Nous voilà donc rendus au dernier jour de ce festival de la BD d’Angoulême. Il nous restait encore pas mal à voir et un peu à rencontrer…
Hier matin, nous avons commencé la journée au théâtre, pour une conférence de Schuiten & Peeters. Enfin, conférence… Le terme est-il réellement approprié ? Il valait mieux parler se spectacle, puisque les deux auteurs nous y ont raconté une histoire, celle de leur dernier album, Souvenir de l’Eternel Présent.
Assis à une table, ils racontaient l’album, leur propos étant appuyé par des projections d’images sur grand écran. Le théâtre était comble pour ce rendez-vous. Mais lire ou s’entendre raconter Souvenirs de l’Eternel Présent, quelle différence, me direz-vous ? Elle est énorme, le discours des deux auteurs permettant de donner une toute autre dimension au récit.
Il y a toutes ces anecdotes, toutes ces particularités de Taxandria, qui ne sont pas forcément développées dans les cases de l’album. On y apprend qu’on reconnaît une ligne de tram à son tireur (oui, toutes les lignes de tram portent le même numéro 81 à Taxandria), comment il peut y avoir des coupures de réseau dans les lignes de téléphone humain, l’organisation du palais de justice dans l’ancienne cathédrale, la présence des tailleurs de pierre qui, à longueur de journée, transforment les stalagmites issues du Grand Cataclysme en colonnes corinthiennes et mille autres choses qui font tout le sel de cette ville, cette nouvelle Cité Obscure qui vient enrichir la célèbre série de Schuiten & Peeters.
Mais il convient de préciser que Taxandria n’est pas issue de la seule imagination de ces deux architectes de la BD franco-belge. En effet, à l’origine est un projet de film signé Raoul Servais, devant mêler acteurs réels et décors dessinés. C’est là qu’est intervenu François Schuiten. Au fil des années et de l’avancée du projet, celui-ci a été tiraillé entre difficultés d’une technologie de réalisation qu’il fallait inventer au fur et à mesure, et divergences d’intérêt, dus à un budget conséquent, obligeant Taxandria à devenir plus grand public que ce qu’il devait être au départ. Au final, Taxandria, sorti au début des années 1990, n’a plu à personne, par la faute d’un scénario qui avait perdu toute sa dimension critique.
Epuré par Schuiten & Peeters, il revient sous la forme d’un conte fantastique, dans tous les sens du terme. L’imagination et une lecture à plusieurs niveaux font de cet album un grand cru. Et le spectacle, encore plus.
Non, nous n’avons pas déjà quitté Angoulême pour retrouver Paris et le Centre Georges Pompidou. Cette drôle de chaise-cerf fait partie de l’exposition Fabio Viscogliosi, présentée dans un bâtiment proche du Conservatoire.
Si le bâtiment et les pièces sont un peu étroits face au monde qui envahit ces derniers jours de festival, on y découvre des dessins et sculpture déroutants, issus d’un univers fantastique rappelant le monde du conte.
Les pièces d’après présentent 250 dessins de Blutch, dessinateur qui a créé l’affiche de cette 37° édition du festival de la BD d’Angoulême. Pas de planches originales, Blutch a voulu mettre le dessin à l’honneur pour son exposition.
Celle-ci fait état d’une diversité graphique assez impressionnante, qu’il s’agisse des thèmes ou même du style de dessin. On a du mal à croire que c’est le même dessinateur qui a signé des personnages pour les éditions Fluide Glacial et qui a dessinés ces nus.
Mais s’il y avait une expo qui a fait du bruit pendant ce festival, c’est celle consacrée au fameux génie Léonard. Située un peu à l’écart (en bas, dans le bâtiment Castro sur les bords de la Charente), son image rayonnait partout sur le festival.
D’une part, parce qu’il n’était pas rare de croiser Léonard et son disciple Basile dans les rues d’Angoulême.
Ensuite, parce que la déco du stand Le Lombard faisait aussi honneur au fameux génie. Et enfin parce que les maillets gonflables offerts par l’édition. Quant à l’expo en elle-même, on y trouve des animations, des inventions grandeurs réelles et des planches originales, qui montrent que le dessin est bien plus fouillé que ce qu’on pourrait croire au premier abord. Mais pour nous en parler, rien de tel qu’une rencontre avec les deux auteurs, Turk et De Groot.
Comment a germé l’idée de cette expo et quelle a été votre part dans son élaboration ?
