Joanna Caroline Newsom, née en Californie il y a à peine plus de 28 ans, a commencé à jouer de la harpe à huit ans (mais raconte qu’elle voulait jouer de cet instrument dès ses deux ou trois ans). Elle se débrouille aussi pas mal avec un piano et d’autres instruments, mais sa modestie lui fait dire que le seul instrument dont elle sait bien jouer est la harpe. Et même dans cette déclaration elle est trop modeste, Joanna fait plus que bien jouer de la harpe, elle innove, recherche, expérimente et petit à petit rend cet instrument accessible.
C’est en 2002 que Joanna Newsom enregistre ses premières compositions, sans intention de les vendre Walnut Whales et Yarn and Glue seront tout de même distribués à quelques exemplaires lors de ses premiers concerts. Un de ces disques tombera dans les mains de Will Oldham, a.k.a. Bonnie ‘Prince’ Billy qui, impressionné par ces compositions, l’invitera à faire ses ses premières parties et l’aidera à obtenir un contrat avec le label Drag City.
C’est ainsi qu’en 2004 parait son premier album The Milk-Eyed Mender produit par Noah Georgeson (qui l’avait déjà aidé à enregistrer ses deux premiers EP). Ce disque entre rapidement dans la liste des albums favoris des critiques musicaux qui la découvre à cette occasion. Mais mis à part la presse spécialisée, le succès n’est pas vraiment au rendez-vous. Peut-être est-ce du à cet instrument inhabituel, ou à cette voix, toute aussi inhabituelle, parfois même qualifiée de « crispante ».
C’est avec le surestimé Ys sorti en 2006 que Joanna Newsom commencera à se faire un nom. La présence de Van Dyke Parks aux arrangements et de Steve Albini à l’enregistrement lui aura valu, un, d’être écouté par un public un peu plus conséquent que celui auquel elle s’adressait précédemment, deux, d’excellentes notes et critiques (certainement attribuées et rédigées avant même d’avoir écouté les cinq chansons que composent cet EP). Le résultat est finalement décevant car il ne colle pas à l’artiste, mais au moins Joanna est là, bien installée dans un paysage musical où la harpe manquait, sans que l’on s’en rende compte.
Son triple album Have One On Me est sorti le 23 février 2010
Sortir un triple album en cette période de vente à la découpe est une action rebelle ou stupide, peut-être les deux. L’industrie culturelle incite les artistes à être visible à chaque instant. Ils doivent présenter leur production au fur à mesure du processus de création, en venant à détruire la structure même de l’œuvre qu’ils créent. Un album doit-il être une succession de single déjà entendus, commentés, analysés avant la sortie de l’album, parfois avant même l’écriture des autres singles qui constitueront cet album ?
La tendance actuelle est de répondre oui, car le constat est simple : le concept, l’idée, de l’album est en train de mourir sous nos clics frénétiques sur les différentes plateformes de vente à la découpe.
Cela m’attriste un peu, mais les modes de consommation évoluent (pas toujours dans le bon sens) et c’est bien naturel.
Et il y aura toujours des artistes stupides et rebelles pour continuer à faire ce travail à haute valeur ajouté qu’est la recherche d’un fil conducteur sur 60 à 70 minutes, d’une cohérence entre une douzaine de chansons.
Joanna pousse même le bouchon un peu plus loin avec Have One On Me, 3 disques, 18 chansons, 2 heures de musique, des titres d’une durée moyenne de 6 minutes. Joanna reprend sa position en marge du système et fait oublier les ornements de Parks en travaillant en collaboration avec Ryan Francesconi qui trouve juste les bons arrangements correspondant à l’univers lyrique, romantique et subtil de la harpiste.
Have One On Me peut paraitre prétentieux au premier abord, mais il n’en est rien, la force de Joanna Newsom est d’avoir sorti un album qui plaira autant à ses fans de la première heure (qui pourront être surpris par le changement de voix de la chanteuse) qu’il plaira à de nouveaux auditeurs.
Drag City : www.dragcity.com
Écouter en concert : www.npr.org
2 Comments
Daniel Chalaye
2 avril 2010 at 18:43Merci saab, je suis content que tu sois enfin tombée sous son charme (je parlerai plus d’un album en 3 parties, mais je te rejoins complètement sur le « chef d’oeuvre »)
saab
30 mars 2010 at 8:12Article très pertinent, avec cet album Joanna Newsom a gagné une nouvelle amatrice de son art, j’avais bien aimé le premier, presque détesté le second mais ce troisième opus qui regroupe ces 3 ep’s est vraiment exceptionel, elle touche carrément au chef d’oeuvre et je trouve sa démarche artistique culottée, je suis contente qu’il y ait encore des artiste comme elle !