Il existe des légendes, qui traversent l’océan du temps sans prendre une ride… Marianne Faithfull en fait partie. Personnalité singulière que cette égérie des sixties propulsée à 18 ans icône de la pop par le titre « As Tears Go By » signé par Mick Jagger et Keith Richards. Les Rolling Stones, dont elle devient justement la protégée et sous l’influence desquels elle entame une carrière musicale prometteuse dont l’apogée rock reste sans nulle doute indissociable du hit « Sister Morphine », tout spécialement écrit à leur intention… Puis la descente aux enfers : la cocaïne et l’héroïne dévasteront autant sa vie privée que sa carrière professionnelle. La traversée du désert sera longue et difficile avant que Marianne ne refasse finalement surface en 1979 avec le mythique Broken English, salué par la critique comme l’album de la renaissance. Dès lors, Marianne entame une bataille salutaire contre ses addictions, dont elle sortira vainqueur au milieu des années 80. Bien décidée à ne plus lâcher prise avec le réel, celle-ci retrouve les bonnes grâces du public avec les très soignés Strange Weather (1987), A Secret Life (1995), Kissin’Time (2002) ou plus récemment encore Before The Poison (2004).
A 62 ans, qu’elle fêtait encore il n’y a pas si longtemps, la « rescapée du rock n’roll » peut s’enorgueillir d’un dernier petit « bijou » intitulé Easy Come, Easy Go. Sorti en avant-première européenne le 10 novembre dernier, le dernier opus de l’ex « fiancée des sixties » s’annonce d’assez bonne facture. Jugez plutôt : plusieurs grands noms de la musique contemporaine (Cat Power, Keith Richards, Sean Lennon, Rufus Wainwright, Marc Ribot) balançant du jazz au rock sur des reprises de Billie Holiday, Smokey Robinson, Morrissey, Brian Eno… Et Dolly Parton ! C’est à croire que Miss Faithfull profite de son statut de vétéran du rock pour se jouer de toutes les modes et toutes les musiques… Retour sur quatre décennies d’une carrière haute en couleurs !
Swinging sixties
Née le 29 décembre 1946 dans la banlieue riche de Hampstead, Londres, d’un père officier dans l’armée britannique – professeur d’université de psychologie et d’une ballerine aristocrate autrichienne, petite-nièce du sulfureux écrivain Léopold von Sacher-Masoch (ndlr : à qui l’on a associé le terme « masochisme »), Marian Evelyn Faithfull passe une enfance insouciante. Après le divorce de ses parents cependant, les choses se compliquent : à peine âgée de 6 ans la petite déménage avec sa mère à Reading, dans une bien moindre opulence. Signe du destin, peut-être, quelques années plus tard, cette ville du Berkshire deviendra le rendez-vous annuel d’un célèbre festival de rock. Pour l’heure, la jeune fille est élevée par les religieuses du couvent Saint Joseph et participe aux spectacles du « Progress Theatre » de sa ville.
En même temps que l’art dramatique, l’adolescente découvre Buddy Holly, Chuck Berry et Miles Davis et plonge avec ravissement dans les livres de Céline, Sartre et Simone de Beauvoir. Et sitôt les cours terminés, c’est dans les bars de Londres qu’elle part écouter du rock n’roll. A 17 ans, celle-ci fait la connaissance de John Dumbar, étudiant à Cambridge, qui la séduit par son côté bohème existentialiste… Une relation se noue très vite entre les deux jeunes gens : Dumbar sera le Pygmalion et elle, sa muse. Une autre rencontre déterminante viendra sceller la rencontre de Marianne avec son destin : en ce soir de mars 1964, elle est intronisée à Andrew Oldham, producteur des Rolling Stones. Tombé sous le charme de son visage angélique et de son style, celui-ci lui propose aussitôt de signer un contrat. La jeune fille qui n’a jusque-là rôdé sa voix que dans une poignée de concerts croit à une farce… Le télégramme fixant un rendez-vous aux Olympic Studios, qu’elle reçoit une semaine plus tard, la persuade bien vite du contraire.
En studio, Marianne essaye plusieurs morceaux mais c’est finalement une composition de Jagger et Richards destinée à une prochaine face B des Stones qui trouve grâce aux yeux du producteur. Après avoir enregistré sa propre version en présence des deux auteurs, « As Tears Go By » est en boîte et se place courant août 1964 dans le top 10 britannique ! Celle-ci sent le vent tourner et place sa carrière entre les mains de Tony Calder, l’associé de Oldham, qui décide de la sortie des futurs hits « Come and Stay With Me », « This Little Bird » et « Summer Nights ». En 1965, Miss Faithfull est la nouvelle étoile montante de la scène pop britannique et écume les scènes en tournée avec des groupes comme The Kinks ou The Mannish Boys, dont le leader prénommé David Jones deviendra un certain David Bowie ! Au mois de mai de la même année, Marianne se marie avec John Dunbar, espérant stabiliser sa vie de bohème… Et en novembre, donne naissance à son fils Nicholas.
