Suzanne Vega… A lui seul, son nom est une invitation au voyage ! Indissociable de son tube « Luka », sensation de l’année 1987 tirée de son album Solitude Standing, la folkeuse a su, au fil de ses réalisations, explorer les nouveaux horizons d’un songwriting franc et intimiste. Une voix chaude et suave pourtant si discrète qu’on oublierait presque que l’artiste fêtera cette année ses 28 ans de carrière, avec un nouvel album à clef : Close-Up Vol.1 : Love Songs. Retour sur une pièce maîtresse de l’échiquier rock qui n’a pas pris une ride !
Fame !
C’est dans la partie hispanique d’Harlem et dans l’Upper West Side de New York que grandit la jeune Suzanne Nadine Vega. Née le 11 juillet 1959 à Santa Monica, ses parents Pat et Richard se séparent peu de temps après sa naissance. C’est donc auprès de sa mère, analyste de systèmes informatiques et de son beau-père, Ed Vega, un écrivain et professeur d’origine portoricaine dont elle prendra le patronyme, que la petite fille grandit dans la culture hispanique. Une culture que la fillette assimile tellement bien qu’elle croit Vega être son géniteur avant que l’on lui révèle la vérité sur ses origines. Avec des ascendances allemande et suédoise du côté de sa mère, britannique, écossaise et irlandaise par son père biologique, celle-ci est la parfaite incarnation du melting-pot à l’américaine !
Dans la maisonnée, les vieux disques de folk, de jazz, de Motown ou de bossa-nova témoignent du même brassage musical. Déjà fine mélomane, la petite Suzanne n’a pas neuf ans lorsqu’elle écrit ses premiers poèmes et à quatorze, celle-ci écrit ses premières chansons. Ses influences vont piocher dans la tradition folk de Bob Dylan, la poésie de Leonard Cohen et la noirceur de Lou Reed, qui lui rappelle tant le quartier défavorisé où elle vit, mais aussi dans les arrangements pop des Beatles. Egalement passionnée par la danse moderne, l’adolescente douée décrochera un diplôme de la prestigieuse High School of Performing Arts (ndlr : la fameuse école d’arts du spectacle de la série « Fame », maintenant connue sous le nom de LaGuardia High School) avant de se spécialiser en littérature anglaise à l’université.
Pour autant la poésie des mots n’a pas quitté le cœur de la jeune fille qui les met régulièrement en musique le soir dans les bars de Greenwich Village. Son talent ravit déjà un public fidèle qui se presse pour voir l’habituée des bœufs improvisés, dont certaines de ses chansons vont avoir l’honneur de figurer sur les albums d’anthologie édités par le magazine musical Fast Folk. Après des années de dur labeur, sa première maquette est enfin acceptée par A&M qui lui propose un contrat en 1984, devenant ainsi la première artiste étiquetée « Fast Folk » a être signée par un label. Le renouveau folk féminin peut désormais commencer !
Marlene sur le mur
Produit par Steve Addabbo et Lenny Kaye, l’ancien guitariste de Patti Smith, Suzanne Vega sort en mai 1985. Une chose frappe déjà sur ce premier album : ses mélodies simples et ses paroles introspectives qui tranchent singulièrement avec l’exubérance des années 80 ! Salué par la critique qui reconnaît que son style s’inscrit dans la plus pure tradition folk, celui-ci jouit d’une certaine popularité aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, en atteignant même la certification platine, avec notamment le clip « Marlene on the Wall ». Beau coup d’essai pour ce titre directement tiré de la propre expérience de la chanteuse, qui interroge l’engagement amoureux tout en prenant pour modèle l’icône Marlene Dietrich dont elle est une immense fan !
