L’exposition Vides au Centre Georges Pompidou réunit… neuf salles vides ! Une idée qui peut paraître saugrenue à première vue mais qui a le mérite de soulever des problématiques intéressantes dans l’histoire de l’art du XX° siècle. Car bien entendu, la substance n’est pas ces salles vides en elles-mêmes. Il s’agit de rappeler des expositions, où rien n’était présenté, pour des raisons diverses.
Le précurseur fut Yves Klein, dont l’exposition à la galerie Iris Clert en 1958 est passée à la postérité comme « l’exposition du Vide ». En effet, son titre complet, La Spécialisation de la sensibilité immatérielle à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée semble un peu long à retenir… Cette exposition est l’aboutissement des recherches d’Yves Klein sur ce qu’il appelle la sensibilité picturale immatérielle, sorte d’éther dans lequel l’esprit peut vagabonder en toute liberté, sans contrainte corporelle. Les monochromes bleus IKB en furent les prémisses, métaphore d’une porte vers cet Eden spirituel. L’intérieur de la galerie Iris Clert, pour l’occasion repeinte en blanc et totalement vidée de son contenu (le bureau avec le téléphone avait été déplacé dans le couloir attenant), pouvait être perçue comme l’intérieur d’un monochrome IKB, le lieu de cet espace colore immatériel dont le bleu outremer était la porte symbolique. Le tout encadré par un décorum carnavalesque (garde des Sceaux, lâcher de ballons, cocktails teintant l’urine en bleu IKB et vitrine peinte en bleu IKB), signe de l’importance de l’événement. La file d’attente, composée en grande partie d’étudiants en art était une sorte de rite initiatique avant l’entrée dans cet univers. Le Centre Georges Pompidou a donc grandement simplifié les choses en présentant une simple salle vide. Certes, il n’y a pas volonté dans cette exposition de recréer l’aspect des lieux historiques. Cela dit, il manque tout de même cet aspect mystérieux et un brin fantasque, dans l’esprit du personnage d’Yves Klein.
Les trois salles suivantes peuvent par contre convenir. Tout d’abord, celle en hommage au group Art & Language et son œuvre de 1970, Air Conditionning Show, dont le but est de simplement présenter un certain volume d’air conditionné, quel que soit le lieu d’exposition. De même, la référence à Robert Barry et Some Places to which we can come, and for a while « be free to think about what we are going to do » (1970) peut se contenter d’une sale vide dans n’importe quell muse du monde. En effet, l’artiste avait voulu par ce geste transformer la salle d’exposition en un lieu d’échange, de réflexion et de rencontre entre visiteurs. Enfin, la réflexion de Robert Irwin pour Experimental Situation (1970) se situe aux confins de la fumisterie. L’artiste avait simplement laissé la salle vide pour y revenir réfléchir à ce qu’il pourrait y faire.
Laurie Parsons avait elle décidé de présenter vide sa dernière exposition avant sa retraite du monde artistique. Par la suite, elle a retiré cette exposition de sa biographie. Le Centre Pompidou a donc décidé de présenter la salle qui lui était dédiée sans mention de nom.
Suivent deux odes au lieu d’exposition, déplacées dans le cas présent car non reproductibles. Il en est ainsi de la référence à Haus Esters Piece de Bethan Huws (1993). Invitée à exposer dans le musée Haus Esters de Krefeld, elle était tombée en admiration devant le bâtiment de Mies van der Rohe et a donc décidé de laisser la salle vide. Idem pour Maria Eichhorn, qui avait décidé de consacrer l’argent destiné à son exposition de la Kunsthalle de Bern à faire restaurer le bâtiment.
Dans More Silent Than Ever (2006), Roman Ondak avait soi disant équipé sa salle vide d’un système d’écoute. Une façon d’interpeller le spectateur sur une œuvre autre que visuelle. Finissons par la dernière salle, « exclusivité » pour le Centre Georges Pompidou signée Stanley Brouwn et tout simplement dénommée Un Espace vide au Centre Georges Pompidou. N’est-ce pas se moquer du monde ?
En conclusion, cette exposition sur le vide déçoit. Entre philosophie mal traduite et fumisterie, il n’y a que peu de place réelle pour de vrais hommages. Une réalisation qui prête certes le flanc à la critique mais une initiative intéressante tout de même. Elle est en effet l’occasion de montrer que l’art contemporain est bien plus complexe qu’une simple représentation figurative. On est ici dans certains cas aux confins de la philosophie. Et ce n’est pas Denys Riout qui nous contredira, dans sa conférence sur Yves Klein le 22 mars…
3 Comments
syrena
22 mars 2009 at 0:38Bonjour. Sur le sujet, je vous invite à lire une « Lettre ouverte au Centre Pompidou » :
http://syrena.canalblog.com/archives/2009/03/20/13074655.html
Nicolas Meunier
20 mars 2009 at 19:02On en revient à l’éternelle question de « qu’est-ce que l’art ? ». Les siècles précédents étaient très cartésiens : peinture, sculpture, etc… Des catégories bien définies, jusqu’à ce que Duchamp vienne f… le bazar. C’était le premier à réellement poser la question, à ouvrir de nouvelles perspectives et à soulever un questionnement inédit sur le lieu d’exposition. Tout le monde ou presque s’est engouffré dans la brèche à sa suite, y compris Klein. Mais il ne faut pas réduire Klein à une salle vide. C’est avant tout une démarche intellectuelle d’une éminente complexité qui découle sur cette salle vide ou ces monochromes IKB. Il le dit lui-même : « mes tableaux ne sont que les cendres de mon art ». Art ou philosophie ? C’est la vraie question. Philosophie appliquée à l’art ? Ca pourrait coller. Klein a décliné son Eden spirituel sur tous les supports et dans tous les domaines (peinture, architecture, musique…). Bref, s’il n’y a rien à voir, il y a beaucoup à méditer.
KRiSS
20 mars 2009 at 11:35Alors là franchement je reste coi!
Sérieux, déjà le bleu Klein et autre peinture monochrome je trouve ça limite alors des salles vides..
C’est si décevant de voir ce vide artistique comparé à tout ce qui a été fait dans les siècles précédents!