Figure emblématique du rock français, Noir Désir s’est formé dans les années 1980 à Bordeaux. Sa composition est assez instable jusqu’en 1985. Ses membres sont alors Bertrant Cantat, au chant, Denis Barthe à la batterie, Serge Teyssot-Gay à la guitare et Frédéric Vidalenc à la basse. Ce dernier sera remplacé par Jean-Paul Roy en 1996.
Pour définir la musique de Noir Désir, on peut bien sûr évoquer la beauté des mots, l’efficacité rythmique, le côté torturé de nombreuses chansons, la poésie des textes. Et surtout l’incroyable voix de Bertrand Cantat qui nous transporte dans son univers si singulier, tantôt révolté, tantôt passionné. Rares sont les artistes capables de maitriser une si large gamme de sentiments et de les exprimer avec une sensibilité souvent troublante. Mais finalement, il suffit surtout d’écouter leurs albums pour comprendre que la musique parle d’elle-même.
« Où veux tu qu’je r’garde » (1987) :
Premier opus de Noir Désir, il ne contient que six titres. Pourtant, l’album est prometteur et déjà représentatif de ce que fera le groupe par la suite. Les influences des grands poètes français est flagrante, tout comme celle de la musique anglo-saxonne.
A écouter : « Toujours être ailleurs » – « Pyromane » -« La rage »
« Veuillez rendre l’âme (à qui elle appartient) » (1989) :
Première reconnaissance majeure pour le groupe avec le single « Aux sombres héros de l’amer ». L’album sera très bien accueilli et pour cause. Avec ses onze chansons, « Veuillez rendre l’âme » confirme le chemin emprunté par Noir Désir avec « Où veux tu qu’je r’garde ». La musique gagne en efficacité, Bertrand Cantat s’affirme et aiguise sa plume. C’est ainsi qu’on découvre des morceaux plus poussés comme « Les écorchés » ou « A l’arrière des taxis ». Et puis, impossible d’évoquer cet opus sans mentionner « Sweet Mary ». Cette sixième piste n’est pas vraiment connue. Pourtant, on entre avec elle dans un univers plus complexe, avec ses notes de piano douloureuses qui accrochent le coeur et la voix de Bertrand Cantat qui le fait défaillir. On sort moins indemne des chansons, et la suite restera dans cet esprit…
A écouter : « Sweet Mary » – « Les écorchés » – « The Wound »
« Du ciment sous les plaines » (1991) :
Deux ans après « Veuillez rendre l’âme », Noir Désir garde sa ligne de conduite et renforce ce qu’il a mis en place. Malheureusement, l’album ne suscitera pas le même intérêt et restera le moins connu du groupe. C’est bien dommage et on mettra de côté toute notion de succès pour se concentrer sur les chansons qui n’en sont pas moins bonnes ! En effet, l’opus contient de nombreux morceaux à l’efficacité indéniable, comme « Pictures of Yourself », « No, no, no » ou encore « The Holy Economic War ». Les productions en français ne sont pas en reste, comme le célèbre « En route pour la joie » et « Tu m’donnes le mal ». Beaucoup de très bons morceaux qui auraient mérité plus de reconnaissance à l’époque…
A écouter : « Pictures of Yourself » – « Elle va où elle veut » – « The Holy Economic War »
« Tostaky » (1992) :
Qui n’a jamais entendu la célèbre chanson « Tostaky » ? Avec son riff de guitare endiablé, c’est sans doute l’un des morceaux les plus connus du groupe. Pourtant, avant la sortie de l’album, l’avenir était assez incertain pour Noir Désir, le groupe s’étant séparé le temps de retrouver le bon équilibre. Finalement, les choses se sont remises en place d’elles-mêmes et le quatuor a donné naissance à douze chansons particulièrement réussies. Si l’opus contient des pistes presque tranquilles, comme « Marlène », « Oublié » ou le lancinant « Lolita nie en bloc », c’est aussi celui qui contient les plus ‘révoltées’, à l’image du sombre « It spurts », qui tient sa beauté de sa violence, ou encore « Sober song » qui brille par son malaise torturé.
A écouter : « It Spurts » – « Sober Song » – « Marlène »
« 666667 Club (1996) :
Aussi rock mais beaucoup moins noir que « Tostaky », « 666667 Club » offre un virage intéressant pour le groupe qui accepte enfin sa médiatisation lors des succès d' »Un jour en France » et « L »homme pressé ». Cette dernière chanson sera d’ailleurs récompensée par une Victoire de la Musique (chanson de l’année) en 1998. Désormais plus engagé que révolutionnaire, le groupe gagne en maturité et leur musique n’en reflète que mieux la société dans laquelle ils évoluent. « Un jour en France » s’insurge contre la montée de l’extrême droite, « L’homme pressé » brosse un portrait peu flatteur de l’homme d’affaires capitaliste et de la montée de la mondialisation. L’aspect politique est donc indissociable de cet album, on le retrouve également sur des titres comme « Comme elle vient » ou « Fin de siècle ». Mais, ce n’est pas la thématique exclusive et on appréciera des chansons plus posées comme la magnifique « A ton étoile » ou encore « Ernestine » joliment accompagnée par un violon.
