Il y a quelques jours est sorti le cinquième album de Regina Spektor : Far. Si jusqu’ici Regina était passé inaperçue en France, la sortie de ce nouvel opus a fait beaucoup de bruit dans la presse traditionnelle et virtuelle, sans parler de la blogosphère. L’occasion de faire un retour sur cette artiste qui a d’abord porté l’étendard de la musique anti-folk au début des années 2000, pour évoluer vers une musique pop sublime et incomparable.
Les premières années
Le 18 février 1980 naissait à Moscou la fille d’un photographe et violoniste et d’une professeure de musique. Ilya et Bella décidèrent d’appeler leur fille Regina. Très tôt, la petite Regina commence à apprendre le classique sur un piano droit que son grand père avait donné à sa mère. Sa voie commençait à se tracer vers la musique, elle sera pianiste classique, une certitude qu’elle gardera en tête un moment.
Son père, passionné de musique occidental joua aussi un rôle important dans sa culture musicale. Celui-ci possédait des enregistrement des Beatles, Queen, The Moody Blues et autres groupes interdit qu’ils écoutaient ensemble. En 1989, la famille Spektor quitte l’union soviétique à cause des discrimination envers les juifs. Passant par l’Autriche et l’Italie, ils s’installent finalement à New-York, dans le Bronx où Regina pourra avoir une éducation orthodoxe.
Malgré l’abandon de son piano à Moscou, Regina réussi à continuer ses cours au États-Unis, notamment grâce à un piano trouvé dans le sous sol de sa Synagogue.
Bien sûr on apprends pas le piano seule, à la limite s’exercer, mais Regina avait encore besoin d’un professeur. C’est son père qui réussit à lui en trouver une, Sonia Vargas de la Manathan Scool of Music, il était en effet ami avec le mari de Vargas, lui même violoniste. Ainsi Regina pu continuer sa formation jusqu’à ses 17 ans.
Changement de milieu musical
Évidemment, grandir dans le Bronx dans les années 90 vous expose à des cultures d’une grande variété, et bien que très concentrée dans la musique classique, elle découvrit le rock, le punk, le hip-hop, des univers tellement différents auxquels elle s’intéressera sans que cela n’influe (dans un premier temps) sur sa passion pour le classique. Puis vers 15 ans, elle découvrit Joni Mitchell et Ani DiFranco. Cette musique folk, intense, au ton libre mais surtout il s’agir là de deux femmes qui écrivent leurs textes et leurs musiques.
Jusqu’ici, et cela est certainement du à sa formation classique, Regina faisait la malheureuse association suivante : ce sont les hommes qui écrivent et composent. Elle se rappela alors, que toute petite en commençant le piano, elle racontait qu’elle voulait devenir compositrice, mais on lui répondait que c’était trop difficile d’être compositrice et qu’elle pourrait toujours être pianiste.
Donc finalement, si Joni et Ani y arrivent, pourquoi pas elle ? C’est ainsi qu’elle se lance dans l’écriture de ses premiers textes et compose ses premières mélodies, tout en suivant des études au conservatoire de musique de SUNY Purchase où elle obtient son diplôme en 2001.
Premiers enregistrements
C’est en 1999 que Regina enregistre ses premières chansons. Six titres sur une cassette qu’elle enverra à quelques contacts de contacts dans l’espoir d’avoir une idée extérieur sur la valeur de son travail. L’histoire se brouille un peu ici, elle n’aurait pas vraiment eu de réponse, et elle avait ses études à finir. Aujourd’hui elle ne parle plus de ces démos, sujet apparemment difficile.
Elle enregistre en 2001 son premier album 11:11, 12 chansons écrite, composée et interprétée par Regina, avec seulement quelques interventions de Chris Kuffner à la contrebasse. L’album est coproduit par Richie Castellano. Ce premier disque est folk, blues voir jazzy, avec juste son piano et la contrebasse, c’est son chant et ses textes qu’elle met en avant. Dans sa manière de chanter on retrouve toutes les influences qui ont jalonné le côté alternatif de sa culture musicale. Des Beatles au hip-hop, de Moddy Blues à Tori Amos, alors qu’elle pensait se consacrer au piano classique, elle avait inconsciemment intégrer ces autres musiques, pour finalement créer son style. Elle chante, mais pas seulement, elle joue avec sa voix, cherche les graves et les aigües, change de ton, de rythme. Elle joue aussi bien de son piano que de sa voix.
