Chanteuse rock

Fiona Apple

Ne vous fiez pas à ces grands yeux perçants et à cette silhouette délicate, Fiona Apple est une chanteuse au tempérament volcanique. Un album, Tidal (1996) et un tube sulfureux « Criminal », avaient d’ailleurs suffit pour révéler aux yeux du monde ses intentions pas très cathodiques : l’exposition publique de ses tourments intérieurs. A seulement 19 ans, la jeune fille a déjà tout d’une grande : la maturité, la maîtrise vocale… Et le sens de la répartie, qu’elle n’hésite pas à utiliser lors de manifestations publiques, pour le plus grand plaisir des médias. Reine de la thérapie par l’écriture, la diva promène sa voix grave sur des arrangements piano pour se créer un style à part entière sur chacun de ses albums : pop/rock de chambre pour Tidal, rock alternatif pour When the Pawn… (1999) ou bien encore pop baroque pour Extraordinary Machine (2005), son dernier opus à ce jour. Coup de projecteur sur l’itinéraire de cette graine de star tout à fait singulière !

Pomme d’Api

Fille de la chanteuse Diane McAfee et de l’acteur Brandon Maggart, Fiona Apple MacAfee Maggart naît le 13 septembre 1977 à New York. Petite dernière d’une famille recomposée, la fillette manifestera très tôt des prédispositions artistiques, à l’instar de ses frères et sœur. Tandis qu’Amber deviendra une célèbre artiste de cabaret sous le nom de scène Maude Maggart et que ses demi-frères, Spencer et Garrett, se tourneront respectivement vers la réalisation de films et la comédie, c’est vers la musique que Fiona portera très tôt son dévolu. Petite fille renfermée, ne parvenant pas à s’intégrer aux autres enfants de son âge, son échappatoire tient à l’apprentissage du piano, qu’elle débute à 8 ans, suivi quatre ans plus tard par l’écriture de ses premières chansons. Un drame vient cependant perturber son itinéraire d’enfant douée : alors qu’elle revient de l’école, celle-ci est victime d’un viol l’année de ses douze ans. Pour contrer cette tragédie, l’adolescente se réfugie un peu plus dans l’écriture, comprenant que coucher ses émotions sur papier est la meilleure des thérapies.

Après avoir suivie une psychothérapie pour calmer ses pulsions antisociales, la jeune fille essaye de poursuivre ses études dans le secondaire, non sans difficultés. La voie royale, pour elle, c’est la musique aussi décide-t-elle de tout abandonner pour s’installer à Los Angeles, où celle-ci enregistre une première maquette. Par le biais d’une connaissance commune, cette démo arrive entre les mains du producteur Andrew Slater qui tombe littéralement sous le charme de cette voix digne des plus grandes chanteuses de soul. Aussitôt dit, aussitôt fait, Fiona prend la voie des studios pour travailler sa voix d’alto et son piano jazzy. Fruit de ses premiers efforts et de sa collaboration avec Slater, l’album Tidal sort le 23 juillet 1996 sous le label Epic Records et s’insère directement dans les charts grâce à l’imparable tube \ »Criminal\ »

Et de son clip vidéo un brin racoleur si on en juge par les poses lascives d’une Fiona qui s’effeuille dans ce qui ressemble à un bordel. Quelle défense pour cette mineure de 19 ans (ndlr : la majorité étant fixée à 21 ans aux Etats-Unis) ? Selon ses propres termes : « s’exploiter elle-même avant que ce ne soient les autres qui le fassent ». En dépit du parfum de scandale suscité , Tidal générera 5 autres singles « Shadowboxer », « Slow Like Honey », « Sleep to Dream », « The First Taste » et « Never Is a Promise », qui surferont sur le succès de « Criminal » sans jamais vraiment l’égaler.

Fille Morose

Certifié « Disque d’Or » fin 1996, puis deux et trois fois « Platine » les trois années suivantes, Tidal imprègne d’une marque indélébile le paysage musical international. Et ce n’est pas l’obtention d’un Grammy Award positionnant « Criminal » comme « Meilleure Performance Vocale pour une Artiste de Rock » qui viendra dire le contraire. Loué par les médias comme le site musical Allmusic qui lui reconnaît un premier album « plus que prometteur et très intriguant »( Tidal – Fiona Apple : http://www.allmusic.com) , Apple est un nom qui se retrouve sur toutes les lèvres. Cette tendance se confirmant d’autant plus après son passage aux MTV Awards 1997, au cours duquel Fiona se lance dans une violente diatribe envers l’industrie musicale… En même temps qu’elle reçoit le Video Music Awards de la « Meilleure Nouvelle Artiste » pour le clip « Sleep To Dream » ! Chaleureusement accueillie par les applaudissements de l’assistance, l’intervention de Miss Apple ne fut malheureusement pas aussi bien reçue par les médias qui la taxeront d’hypocrisie, tandis que de nombreux humoristes ne manqueront pas de la tourner en dérision.

