Littérature

Brigitte Giraud

Brigitte Giraud est née en 1960 en Algérie, et vit dans le Rhône. Après des études d’anglais et d’allemand, elle séjourne plusieurs fois à Londres et revient à Lyon où elle exerce différents métiers (libraire, traductrice, journaliste dans la presse écrite, notamment chargée de critique littéraire), durant une quinzaine d’années, elle a été chargée de la programmation du festival de Bron, importante manifestation littéraire de la région lyonnaise où elle vit aujourd’hui, depuis elle participe à ce salon comme conseiller littéraire. Depuis son premier roman fort et dérangeant « la chambre des parents » en 1997, Brigitte Giraud fait partie des femmes de lettres françaises reconnues pour son talent d’écriture. Elle a publié de nombreuses nouvelles et des textes divers dans différentes revues (NRF, Aube magazine, et a écrit plusieurs romans.

« Rien n’est réel dans mes livres, et rien n’est inventé. Je pars de la réalité, que je module, distors, transforme, en faisant de larges détours. Ce qui m’intéresse dans l’écriture est l’idée du détour. Tout ce dont je parle est inspiré de sensations, sentiments, états, intuitions que j’ai ressentis, éprouvés. »

Brigitte Giraud est un écrivain qui choisit ses mots avec exigence. Elle est attachée aux mots justes, c’est une écriture de justesse avec un agencement et une précision très grande, plus elle avance, plus le travail sur l’écriture se radicalise. Au travers de son écriture on sent l’intérêt de l’auteur par rapport au lien, être en lien avec l’autre, pour elle, l’écriture est un lien avec toutes les étapes de la vie. Brigitte Giraud sait plonger au plus profond des solitudes de l’écriture pour restituer une histoire poignante de vérité. Elle a le génie de la sobriété pour décrire des situations, fine observatrice c’est avec une justesse de ton, sincérité, pudeur, tendresse et lucidité que cet auteur sait exprimer de par son style touchant, la vie. Ses histoires sont des huis-clos, posant la question « Qu’est-ce que c’est de vivre ensemble dans une situation qu’on n’a pas forcément choisie.. ? », des huis-clos également dont le décor, la maison est un théatre passionnant, la musique y est présente et les personnages de Brigitte Giraud ont beaucoup d’élégance dans le désespoir. Brigitte Giraud au travers de ses écrits pose la question de « Comment trouver sa place? Comment vivre ensemble? Comment exister ensemble ? » Tous ses livres ont un ancrage dans le social ou l’historique, son écriture est le point de rencontre entre la vie intime et la vie collective des êtres.

Pour Brigitte Giraud, « écrire, c’est une grande fugue », écrire c’est se battre avec les mots, les phrases, avec le rythme, avec l’idée de distordre la réalité pour en faire sortir quelque chose, une énergie, l’écriture est aussi le seul espace de liberté totale donné face au quotidien. La douleur souvent exprimée dans ses écrits doit être perçue comme une façon d’être pleinement en vie, dans une pleine lucidité face à son destin, la douleur fait partie de la vie, l’écriture est quelque part une façon d’être debout et d’être au combat. Brigitte Giraud poursuit une œuvre très personnelle dans son exploration du monde et de l’être humain. Elle écrit avec une évidence et une pudeur qui donnent ce talent incontestable d’écriture.

« La chambre des parents », ce premier roman, sorti en 1997 et édité chez Fayard, illustre un parricide et a reçu le prix littéraire des étudiants. C’est l’histoire d’un homme qui sort de prison après avoir tué son père et qui a été condamné à 12 ans. Le lecteur va apprendre au fil des pages ce qui l’a construit ou plutôt « déconstruit », ce qui l’a amené à cette situation désespérée. La vérité éclatera dans les toutes dernières pages de ce huis-clos maîtrisé, terrible et magnifiquement humain. Brigitte Giraud a choisi un mode narratif qui navigue entre présent et passé, entre réalité et souvenirs, passant d’un enfermement à l’autre, d’une ancienne « maison prison » à une nouvelle « prison refuge ». Son histoire est celle d’un être impuissant qui se remémore une maison où l’incompréhension, le silence pesant et l’absence d’amour ont fait naître le pire. Alors il écrit en s’adressant à Marianne, (la seule qui l’a aimé), Il écrit pour échapper à la solitude qui l’étouffe et le confine dans un isolement assourdissant de silences et d’évitement. Il écrit pour tenter de (se) comprendre, de remettre les choses en place et d’envisager une vie debout, après la claustration, après cette plongée intense, ténébreuse et courageuse au fond de son extrême solitude. Dans une écriture sobre, Brigitte Giraud fait entendre la voix de cette homme qui doit subir un destin, qui doit vivre avec.