Elle distribura ce disque lors de ses concerts essentiellement dans des petites salles à New York.
Seulement 8 mois plus tard sort son deuxième album Songs, toujours auto-produit, toujours 12 chansons, et toujours vendus lors de ses concerts. Chacune des chansons est enregistrée en une prise, elle atteint là l’apogée de sa période anti-folk, les chansons sont enregistrées en conditions du live car c’est en live qu’elles sont censées vivres. Plus épuré et minimaliste que 11:11, le disque est aussi plus sombre dans l’ensemble mais parfois lumineux. Elle continue de jouer avec sa voix, et trouve sur cet album les sons et autres bruits qu’elle gardera pour les reproduirent lors de ses concerts. A l’écouter elle semble aussi plus s’amuser à enregistrer ce disque, elle commence à prendre confiance en elle.
Les Strokes et Soviet Kitsch
Repérée par Gordon Raphael, le producteur des Strokes, elle fera leur première partie en 2003 lors de leur tournée Room on Fire et enregistrera même un duo intitulé Modern Girls & Old Fashion Men. Le début de la reconnaissance attendue et méritée, elle passe des piano-bar à des concerts réunissant des milliers de personnes. Ça ne sera pas toujours facile, le public des Strokes n’est pas toujours aussi sensible qu’elle peut l’être, mais cette expérience lui apprendra à s’affirmer et à ne pas se laisser faire.
En 2004 sort enfin son premier album produit par un label. L’album s’appelle Soviet Kitsch, en référence à Milan Kundera, et le label qui a eu la chance de la signer est Sire Records, qui appartient au groupe Warner Music. C’est un disque de transition, les trois années qu’elles vient de passer en concerts sont très présentes, on retrouve un son proche de ses deux albums auto-produits mais sans le côté blues ou jazz. Le piano fortement mis en avant, toujours d’inspiration classique, mais l’album est plus rock. La production de l’album est simple et efficace. Il comporte de nombreuses magnifiques chansons qui l’accompagnent encore lors de ses concerts cinq ans plus tard.
Avec Soviet Kitsch, Regina n’a pas seulement réalisé son premier album studio, elle a aussi atteint un public inespéré grâce à certaines de ses chansons (Us et Somedays) qui ont été utilisée pour des publicités et des séries télévisées. Un nouveau public et un nouvel univers qui s’ouvre à elle.
Begin To Hope
Son quatrième album sera le fruit de deux ans de maturation, deux années à repenser à son premier enregistrement chez un label, deux années à faire de plus en plus de concerts devant de plus en plus de monde. En arrivant dans le studio pour enregistrer Begin To Hope, elle sait ce qu’elle veut, elle veut s’amuser, elle en veut plus. Plus de quoi ? De tout.
Begin To Hope est produit par David Kahne, un producteur reconnu qui a notamment travaillé avec Paul McCartney et The Strokes. Dès les premières secondes la nouvelle sonorité pop se fait entendre, une évolution qui peut paraître surprenante si on enchaîne Soviet Kitsch et Begin to Hope, mais qui est finalement logique si on y regarde de plus près. Sur ses trois premiers albums, Regina était restait sobre dans la production, pas de fioriture, et elle a besoin d’évoluer. Désormais elle ajoute une guitare, une basse, une batterie et un saxophone. La production est soignée, c’est évidemment 100% Regina Spektor, mais pourtant il y a ce son pop. Bien sûr il y a quelques chansons où on retrouve Regina presque seule, comme pour garder contact avec ses albums précédents et sa manière de jouer sur scène.