Eh bien, Fiona les attend au tournant avec son second album When the Pawn Hits the Conflicts He Thinks like a King What He Knows Throws the Blows When He Goes to the Fight And He’ll Win the Whole Thing ‘Fore He Enters the Ring There’s No Body to Batter When Your Mind Is Your Might So When You Go Solo, You Hold Your Own Hand and Remember That Depth Is the Greatest of Heights And If You Know Where You Stand, Then You’ll Know Where to Land And If You Fall It Won’t Matter, Cuz You Know That You’re Right, dans les bacs le 9 novembre 1999.

Non, non, vous avez bien lu ! En comptant plus de 400 caractères, ce titre s’inscrit directement au Guiness des Records comme le plus long jamais donné à un album. Plus un poème, écrit par l’artiste d’après les lettres de soutien qui lui furent envoyées suite à un article négatif paru dans le magazine musical Spin, When the Pawn… s’affirme comme une œuvre définitivement mordante où toute la palette des émotions est revisitée à travers les titres phares, de la folie (« Fast as You Can »), à la désillusion (« Paper Bag »), en passant par la rancœur (« Limp »). Mis en scène par le réalisateur Paul Thomas Anderson, son compagnon à l’époque, leurs clips sont en soi des petits bijoux ! Caractérisée par une mise en avant de la batterie, la production de Jon Brion peine malgré tout à surpasser l’exploit du premier opus en ne recevant que la certification platine aux Etats-Unis malgré une bonne commercialisation à l’international.

« Applegate »

Cela ne va pourtant pas aussi bien se passer pour ce qui est du troisième album. Rapide retour sur le contexte : Après la tournée de When The Pawn, Apple déménage en 2000 à Los Angeles et décide de s’octroyer un break : en plein manque d’inspiration, celle-ci pense même se retirer complètement de toute activité artistique. Gardant contact avec le producteur et ami de longue date, Jon Brion, celui-ci la persuade alors de remettre le pied à l’étrier en lui laissant superviser son prochain album. Fiona accepte en fixant les conditions suivantes avec Epic : le travail devra s’effectuer à son rythme et sans urgence. Les sessions commencent alors à l’Ocean Way Recording au cours du mois de juin 2002 pour s’étaler jusqu’à fin 2003, après être passées par de nombreux studios d’enregistrement, de la Paramour Mansion aux Cello Studios et les mythiques Abbey Road Studios. Incertaine de la direction qu’elle veut faire prendre à l’album, Apple donne libre champ à Brion pour boucler la réalisation. Jusqu’ici tout semble clair.

Ce qui l’est un peu moins, c’est la suite des évènements : la dimension trop baroque de l’album aurait été refusée en 2004 par Sony qui demande à avoir le droit de veto sur les chansons, qui doivent maintenant lui être présentées une par une. Pendant que Fiona fulmine contre le procédé, les nouveaux titres quittent la sphère de la confidentialité pour se retrouver en libre écoute sur internet et sur les ondes radio. C’est vraiment la goutte d’eau pour la jeune femme qui se sent atteinte dans son intimité, comme celle-ci l’explique au détour d’une interview pour USA Today : « C’était un sentiment des plus bizarres, comme si quelqu’un avait pris mon journal intime et l’avait imprimé » (Fiona Apple’s ‘Machine’ needed a push to get going : http://www.usatoday.com). Même si les morceaux produits par Brion sont loués par la critique, ceux-ci ne parviennent pas à arrêter une hypothétique date de sortie quant à l’opus… Les fans impatients viennent à la rescousse de leur idole en se ralliant derrière le site internet http://freefiona.com et en envoyant des pommes sous toutes leurs formes au label, dans l’espoir de les faire plier. Infiniment reconnaissante de cette mobilisation, l’artiste réenregistre cependant début 2005 la quasi totalité de la première version en compagnie du bassiste Mike Elizondo, fidèle collaborateur du rappeur Dr Dre.