« Nico », sorti en 1999 et édité chez Stock, est une histoire sombre sur la tentation du fascisme pour Nico. L’auteur raconte une dérive intérieure qui conduit à l’irréparable. Laura et son frère Nico tentent de se construire face à un père violent et absent, et une mère, médecin, accaparée par sa situation professionnelle. Nico est un adolescent fugueur, protégé par sa sœur Laura, qui assiste impuissante à sa dérive, en tentant de comprendre qui est ce frère fasciné par les idées d’extrême droite, alors que ses parents se séparent. Au fil des pages, l’indifférence, la violence et l’absence se révèlent dans cette famille où le douloureux apprentissage d’une vie battue, des rapports entre adolescents et parents sont intenses et dramatiques à la fois.

« Marée noire », paru en 2004 et 3ème roman publié chez Stock, est le long monologue d’une femme adressé à un homme inaccessible dont la femme morte hante la mémoire. Linda, qui a deux filles Emilie et Dorothée et dont le père est parti, va tenter de réinventer une famille avec cet homme et son fils Vincent, adolescent, tenter de les apprivoiser et de les sauver du désespoir. Comment trouver sa place sans marcher sur les pas de la disparue, comment vivre avec un enfant meurtri dont on n’est pas la mère, vivre après. En vacances, au bord de la mer, durant quinze jours ces deux êtres vont se chercher, s’observer, s’aimer maladroitement, se mettre à l’épreuve, et peut être envisager une histoire nouvelle. Une marée noire survient qui donne le titre au roman, mais cette catastrophe n’a pas lieu seulement dans la mer. La narratrice restitue avec talent les moindres failles et dérapages de ce huis-clos, où tension, tragédie et souvenirs sont présents et menaçants, elle exprime avec justesse cet équilibre fragile.

« A présent », sorti en 2001, et publié chez Stock a eu le prix Wepler-fondation La Poste. C’ est un récit autobiographique sur la relation à la mort. L’auteur vient d’apprendre la disparition brutale de son compagnon, dans un accident de moto, alors qu’elle était loin de lui. Le roman est le récit des quelques jours entre la mort du compagnon et son enterrement. On assiste au monologue intérieur de cette femme qui nous livre avec pudeur toutes les démarches qui se succèdent à la mort d’un proche. Dans une écriture pudique, l’auteur évite tout misérabilisme et pathos, les mots sonnent justes. Brigitte Giraud écrit simplement avec des mots qui atteignent au plus profond et donnent à ce texte une dimension universelle. Ce court récit est une réflexion sur la manière pour un écrivain de dire la mort : « ne pas dire quelque chose de convenu, de bancal ou de déplacé. Etre à la hauteur de notre histoire d’amour, à la hauteur de la douleur. Ne pas dire la douleur, apprendre à écrire simple, très simple surtout. Pas joli, pas voyant, écrire sans panache, sans ambition, pas littéraire, pas de phrase bien torchée.. écrire sans métaphores… » Ce récit est une leçon de vie, la personne endeuillée comprend qu’elle na pas su profiter de l’instant présent « je découvre aujourd’hui que j’étais heureuse.. j’étais inquiète, angoissée, mais heureuse, pourquoi ne sait on pas ces choses là ? Parce qu’on croit que le lendemain sera mieux, on demande plus, on trouve que le présent est minable comparé à ce qui pourrait nous arriver.. » Avec des phrases courtes, scandées, cette écriture est profondément juste. Brigitte Giraud évite le misérabilisme et l’impudeur, et écrit avec justesse la disparition brutale de l’être aimé sans tomber dans le pathétique. Le livre de brigitte giraud est un voyage étonnant dans les arcanes de la douleur, écrit avec pudeur et sobriété. C’est un livre sur le deuil, sur le présent du deuil et qu’il faut continuer à vivre. Ouvrage courageux et bouleversant car l’émotion est douloureuse et chaque mot pénètre le lecteur, mais Brigitte Giraud mène une réflexion intelligente sans cacher sa colère, sa rage, sa peur, sa culpabilité, sa détresse, son incompréhension et tous ces sentiments qui accompagnent la perte de l’être cher, c’est une bouleversante méditation sur la vie.