Le disque aura un succès impressionnant, les critiques chantent ses louanges, ses clips sont diffusé de partout, encore une fois les séries tv reprennent certaines chansons. Un très beau succès dans les pays anglo-saxons.
La voici repartie sur les routes jouant devant un public toujours plus nombreux, mais sur scène c’est une autre Regina. La plupart du temps elle est seule avec son piano, les chansons dépouillées de leur enveloppe pop ont une autre saveur, meilleure peut être, différente en tout cas.
Far
Trois ans, trois ans d’attente pour pouvoir enfin entendre la nouvelle production de Regina : Far. Pour réaliser ce disque, elle a repris les bonnes idées qu’elle avait eu pour Begin to Hope, mais en poussant encore plus loin. Le disque aura quatre producteur, et pas n’importe lesquels, trois producteurs avec lesquels elle rêvait de travailler et son producteur sur Begin To Hope. Les trois autres sont Mike Elizondo, connu pour son travail avec Dr Dre et Eminem, mais aussi Fiona Apple et Pink, Jacknife Lee, qui a travaillé avec U2 et R.E.M., et Jeff Lynne, connu pour être le chanteur de Electronic Light Orchestra, il a aussi travaillé avec les Beatles.
Ce disque est un bijou pop, travaillé et élaboré dans les moindre détails, l’apogée de ce travail de production est certainement Machine où Regina « joue de l’immeuble » (une installation créée par David Byrne où les touches du piano sont reliés à des éléments d’un vieil immeuble de New York, et initialement utilisée pour une pièce intitulé « Playing The Building« ). Toutes les chansons sont, comme à son habitude, de sublime histoire, morceau de vie, extrait de son imagination. Elle jouent certaines des chansons présentes sur ce disques depuis plus de six ans (Folding Chair), d’autres ont été écrites pour l’occasion (The Calculation) et pourtant elles s’enchaînent parfaitement, les histoires qu’elle nous raconte sont intemporelles. La Regina pop a atteint son but en réalisant un album accessible mais exigeant. Reste à voir comment elle va transposer ses chansons sur scène.
Le Clip de Laughing With, premier single de l’album Far par Regina Spektor (très influencé par l’œuvre de René Magritte)
Son Site : http://reginasplash.warnerreprise.com/
Son Myspace : http://www.myspace.com/reginaspektor
Regina sera au Bataclan le 1er juillet 2009.
8 Comments
Daniel Chalaye
30 juillet 2009 at 16:36Merci, et ravi d’avoir réussi à te donner envie de la découvrir !
Christine
29 juillet 2009 at 20:13Très bon article… Qui donne envie d’en découvrir plus!
Daniel Chalaye
13 juillet 2009 at 19:01Un grand merci au nom de toute l’équipe.
J’étais aussi au concert ce 1er juillet, et je suis d’accord avec toi, c’était vraiment magique.
Nicolas
13 juillet 2009 at 14:16Votre site est génial, bravo pour votre travail !
J’ai eu la chance de la voir au Bataclan le 1er juillet et je dois dire que ce concert restera pour moi un moment magique, pur, émouvant. Sa prestation scénique est bluffante, simple mais tellement belle, touchante.
Si je ne devais retenir que deux chanteuses parmi celles que j’ai vu et entendu ce serait Ani Difranco et Regina Spektor!
Merci
Daniel Chalaye
7 juillet 2009 at 11:29Je l’ai moi aussi découverte avec Samson, pas la version studio, une version en live, un nouveau monde c’est ouvert à moi ce jour là.
Désirée
5 juillet 2009 at 18:15Aaaaaaaaah, je me souviens du jour où j’ai découvert « Samson » sur MTV, j’étais scotchée à ma télé!
Daniel Chalaye
30 juin 2009 at 11:01En temps normal, je te conseillerais d’écouter ses 3 premiers albums, mais si tu préfères quand elle fait de la pop, Begin to Hope et Far son en effet 2 albums parfait.
Alexandre
29 juin 2009 at 16:27Pour moi c’est LA chanteuse « pop », il n’y à rien à enlever ou à ajouter dans ses chansons…