Ang Lee surprend tout le monde quand, en 2005, il se lance dans la réalisation de « Brokeback Mountain ». Après « Tigre et Dragon » et le semi échec de son adaptation cinématographique du Comics « Hulk », qui aurait pu prédire que le cinéaste taïwanais s’attaquerait à un mélo tel que « Brokeback » ? Il s’agissait là d’un pari osé, mais un pari réussi, sans aucun doute.
« Love is a force of nature. »
Il est à mon goût un peu réducteur de classer « Brokeback Mountain » dans la catégorie Western Gay, comme cela a souvent été le cas lors de sa sortie. Il est bien plus que cela. « Brokeback Mountain », c’est avant tout l’histoire d’un amour impossible. Il n’est pas question ici de Montaigu et de Capulet, ni de vampires et d’humains, mais d’un homme … qui en aime un autre. En 1963 dans le Wyoming deux jeunes cowboys se trouvent un job d’été et sont ainsi envoyés sur le mont Brokeback pour garder un troupeau de moutons. Ennis Del Mar et Jack Twist. Seuls au milieu d’une nature sauvage et de paysages grandioses, la complicité naissante entre les deux hommes va peu à peu se transformer en un amour … interdit. Leurs sentiments sont à la hauteur du cadre naturel et splendide qui les entoure. Un amour sauvage ; une violente passion. Jack, le plus extraverti des deux comprend le premier ce qui est en train de lui arriver. Certains regards ne trompent pas, et encore moins l’effort surhumain qu’il doit fournir pour ne pas diriger le sien vers le corps nu d’Ennis, qui se lave devant lui … L’heure des premières étreintes approche et apporte avec elle son lot de doutes, d’interrogations, et de dénégations : « Il n’y aura pas de suite à ce qui s’est passé cette nuit. Je ne suis pas une pédale. » Ennis. Car si le désir et les sentiments sont présents, ils ne sont pas montrables pour Ennis Del Mar, dans cette Amérique puritaine des années 60. Aussi, à la fin de l’été, les deux cowboys rentrent chez eux et s’efforcent d’enfouir cette aventure au plus profond d’eux. Ils se marient, ont des enfants…, jusqu’au jour où Jack envoie une carte postale à Ennis : « Il y a longtemps que j’aurais dû t’écrire. Je passe par chez toi le 24. Réponds-moi pour savoir si tu seras là. ». « You bet » (« compte sur moi ») sera sa réponse. S’en suit une scène de retrouvailles des plus bouleversantes, où la passion et la tension entre les deux hommes sont palpables. L’amour n’est pas mort. Les sentiments ne se sont pas estompés, loin de là. Ces quatre années passées loin l’un de l’autre et le manque qu’elles ont généré les ont au contraire rapprochés. Mais Ennis, contrairement à Jack, n’est toujours pas prêt à vivre leur amour au grand jour. Même s’il s’est embourbé dans une vie familiale qui ne lui convient pas, et malgré son divorce quelques années plus tard, il lui est impossible d’assumer son amour pour Jack, lorsque celui-ci est prêt à prendre un ranch avec lui afin de vivre ensemble. Aussi et pendant plus de 20 ans, ils n’auront pas d’autre choix que de se retrouver à intervalle régulier sur le mont Brokeback, le seul endroit où ils peuvent vivre leur amour, sans risque de jugements ou de représailles. Leur amour est leur secret, Brokeback leur jardin d’Eden. On comprend alors mieux le titre qu’a choisi le distributeur français, plutôt inspiré pour une fois : « Le Secret de Brokeback Mountain ».
C’est avec finesse, réserve et aussi une certaine distance qu’Ang Lee parvient à capter avec sa caméra les émotions de ses personnages. Pas besoin de gros plan sur un visage crispé de douleur, ni de musique larmoyante, ni de grand discours. Avec un talent comme celui du cinéaste taïwanais, il est inutile d’en faire des tonnes pour parvenir à trouver le juste équilibre afin de toucher le public. Le réalisateur en dit beaucoup plus grâce à de simples regards ou des silences pesants. Parfois certains soupirs sont plus éloquents qu’un grand discours… Aussi, c’est sans une once de vulgarité, avec sensibilité et sobriété que le Taïwanais raconte l’histoire d’amour entre ces deux cowboys.