« J’apprends », est paru en 2005 aux éditions Stock,est un roman sur la guerre d’Algérie et ses répercussions. Brigitte Giraud présente une histoire simple qui évoque une jeune fille, Nadia, enfant puis adolescente va tenter de découvrir le monde en racontant son univers. Elle vit à Lyon dans une ZUP, avec son père, et la femme de ce dernier, (qui n’est pas sa mère) et qu’elle n’apprécie pas, sa grande sœur et son demi-frère. Ce roman nostalgique évoque le monde des adultes, et les non-dits, les mensonges et celui de l’enfance. Nadia est partagée entre ces deux univers que sont l’école où elle apprend des choses et la maison, et se demande d’où vient elle.

« L’amour est très surestimé », édité en 2007 chez Stock, est un recueil de nouvelles, et a eu le prix Goncourt de la nouvelle 2007. Ce 5ème roman, dont le titre a été emprunté au chanteur Dominique A. que l’auteur affectionne, évoque la fin de la passion au travers de onze voix, onze personnages. Des histoires familières où l’on y retrouve les déceptions, les petits arrangements, la violence aussi, c’est la vie ordinaire des hommes et des femmes qui tentent depuis des siècles l’aventure de l’amour. Ce sont onze nouvelles, parfois très courtes qui racontent la séparation amoureuse. L’auteur analyse avec justesse et concision la perte d’un désir et dit l’essentiel sur la fragilité d’une passion.

« Avec les garçons », sorti en 2009, aux éditions Alphabet de l’espace, vient de l’idée géniale de cette jeune maison d’édition qui privilégie le rapport à l’image sans négliger la qualité du livre offrant au lecteur un dvd inséré dans le livre. C’est une rencontre inattendue entre l’auteur Brigitte Giraud et le musicien multi-instrumentiste mais également auteur de bd et albums jeunesse Fabio Viscogliosi, Brigitte raconte et Fabio joue sa musique sur ses mots. En 67 fragments et une nouvelle, Brigitte Giraud a écrit le journal intime du mouvement amoureux, elle évoque le désir, l’attente mais aussi l’arrachement et la perte. Ce texte a été écrit il y a quelques années, Brigitte Giraud raconte la naissance du premier amour, le bouleversement en soi. C’est l’histoire d’une jeune adolescente qui rencontre un garçon au camping, un été. L’auteur y exprime la douleur et la joie, l’effarement et l’espoir, avec toujours cette justesse dans l’écriture qui sied à cet écrivain. La rencontre a été filmée, une lecture-concert, dans laquelle le musicien adapte sa musique.

« Une année étrangère », est paru en 2009 chez Stock, et a eu le prix du jury Jean Giono. Il a figuré sur la liste du prix Fémina. Laura, 17 ans, part en Allemagne, comme jeune fille au pair et va y affronter la barrière de la langue, les mystères des origines et de la transmission. Lorsqu’une langue vous échappe dès lors que vous ne percevez pas les codes et les modes de fonctionnement d’un groupe d’individus, c’est le monde lui-même qui parait se dérober, vous faire barrage, vous empêcher de vivre. Laura va devoir apprivoiser cette nouvelle vie. L’auteur a été jeune fille au pair en Allemagne au début des années 1980 et a étudié l’anglais et l’allemand à l’université, pour l’auteur, la question de la langue est très importante et dans ce livre elle retranscrit l’idée et le pouvoir des mots. A partir de cette expérience personnelle, Brigitte Giraud livre un roman dont le contexte exprime la barrière de la langue, le dépaysement, le sentiment d’être étranger et la difficulté de communiquer.

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1 Comment

  • Reply
    Cimolaï Jack
    25 décembre 2011 at 16:45

    pour Brigitte Giraud
    je viens de terminer  » pas d’inquiétude » et comme tous vos autres romans que j’ai lu avant votre venue à la médiathèque de Metz en 2010, je ne l’ai pas lâché.
    vous avez l’art de parler de choses « pas gaies » sans que ce soit triste à lire !
    ce livre m’a donné envie de relire cette même histoire mais vu par Lisa qui est là mais qui vit du haut de ses 16 ans cet épisode, et on ne sait pas vraiment comment.
    alors, si (ce que je n’espère pas) vous manquez d’imagination…
    en tous cas merci pour ce livre et vivement le prochain
    bonne année 2012

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