Déjà, je voudrais féliciter les deux concepteurs qui sont Xavier et Monique Dumont. Ils ont été d’un courage et d’un enthousiasme incroyables. Quand on leur montrait une invention de Léonard, ils voulaient la réaliser dès qu’ils la voyaient ! L’exposition est remarquable et je ne dis pas ça pour Léonard. Ils ont réussi à réaliser un tromblon plus vrai que nature, avec cette sortie évasée et une crosse en bois pour lui donner une crédibilité historique. Et la scénographie est extra. Dès l’entrée, les groupes sont accueillis par trois acteurs, qui sont Leonard, Basile et Mathurine. A l’inauguration, avec le Haut Commissaire et le Ministre des transports, ils ont été totalement pris au jeu. Ce sont eux qui criaient le plus fort « Debout Disciple ! »
Après près de quarante albums, que représente le personnage de Léonard pour vous ?
C’est un personnage qui me fait extraordinairement plaisir. Il me fascine en tant que personnage de BD. J’ai une théorie à ce propos, mais qui n’a jamais été avérée et à laquelle personne ne croit. Ca serait que le vrai Leonard de Vinci était en réalité un type qui a vécu en l’an 3000 et qui a ramené en arrière des inventions bien connues à son époque. En fait, c’était un fumiste. Pour en revenir à Leonard, il y a des fois où je me lève très tôt. Je me lève toujours tôt mais parfois à 4h du matin et là, je me dis « il n’est pas encore temps de m’amuser ». Je n’ose même pas employer le mot travailler.
Est-il difficile de trouver encore des idées de scénario pour Léonard ? L’actualité est-elle un ressort, comme c’est le cas avec le thème du développement durable pour l’expo ?
J’ai des revues scientifiques, qui me servent d’inspiration. De temps en temps, je note des sujets intéressants dans plusieurs numéros d’affilée. Mais il arrive que je n’en utilise aucun, si on ne peut rien en tirer de drôle ou d’assez torturant pour Disciple.
Comment Léonard et son disciple ont-ils évolué au cours des albums ?
Quand on monte une pièce, et que les personnages sont en scène, on ne les contrôle plus vraiment. Ils nous échappent un peu et prennent une importance différente au fil des scénarios. C’est pareil pour nos personnages. Par exemple, dans Robin Dubois, si j’avais su l’importance qu’allait prendre le personnage du shérif, j’aurais appelé cela Nottingag !
Parlons d’un autre personnage que vous avez animé ensemble, Clifton. Comment s’est passé la reprise après Macherot ?
Déjà, on avait une trouille terrible. Mais on a fait confiance à Grag, notre rédac chef à l’époque, qui nous disait qu’on pouvait le faire. S’il le disait, c’est qu’on le pouvait. Mais si on m’avait dit à l’école qu’un jour je reprendrais un série culte comme l’était Clifton, je ne l’aurais jamais cru. Et un jour on a eu un coup de fil de Macherot, qui nous a dit qu’il était content qu’on ait repris la série et de comment on l’avait reprise.
Avez-vous le sentiment d’avoir changé l’univers, le caractère des personnages de Clifton ?
Non, en fait on ne s’est pas posé la question. Je pense qu’en BD il faut faire son humour et ne pas chercher à plaire à tout prix. Par exemple, pour Robin Dubois, cela a pris du temps avant que le personnage ne s’impose. Mais l’avantage des prépublications, c’est que quand les gens achètent l’album, ils savent à quoi s’attendre. Et c’est là que le succès de Robin Dubois a commencé.
Voilà donc l’interview qui clôt nos reportages sur ces quatre jours de festival de la BD d’Angoulême. Le mot de la fin seront plutôt les images de la fin, avec quelques photos de l’hôtel de ville. Si la salle des mariages, convertie en salle de presse pour l’occasion nous a servi de QG pour vous abreuver en interviews et visites grâce à sa connexion wifi, la vue extérieure du bâtiment n’en est pas moins intéressante. A la nuit tombée, on y voit en effet des projections lumineuses pour bédéphile avec notamment quelques dessins de Blutch, rappelant l’affiche du festival. Petit florilège…
3 Comments
Nicolas Meunier
3 février 2010 at 23:23>laurence : Merci de ce commentaire ! Je n’ai pas vu Sempé, mais une marée humaine devant l’endroit où il dédicaçait !
Rozéfré
2 février 2010 at 22:01Bonne continuation
laurence
31 janvier 2010 at 18:26Bravo et merci pour ces quatre jours passés au festival de la BD d’Angoulême, en fait on y était… presque !
Avez vous vu les dessinateurs Alfred, et Sempé ?