Mais la finesse du réalisateur ne vaudrait rien sans la prestation éblouissante livrée par les deux acteurs principaux. Gardant toujours eux aussi une sobriété et une élégance certaine, Heath Ledger et Jake Gyllenhaal ne versent jamais dans la caricature du simple « western gay ». A eux deux ils réussissent à rendre cette improbable love story absolument bouleversante. Leur jeu, d’une sobriété et d’une justesse remarquable, va droit au cœur. Jake Gyllenhaal fait de Jack Twist un garçon attachant, passionné, drôle et toujours de bonne humeur. Sa prestation est étonnante. Mais Heath Ledger, dans le rôle d’un Ennis tourmenté, mutique, déchiré entre son amour pour Jack et sa volonté d’assumer ses obligations familiales, est peut être encore plus impressionnant… Une fois encore, il laisse en héritage à son public et à ses proches une prestation bouleversante, inoubliable. Il est le genre d’homme qui marque les esprits, à jamais. « Travailler avec Heath a été l’une de mes grandes joies dans ce métier. Il a apporté au personnage d’Ennis une dimension que personne n’aurait pu imaginer, une intensité de vie, d’amour, de vérité et de vulnérabilité qui étaient en lui. Sa mort est un déchirement ». Ang Lee.
Des décors superbes, une histoire d’amour émouvante, une réalisation tout en finesse, des prestations justes livrées par deux acteurs talentueux, dont un … inoubliable, « Brokeback Mountain », non content d’être un film beau, tragique et poignant, peut aussi se targuer d’avoir une portée politique et sociale : celle d’amener les gens à être un peu plus ouverts d’esprit, et tolérants. Mais il résonne également comme un avertissement : celui de vivre intensément ses passions amoureuses au risque de passer à côté du meilleur de la vie.
6 Comments
Caro
28 avril 2009 at 21:25Ah le dernier Batman, moi non plus qui ne suis pas une fan de l’homme chauve souris, j’ai été scotchée ! Oui, pourquoi je commence par Batman alors que le sujet c’est BB Mountain? Et bien parce que ce film, je l’attendais, je n’avais pas pu le voir à sa sortie, et une copine m’a finalement prêté le DVD l’an dernier. Et bien j’ai été… je ne sais pas ce que j’ai été en fait. J’ai trouvé ça trèèèès long et sans grand intérêt, moi qui m’attendait à passer une bonne soirée devant mon ordi sur mon canapé. Donc bon, pour moi, ça restera juste un film à oublier ^^
Mathias
22 avril 2009 at 21:09Et un … d’article bien de plus :P
C’est vrai que pour cette fois le distributeur français a eu bon gout, et ce sont pas trop éloigné du titre original :) Pour un meilleur effet encore, le regarder en VO ;)
Le film est bien effectivement, ça remonte à longtemps la dernière fois que je l’ai vu mais j’en garde le souvenir !
Et pour le Batman, faut le voir en bonne qualité double dvd collector xD ^^
Cam
22 avril 2009 at 9:38Il faut impérativement que vous le voyiez ce film! :D
Pour ma part j’ai vraiment aussi adoré le dernier Batman. Et pourtant Dieu sait que je ne suis pas une fan de l’homme chauve souris!lol (préfère l’homme araignée :DD) Mais la performance d’Heath Ledger est vraiment incroyable dans cet opus et Christopher Nolan s’est surpassé avec The Dark Knight! Le résultat final est incroyablement réussi je trouve! :D
Nelly
21 avril 2009 at 19:46Tu n’as pas aimé le dernier Batman ? Etonnant, j’avais l’impression que les critiques étaient unanimes. En tous cas, Heath Ledger était impressionnant ! Quant à Brokeback Moutain, pas encore vu. ça fait parmi des films à voir le jour où j’aurai du temps…
Bool
21 avril 2009 at 13:17Un film que je n’ai toujours pas vu mais il va falloir que j’y remédie !
En tout cas, la disparition de Heath Ledger est une grande perte pour le cinéma : j’ai eu l’occasion de le voir dans le dernier Batman (pas aimé du tout d’ailleurs) et il excelle dans le rôle du Joker !
Bool
Alix
19 avril 2009 at 10:12Brokeback Mountain…
Un film juste magnifique, avec un jeu d’acteur superbe !!
Heath&Jake <33