Scarlett Johansson et Bill Murray réunis à Tokyo sous la houlette de Sofia Coppola, le tableau peut, à priori, sembler étrange, et le pari risqué. C’était sans compter sur le talent de Coppola fille pour diriger deux acteurs qui n’avaient jamais travaillé ensemble et pour mettre en image les corps et les émotions avec pudeur et délicatesse, dans l’effervescence toute particulière d’une Tokyo survoltée. Le contraste est saisissant mais réussi !
« Comment dit-on perdu en japonais ? »
Bob Harris, acteur célèbre mais quelque peu sur le déclin, est perdu dans son hôtel de luxe, perdu à Tokyo, perdu au Japon, perdu dans sa vie. Son agent l’a envoyé au pays nippon afin d’y tourner un spot publicitaire pour une célèbre marque de whisky japonais. Bob se retrouve alors en terre étrangère, dans un pays dont il ne comprend ni la langue, ni les gens, ni les coutumes, et qu’il n’est très sûr d’apprécier. Bob passe ses journées en studio pour l’enregistrement de l’annonce, les shoots publicitaires qui vont avec et participera même à un show télévisé dont il ne comprendra pas vraiment le sens, ni l’intérêt. Mais Bob est au Japon pour affaires, donc il remplit malgré tout son contrat. Lorsqu’il rentre le soir à son hôtel, Bob ne trouve pas le sommeil alors il erre dans les couloirs et squatte le bar, un verre de whisky greffé à la main.
C’est ainsi qu’il rencontre Charlotte. Jeune, jolie, naturelle, intelligente, et récemment mariée. Comme lui, Charlotte s’ennuie ferme dans cet hôtel et dans ce pays. Elle est venue accompagner son mari, photographe branché, et lorsque lui est en studio photo, Charlotte passe la plupart de son temps en petite culotte et caraco à regarder par la fenêtre de sa chambre et rêver d’évasion. Charlotte ne sait pas vraiment ce qu’elle fait dans ce pays, ni dans cette vie en général. Tout comme Bob, elle est perdue au Japon comme dans la vie. Insomniaque comme lui, elle descend un soir au bar et fait ainsi sa connaissance. Le courant passe immédiatement entre ce quadragénaire en pleine crise et cette jeune fille en quête d’elle-même. Seuls dans ce pays qu’ils ne comprennent pas Charlotte et Bob vont s’épauler, se rassurer, s’amuser, … se rapprocher.
Amour ? Amitié ? Ou amitié amoureuse ? A vous de faire votre choix. Car au moment de quitter le pays pour rentrer aux Etats-Unis, Bob retrouve Charlotte au beau milieu d’une rue et lui chuchotent des mots à l’oreille. Des mots qui l’émeuvent et la font sourire. Pleurer aussi. Qu’a bien pu lui dire Bob ? Seule Charlotte le sait. Nous, nous ne pouvons que le deviner, et fantasmer, si l’envie nous prend, à d’éventuelles retrouvailles une fois de retour au pays. Ou pas.
La prestation des acteurs et la réalisation de Coppola font la force de cette romance un peu particulière, possible seulement parce que Charlotte et Bob sont réunis dans leur solitude et leur ennui. Sofia Coppola possède un talent inouï pour capter cette solitude et donner à ses personnages une consistance des plus touchantes. La plupart du temps dans ce film, la réalisatrice se passe de mots, tant les images parlent d’elles mêmes. Un regard, un sourire, quelques gestes à peine esquissés, sans plus de fioritures, elle filme avec pudeur et presque poésie, dans un style très japonais, cette histoire fugace qui ne se dit pas, qui ne s’avoue pas. Elle met en scène deux acteurs dont la prestation, pourtant discrète, crève cependant l’écran. Bill Muray installe une dynamique comique impeccable, tout en subtilité et en fragilité, et s’abandonne totalement à la caméra de Sofia Coppola. Scarlett Johansson quant à elle, délicate et moqueuse, éblouit par son naturel et son charisme.
Avec « Lost In Translation », Sofia Coppola confirme s’il en était besoin, après son déjà très touchant et bouleversant «Virgin Suicides», qu’elle n’a pas son pareil pour observer la nature humaine et la retranscrire avec générosité et humilité.
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