Presque midi, la faim vous guette… Il est grand temps de quitter le bureau pour une pause bien méritée, signe de détente et de saine alimentation. Encore que ! Comme tous les jours, votre rédactrice en chef tyrannique votre emploi du temps de ministre ne vous laisse tout au plus qu’une vingtaine de minutes pour casser la croûte. Alors espérer manger équilibré pendant cette pause chronométrée relève de la gageure. Comme tous les jours…
Lundi. Pas le temps. Vous décidez de parer au plus pressé en descendant au bar du coin. En parlant de coin, c’est un regard en coin que vous décrochent tous les habitués de cette taule. Habitués à boire leur demi, oui. Habitués à voir quelqu’un d’overbooké, portant autre chose qu’une tenue de travail « réglementaire », non. Courageusement, vous parcourez la distance qui vous sépare du comptoir, où un individu à l’air rogue vous accueille d’un « elle veut quoi, la p’tite dame ? ». Le service n’est pas des plus rapides, vu que le patron profite de son activité pour refaire le monde avec Robert, qui en est approximativement à son quatrième verre de Beaujolais. Lorsque vous ressortez de l’établissement, vous constatez avec effroi qu’il a fallu un quart d’heure pour que votre commande soit traitée. Vous ressortez en courant et engloutissez votre jambon-beurre en montant quatre à quatre les escaliers qui mènent à votre bureau.
Mardi. Pas le temps non plus. Suite à votre mésaventure de la veille, vous décidez de vous orienter vers des sandwicheries de chaîne. Vous espérez que l’organisation à l’échelle de tout un pays fera poindre chez les employés un soupçon de culture stakhanoviste, ce qui vous permettrait de manger ailleurs que dans la cage d’escalier. Bon. Vous avez le choix entre jambon-beurre ou jambon-emmental. Choix cornélien s’il en est. Après avoir joué à pile ou face, vous repartez avec un des deux (vous avez déjà oublié lequel). Comme espéré, vous constatez qu’il vous reste un royal quart d’heure pour votre repas. Vous vous asseyez donc sur la margelle de la fontaine de la place juste-à-côté-d’où-vous-bossez dont vous-ne-connaissez-pas-le-nom vu que vous vous en fichez, posez votre sac par terre devant vous et profitez du soleil. Ravie de votre pause, vous commencez à chiffonner le papier autrefois destiné à envelopper vos victuailles, lorsqu’arrive l’instant vexant. Une pièce de vingt centimes tombe à vos pieds, juste devant votre sac. C’est un passant qui vous a prise pour une SDF. Mais bon sang, ces truffes ne sont pas capables de reconnaître un bagage pouilleux d’un sac Paul Smith, vieilli VOLONTAIREMENT !?!
Mercredi. Toujours pas le temps. Cette fois, vous voulez vous asseoir dans un restaurant. Seulement, comme d’habitude, l’heure tourne. Alors vous optez pour le bar à wok. Vous composez votre pitance (crevettes, riz, légumes et sauces piquante). Le tout est prêt en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Vous voilà prête à déguster. Maintenant, il s’agit de trouver une place. Le plus agréable ? Derrière la vitrine, où vous pouvez profiter de la vie du quartier. Malheureusement, les quatre pauvres tabourets sont déjà pris d’assaut. Ne reste plus qu’un endroit, pas trop loin des fourneaux, face au mur. En désespoir de cause, vous vous y installez, tout en pestant contre la chaleur de la plaque électrique voisine et le mur situé à moins de dix centimètres de votre nez. Par contre vous êtes ravie de manger chaud pour la première fois de la semaine. C’est chaud et même copieux ! Pour preuve, cela fait dix minutes que vous tapez dans votre portion et vous ne voyez toujours pas descendre le niveau. Déjà en retard, vous laissez là le reste et filez à votre office.
Jeudi. Pas le temps, encore. Cette fois vous faites classique. Fast-food. Bon, il ne faut pas en abuser non plus mais une fois dans la semaine… Pas de problème pour la commande, vu que les bornes à carte bancaire vous assurent un service ultra-rapide. Ainsi, vous êtes assurée de rencontrer le moins de monde possible, susceptible de vous faire culpabiliser sur la composition de votre menu. Vous mangez aussi vite que votre repas est peu équilibré et sortez pour retourner au turbin. Seulement, à peine la porte refermée, vous croisez cette pimbêche de Lorraine, qui vous fait remarquer votre tour de taille. Vous tentez de bredouiller que vous avez mangé une salade mais elle n’est pas dupe. Alors vous partez précipitamment en disant que vous êtes en retard (ça, c’est vrai).
Vendredi. Vous n’avez pas le temps, mais vous avez l’expérience ! Aujourd’hui, changement de tactique, vous faites livrer directement au bureau. Dans le champ des possibles, vous éliminez bien vite la pizza, pour cause de regard accusateur de vos collègues (la remarque de Lorraine hier vous reste toujours en travers de la gorge). Ce sera donc sushi. Vous vous y êtes donc prise à l’avance. Comme vous êtes la seule à rester ce midi, votre chef vient même parler de votre future augmentation… Jusqu’au moment où, dans l’euphorie, un geste maladroit vous fait bêtement renverser votre San Pellegrino sur le clavier de l’ordinateur. Vivement ce soir !
* Cahier de vacances 2010 – Article initialement publié le 29 septembre 2008
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