Mais c’est son successeur Solitude Standing qui va véritablement la révéler aux yeux du monde. Commercialisé le 1er avril 1987 (eh non ce n’est pas une blague !), le deuxième album contient deux hits en puissance : « Tom’s Diner » et « Luka ». Tandis que le premier narre « a capella » une scène prise sur le vif dans un café, le second évoque le quotidien d’un enfant maltraité sur une musique pop résolument joyeuse. C’est l’adhésion générale pour ce hit hors du commun qui prouve que l’on peut écrire des textes poétiques mais réalistes. On aurait cependant tort de croire que le second a réussi à occulter l’exploit du premier : remixé par le duo de producteurs britanniques dance DNA, « Tom’s Diner » réintègre les charts en pole position, sous la forme que l’on lui connaîtra dès lors. Si on ajoute que le chercheur Karlheinz Brandenburg se sert également de cette chanson comme modèle pour son algorithme de compression pour le format MP3, on mesure l’immense popularité de Vega qui recevra le titre honorifique de « Mère du MP3 » !
Difficile de faire mieux après ce disque de la consécration qui s’impose platine aux USA ainsi qu’au Royaume-Uni et au Canada. Et pourtant, l’artiste arrive à surprendre son public avec le très bon Days Of Open Hand lancé le 10 avril 1990. Combinant des touches expérimentales et une plus grande charge émotionnelle, ses morceaux gagnent une certaine maturité comme le souligne le site Allmusic.com : « les chansons de Vega peuvent être substantielles tout en donnant aux auditeurs beaucoup à réfléchir» (Days of Open Hand – Suzanne Vega). Marqué par l’apport du compositeur minimaliste Philip Glass, celui-ci obtient l’année suivante le Grammy Award de « Meilleur Package Musical ». Avec la sortie de 99.9F° le 8 septembre 1992, le virage vers l’expérimentation est clairement entamé. Mélange éclectique de musique folk, beats dance et musique industrielle, l’album s’inscrit dans une indéniable contemporanéité avec les très électroniques « Blood Makes Noise » ou « In Liverpool ». Premier de ses albums à être produit par son futur mari Mitchell Froom, celui-ci est aussi sans aucun doute l’un de ses plus musclés !
Après la « Techno Folk » ou le « Folk Industriel » de 99.9F°, Suzanne poursuit sa démarche expérimentale vers un style plus dépouillé. Témoin de ce glissement, l’album Nine Objects of Desire distribué le 10 septembre 1996, d’où émane une certaine douceur et sensualité. Il faut dire qu’en 4 ans d’absence, la vie de la chanteuse a connu de gros changements : la naissance de sa fille Ruby en 1994, son mariage avec Froom l’année suivante… Album fait « de changements, d’aventure et de grande sagesse » (Suzanne Vega – Nine Objects of Desire, www.rollingstone.com) une grande force tranquille se dégage des titres qui savent se faire tour à tour candides et malicieux. Le meilleur exemple ? Le single « Caramel » qui figurera aussi bien sur la B.O de la comédie romantique Entre Chiens et Chats (1996) que sur celle de la romance dramatique Closer, Entre Adultes Consentants (2004).
Malheureusement, une période plus rude s’annonce pour Vega : celle de son récent divorce (ndlr : en 1998) dont le fantôme plane sur sa réalisation suivante, Songs in Red and Gray (25/09/2001). Si le ton n’est pas franchement à l’optimisme sur ce dernier album à paraître sous A&M, avec des chansons assez explicites comme « Widow’s Walk », « If I Were a Weapon » ou « Soap and Water », celui-ci compte pour la critique comme l’un de ses meilleurs, puisque le plus personnel.
La beauté et le crime
Le sort s’acharne sur cette mère célibataire qui, en plus de se retrouver sans label, subit la perte de son frère Tim quelques mois seulement après l’attentat du World Trade Center. Mais celle-ci tient bon, et sort courant 2003 son premier best-of intitulé Retrospective : The Best of Suzanne Vega, pour marquer ses 21 années d’activité à travers autant de succès. Comme un fait exprès, c’est également au moment qu’est diffusé le feuilleton radio « American Mavericks » produit par l’American Public Media, revenant sur les plus grands compositeurs américains… Et bien sûr, celle-ci en fait partie ! Après avoir été l’une des premières à fouler la scène du Lilith Fair (ndlr : célèbre festival musical itinérant, exclusivement féminin, créée par l’auteure-compositrice-interprète canadienne Sarah Mc Lachlan), Suzanne étonne à nouveau ses fans en devenant en 2006, la première artiste à donner un concert live dans l’univers virtuel de Second Life !