Une machine extraordinaire

L’album tant attendu sort enfin le 4 octobre 2005 sous le nom Extraordinary Machine (en abrégé, EM). Une machine franchement extraordinaire car pas un morceau ne ressemble à un autre parmi ces 12 titres à consonance jazz, electronica et cabaret. Outre l’utilisation de certains arrangements modernes comme les boucles de batterie, l’heure est ici à la célébration des années 20 et 30, où Fiona donne libre cours à des réflexions qu’on l’imagine bien se faire à elle-même, hors du temps. Plus calme et mature que When the Pawn…, EM est bien le prolongement des pensées de Apple qui, séparée de Anderson, semble faire son autocritique. Mais on aurait tôt fait de croire que l’artiste a perdu sa verve légendaire : si celle-ci sait pointer ses propres défauts, elle n’en oublie pas moins ceux des autres et en particulier ses ex, dans la chanson « Parting Gift » : « I opened my eyes while you were kissing me once more than once / And you looked as sincere as a dog / When it’s the food on your lips, with which it’s in love », qui donnerait une fois traduit en français : « J’ouvris les yeux alors que tu m’embrassais plutôt deux fois qu’une / Et tu avais l’air aussi sincère qu’un chien / Quand c’est de la nourriture que tu as sur les lèvres, qu’il est tombé amoureux ». Pas de doute, les mots bien sentis de Fiona font toujours mouche !

Au final, sur l’ensemble des chansons enregistrées avec Brion, seules deux ont été gardées en ouverture et fermeture de Extraordinary Machine, à savoir le titre éponyme « Extraordinary Machine » et « Waltz (Better Than Fine) », sans que l’unité de l’album en soit atteinte. Bien au contraire, celui-ci caracole en tête des ventes dès sa sortie en devenant l’album le mieux classé de Fiona sans toutefois répéter l’exploit des deux premiers… Tout juste une récompense « Disque d’Or » sur le sol américain. Depuis l’année 2005, c’est le silence radio pour Apple. Tournée vers une vie plus rangée, celle-ci concède cependant quelques collaborations avec d’autres artistes, comme en 2006 avec le comédien Zach Galifianakis (ndlr : le barbu du film Very Bad Trip) pour les besoins d’une chanson parodique dance/hip-hop « Come Over and Get It (Up in ‘Dem Guts) ou la reprise de « Sally’s Song », un des titres composant le thème musical de L’Etrange Noël de Mr Jack, pour sa sortie en édition collector la même année. A la liste de ces participations notables, il faudrait également ajouter la reprise du titre des Beatles « Across the Universe » pour la bande originale du film Pleasantville (1998) ainsi que le duo avec le grand Johnny Cash sur ses albums American IV: The Man Comes Around (2002) et Unearthed (2003).

N’empêche, les coups de gueule de notre chère Fiona commencent à nous manquer terriblement. On peut cependant trouver un début d’indice dans la biographie de son site officiel où celle-ci confie : « Ma vie a pris des grands tournants, j’ai enduré pas mal de choses, j’ai vécu des grands hauts et des petits bas, mais je m’en sors à chaque fois. Qu’importe ce que les gens font ou ne font pas pour moi, je veux juste être reconnue comme une machine joliment extraordinaire » (Fiona Apple Bio : http://www.fiona-apple.com/). A défaut de connaître l’échéance de son prochain album, espérons que le Père Noël nous aura déposé l’un de ses anciens opus au pied du sapin !

(Les photos proviennent du site http://www.fiona-apple.com/)

Sources
Sites internet :
http://www.fiona-apple.com/
http://www.evene.fr/celebre/biographie/fiona-apple-19864.php
http://www.myspace.com/fionaapple
http://fr.wikipedia.org
http://en.wikipedia.org
http://www.azlyrics.com/

Articles:
Tidal – Fiona Apple : http://www.allmusic.com/cg/amg.dll?p=amg&sql=10:kxfoxqlhldte
Fiona Apple’s ‘Machine’ needed a push to get going : http://www.usatoday.com/life/music/news/2005-09-28-fiona-apple_x.htm
Fiona Apple Bio : http://www.fiona-apple.com/
Re-emerging after a strange silence : http://www.nytimes.com/2005/09/26/arts/music/26appl.html
A World-Class Drama Queen : http://nymag.com/nymetro/arts/music/pop/14612/
Fiona Apple : My Happy Ending : http://www.blender.com/guide/68160/fiona-apple-my-happy-ending.html
Fiona Apple, Extraordinary Machine : http://www.guardian.co.uk/music/2006/jan/06/popandrock.shopping1

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