A écouter : « L’homme pressé » – « A la longue » – « Prayer for a wanker »
« Des visages, des figures » (2001) :
A ce jour, c’est le dernier album studio du groupe. Ironie du sort (ou pas), il est paru le 11 septembre 2001… Cinq ans après « 666667 Club », le groupe bordelais revient avec un disque moins enragé, moins sombre aussi. Bertrand Cantat ne torture plus sa voix, ses textes sont plus calmes et retrouvent le charme poétique des premières compositions, la maîtrise en plus. Le son est magnifiquement soigné, harmonieux. On s’en rend notamment compte sur des morceaux comme « A l’envers, à l’endroit » ou la superbe collaboration avec Manu Chao « Le vent nous portera ». Les rares éclats de voix (tout est relatif…) se retrouvent sur « Son style 1 » et « I’m lost », avec sa partie accélérée et sa guitare en transe. L’ambiance musicale est finalement une des seules à refléter une certaine gravité, qu’on retrouve avec « L’appartement » ou encore « Bouquet de nerfs ». Le travail instrumental est aussi admirable sur la mise en musique d’un texte de Léo Ferré, « Des armes ». Pour finir, comme c’est la dernière piste de l’album, parlons de l’étonnante « Europe », en duo avec Brigitte Fontaine. Si le morceau déstabilise par sa durée (plus de 20 minutes), il mérite qu’on s’y attarde, entre les messages hallucinés de Brigitte Fontaine, évoquant ceux diffusés à la radio par les résistants lors de la Seconde Guerre Mondiale et les paroles très critiques vis à vis de l’Union Européenne, en pleine construction, interprétées par Bertrand Cantat.
A écouter : « Le vent nous portera » – « Lost » – « A l’envers, à l’endroit »
Si on doit se contenter de ces six albums pour évoquer le répertoire studio de Noir Désir, on ne peut pas passer à côté des albums « live » du groupe, qui donnent souvent une autre dimension aux morceaux. Pour ne pas se perdre dans un baratin inutile à leur égard, je vous invite simplement à écouter les chansons citées ci-dessous, en espérant que vous saurez les apprécier !
« Dies Irae » (1994) :
A écouter : « Les Ecorchés » – « The Holy Economic War » – « What I Need »
« En public » (2005) :
A écouter : « Des Armes » – « Comme elle vient » – « Ce n’est pas moi qui clame »
« En route pour la joie » (2000) :
Et si finalement vous hésitez encore à vous pencher sur ce célèbre groupe, je ne peux que vous conseillez « En route pour la joie », compilation de leurs meilleurs titres, de pistes rares, de faces B et de morceaux live. C’est peut-être ce qui peut donner le meilleur aperçu de la carrière d’un groupe qui a su évoluer, se remettre en cause pour rester intègre tout en s’adaptant à la réalité (notamment par rapport à la société). Mais quelque soit l’album, l’époque, le résultat reste le même : une qualité indéniable, une touche musicale reconnaissable à des kilomètres, la beauté des mots, la poésie des textes et cette rage… Une rage exprimée admirablement, que ce soit par la voix de Bertrand Cantat, le rythme ou les paroles…
A écouter : « Twillight Zone » – « Ces gens-là » – « Back to you »
Même si certains évènements tragiques (à dissocier du plan musical…) ont pu mettre à mal le groupe, il semblerait qu’un album studio puisse voir le jour dans un futur proche… C’est tout ce qu’on souhaite à ce formidable groupe, peut-être le plus marquant de l’histoire du rock français…
* Cahier de vacances 2010 – Article initialement publié le 25 août 2008
Mise à jour du 30 novembre 2011 : Denis Barthe l’a confirmé, suite au départ du guitariste Serge Teyssot-Gay, Noir Désir n’est plu. Une bien mauvaise nouvelle pour les fans…
1 Comment
laurence
16 juillet 2010 at 9:36The groupe ! je les ai vu à leurs débuts (normal je suis de Bordeaux), ils étaient déjà très bons, ensuite ils sont devenus carrément géniaux… et ils le sont toujours, moi aussi j’espère et j’attends la suite, parce qu’il faut une suite, Noir Dez c’est des mots, une musique, des sensations et c’est si bon !
Merci Nelly pour ce beau portrait.