Désormais remariée à l’avocat et poète Paul Mills, la chanteuse appréhende l’avenir d’un œil plus serein et ses compositions s’en ressentent. Bien sûr, le traumatisme du 11 septembre est palpable sur Beauty & Crime, le dernier album qu’elle ait sorti le 17 juillet 2007 sous le label Blue Note, pourtant il ne s’agit pas là d’un disque noir. Si New York est à la fois le décor et la protagoniste de cet opus, (ne chante-t-elle pas dans le titre « New York Is a Woman » : « She’ll make you cry / And to her, you’re just another guy », en français : « Elle te fera pleurer / Car pour elle, tu n’es qu’un autre mec »), aussi séductrice et criminelle soit-elle, Suzanne n’en témoigne que plus de générosité et de compassion à l’égard des sujets de ses chansons. Le souvenir de son frère (« Ludlow Street »), la dignité de New York, femme fatale (« New York Is a Woman »), la passion (« Franck & Ava »), la beauté et les femmes (« Figurines »), l’amour pour ses proches (« Bound », « Unbound ») apparaissent ainsi comme autant de parades à la tragédie (« Angel’s Doorway », « Anniversary »).
Sur cette production de Jimmy Hogarth, où s’illustrent entre autres le guitariste de Sonic Youth, Lee Ranaldo et la chanteuse KT Tunstall, Vega s’est payé l’audace d’une totale liberté : « J’ai l’impression d’avoir véritablement repoussé mes limites. Je suis sortie de mon cocon pour chanter dans des tons que je n’aurais pas utilisé auparavant et travailler dans des registres différents, en n’ayant pas peur de faire ce qu’il me semblait bon. Je voulais réaliser un classique moderne »(Suzanne Vega Biography – www.suzannevega.com). Tout en expliquant le changement de trajectoire opéré depuis son précédant album : « [Songs in Red and Gray] a été lancé deux semaines après le 11 septembre. Cet album était particulièrement personnel et ça m’a semblé bizarre de parler de ces chansons intimes à un moment semblable à aucun autre à New York… J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir ces six dernières années, à y flâner avec ma fille. C’est tout naturellement que j’ai écrit une paire de chansons qui se rapportaient à cette ville ou qui l’avaient comme protagoniste » (ibid).
Malheureusement, et malgré une percée non négligeable en Europe, Beauty & Crime n’a pas tenu ses promesses de séduction. Qu’importe, Suzanne a déjà fort à faire avec l’éventuelle sortie de Dark Night of the Soul (ndlr : album concept regroupant différents musiciens et artistes comme David Lynch, dont la sortie a été maintes fois repoussée à la suite d’un grief contractuel avec EMI), son engagement humanitaire auprès de Amnesty International, et bien sûr sa famille. Celle qui a ouvert la voie à toute une génération d’emblématiques folkeuses, de Sinéad O’Connor en passant par Tracy Chapman, peut néanmoins compter sur l’indépendance de sa musique : armée de sa guitare, celle-ci a repris dernièrement le chemin des studios pour réinterpréter de manière inédite les plus belles chansons de son catalogue musical. Sur quatre opus annoncés, on sait déjà que le premier intitulé Close-Up Vol.1 : Love Songs verra le jour le 9 février prochain avec les versions acoustiques de « Marlene on the Wall », « Gypsy » ou Caramel »… Avec la Saint-Valentin qui se profile, on n’aurait pas rêvé d’ambiance plus romantique !
(Les photos proviennent du site http://www.suzannevega.com)
Sources
Sites internet :
http://www.suzannevega.com/
http://www.evene.fr/celebre/biographie/suzanne-vega-23360.php
http://www.myspace.com/suzannevega
http://fr.wikipedia.org
http://en.wikipedia.org
http://www.azlyrics.com/
Articles:
– Days of Open Hand – Suzanne Vega : http://www.allmusic.com/cg/amg.dll?p=amg&sql=10:0pfoxql5ld6e
– Suzanne Vega – Nine Objects of Desire : http://www.rollingstone.com/reviews/album/243950/review/5942747/nineobjectsofdesire
– Lady of the Canyons : http://nymag.com/arts/popmusic/reviews/34459/
– Suzanne Vega Biography : http://www.suzannevega.com/suzanne/biography/
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