitez déjà entre des nuggets sauce barbecue, ou une heure de vélo. Mais courageuse et motivée comme vous l’êtes (et surtout en pinçant discrètement votre peau du ventre pour voir si de la cellulite apparaît) vous continuez votre route jusqu’au complexe sportif. Il ne s’agit pas d’une salle de sport classique, car elle est située dans un hôtel où tous les soirs, les danseuses de cabaret s’obstinent à faire leur show ; détail qui peut paraître futile mais qui a toute son importance par la suite.
Vous rentrez dans les vestiaires votre sac à main sous un bras et votre énorme sac de sport sous l’autre. Vous reluquez vos collaboratrices sportives, tentant tant bien que mal de vous convaincre que vous n’êtes pas si mal que ça. Vous vous changez ainsi à côté d’une femme plus âgée, plus cellulitée, plus petite et plus ronde que vous…
Toute revigorée et entièrement décomplexée, vous vous dirigez vers les vélos, des mangas sous le bras, le lecteur MP3 dans la poche et le casque sur les oreilles. Vous mettez votre serviette à fleurs autour du cou. Vous retroussez les manches de votre tee-shirt trop large que votre correspondante américaine vous avait offert. Souvenez-vous, elle l’avait brandi fièrement, ce bout de tissus XXL vert bouteille, un cheval blanc floqué sur le devant, la mascotte du lycée Bishop Brossart…
Vous grimpez ensuite sur le vélo, après avoir tant bien que mal réglé le niveau de la selle, qui avouons-le n’est toujours pas à la bonne hauteur. Vous réglez le programme : 23 ans, 6… kg, 1h et mode « montagnes ». Vous commencez à pédaler. Vous vous regardez dans le miroir, car oui, dans toute salle de sport qui se respecte, il y a des miroirs face à vous qui n’ont de cesse de vous répéter : « tu as encore du boulot ma belle ! ».
Vos cheveux vous collent à la nuque, vous êtes rouge, vous transpirez à grosses gouttes, vous êtes essoufflées et s’il y a bien deux mots qui ne vous viennent pas à l’esprit à ce moment-là, ce sont « sensuelle » et « sexy ».
Vous encouragez votre cerveau sur le point de céder à l’appel du ventre qui gargouille, quand les danseuses du cabaret entrent dans la salle. Cernée par des mini shorts moulants et des brassières transparentes, vous continuez à pédaler. Vous lisez votre manga afin d’éviter de les regarder, mais c’est plus fort que vous, au bout de vingt minutes, vous ne pouvez plus retenir vous globes oculaires, irrémédiablement attirés par leurs gestes gracieux, le grain de leur peau si fin, leurs jambes fines et musclées, leur poitrine ronde et ferme… N’insistons pas, c’est trop cruel !
Vous êtes rouges tomate, elles ont un teint de pêche. Votre tee-shirt XXL vous colle à la peau tellement vous suez, leurs brassières et leurs mini shorts mettent en valeur leurs formes sensuelles. Elles sont admirablement coiffées, pas un cheveu ne bouge, rien ne dépasse, et vous, vous continuez à pédaler, vos cheveux collés sur le front. « Pourquoi gloussent-elles en me regardant ? Si, je vous assure mes cheveux ne sont pas gras, ils sont simplement mouillés ! »
Elles sont sexy et vous, vous continuez à peiner. Tous les regards sont fixés sur elles. Elles transpirent et s’essuient le visage comme si elles étaient danseuses dans un clip des Pussycat Dolls. Les hommes ont la langue pendante et le sourire niais et envieux. Les filles sont jalouses et vous vous n’avez qu’une seule envie : partir. Et bizarrement, c’est ce que vous faites. Et entre nous, vous avez bien raison.
Vous repassez brièvement par les vestiaires. Vous décidez que vous vous changerez chez vous, ça sera plus rapide (et surtout vous ne croiserez aucune de ces petites poupées parfaites). Vous longez le fast food, et ni une ni deux, vous entrez, commandez un hamburger, un cornet de frites et une glace ou goût caramel. Vous vous empiffrez et mangez à la vitesse mac 6, car plus vite on finit notre repas, plus vite on oublie à quel point il était gras.
Chez vous, vous vous affalez sur votre canapé et regardez les Jeux Olympiques de Pékin. Regardez cette escrimeuse, elle n’est pas très musclée, elle est même assez enveloppée. Mais elle paraît en excellente forme. Vous décidez alors que vous vous inscrirez à un cours d’escrime. Quoi qu’il en soit vous avez encore de la marge avant de vous lancez comme sumotori, sinon vous ferez du tennis de table, c’est du sport aussi après tout ! Et le sport, c’est bon pour la santé !
* Cahier de vacances 2010 – Article initialement publié le 25 août 2008
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