Mais la vie maritale s’avère difficile, d’autant plus que leur appartement devient rapidement le théâtre de débats philosophico-psychanalytiques entretenus par une bande de poètes beatniks, amis de Dunbar. La jeune maman prend le temps de sortir deux titres « Yesterday » et le très symptomatique « Go Away From My World » avant de faire ses valises et se rapprocher du cercle intime des Rolling Stones. Au sens littéral comme au figuré car Marianne devient rapidement la maîtresse attitrée de Mick Jagger, comme celle-ci le confiera plus tard: […]« Ma première démarche a été de prendre un des Rolling Stones comme petit ami. J’ai couché avec trois d’entre eux avant de décider que le chanteur était le meilleur pari »[…] (cf www.timeisonourside.com/girls.html). Au même moment, celle-ci se met à fréquenter Courtfield Road, la maison du sulfureux Brian Jones et de sa compagne, le mannequin Anita Pallenberg. Devenant rapidement amie avec cette dernière, Marianne prend la décision de laisser son fils chez eux, sans vraiment réaliser que l’environnement brouillé par les fêtes et les différentes substances qui y circulent, n’est pas ce qu’il y a de mieux pour le développement d’un enfant…
Focalisée sur la médiatisation de sa relation avec Jagger, celle-ci en oublie presque sa propre carrière. Au final très inégal, son 6e album Love In A Mist, sort pourtant en février 1967, histoire de rappeler au public qu’elle reste une chanteuse avant d’être l’égérie des Stones. C’est d’ailleurs en leur compagnie que Marianne va bénéficier d’une couverture médiatique dont elle se serait bien passée : invitée avec Mick et quelques amis dans la propriété de Keith Richards, une descente de police découvrira la jeune femme simplement vêtue d’une couverture au milieu d’une assemblée masculine visiblement sous acide. Ce scandale entache durablement la crédibilité de l’artiste qui décide l’année suivante de suivre les Beatles dans leur périple indien au temple du mahirishi Mahesh Yogi.
A son retour en Angleterre, Marianne choisit l’option art dramatique. Il faut dire qu’elle n’en est pas à son premier coup d’essai : en 1966, celle-ci tournait déjà dans le film Made in U.S.A réalisé par Jean-Luc Godard avant d’apparaître sur scène dans la pièce de Tchekhov, Les Trois Sœurs. C’est donc tout naturellement qu’elle rejoint en 1968 le casting du psychédélique film franco-britannique La Motocyclette aux côtés d’Alain Delon, puis prête ses traits l’année suivante à Ophélie dans Hamlet, dirigé par Tony Richardson. La chanteuse n’en oublie pas pour autant la musique en signant les paroles d’une des compositions des Stones, « Sister Morphine ». Le hit en devenir se heurte pourtant à l’opposition de la maison de disque Decca qui, estimant le morceau immoral, demande son retrait des bacs. Mauvaise presse, divergences au niveau des royalties combinées à l’état de santé préoccupant d’une Marianne désormais cocaïnomane amènent à l’inévitable séparation du couple Jagger-Faithfull.
Sister Morphine…
Après avoir quitté Mick en mai 1970, la jeune femme se console un temps dans les bras d’un aristocrate anglo-irlandais. Mais une fois encore, son ancienne vie de bohème la rattrape et celle-ci confie Nicholas à sa mère pour aller vivre dans la rue, à Soho plus précisément, près de ruines de la Seconde Guerre Mondiale. Son ex-mari en profite alors pour lui intenter un procès en vue de récupérer la garde de son fils… Qu’il n’a aura aucun mal à obtenir. En 1972, alors que Nicholas est placé chez son père, Marianne touche le fond et se transforme en junkie sans domicile. Hormis une apparition très remarquée en 1973 dans le 1980 Floor Show où celle-ci entame, déguisée en nonne, un duo avec David Bowie sur « I Got You Babe », l’artiste déserte volontairement la scène. C’est dans la rue d’ailleurs que le producteur Mike Leander retrouvera la chanteuse. Décidé à la remettre en course, celui-ci entend lui faire enregistrer un nouvel album.
Mais pas d’enregistrement sans cure de désintoxication. Marianne se plie à la discipline mais craque rapidement devant l’ampleur de ses troubles (anorexie mentale et forte dépendance à la cocaïne ainsi qu’à l’héroïne)… Intitulé Rich Kid Blues, le nouveau disque est finalement enregistré mais ne sera pas commercialisé avant 1985. Qu’importe, cet épisode a le mérite de guider la jeune femme vers une réintégration sociale et pas plus tard qu’en 1976, celle-ci trouve le courage d’interpréter la ballade signée Waylon Jennings « Dreaming My Dreams ». Devant le bon accueil que lui réserve l’Irlande, le label NEMS décide bientôt de produire un album éponyme. Faithfull reprend tout doucement prise avec le réel et part s’installer avec son petit ami de l’époque Ben Brierly, chanteur du groupe punk The Vibrators, dans un squat de Chelsea sans eau ni électricité. La perspective d’une nouvelle tournée la fait renouer avec l’écriture et les répétitions : en un mot, sa carrière musicale redémarre.
Pas à n’importe quel prix malheureusement. Si sa voix se faisait douce dans ses œuvres de jeunesse, la rue et les drogues ont changé son alto et soprano initiaux contre un profond contralto. Premiers à réagir, la plupart des critiques musicaux trouvent cependant un charme à ce nouveau ton rauque, vestige des excès passés… Et présents, puisque Marianne n’en a pas fini avec les addictions, comme le prouve son arrestation en Norvège pour possession de marijuana. Avec toujours la drogue en filigrane, Broken English sort en octobre 1979. La critique salue immédiatement ce savant mélange de punk et de pop dont l’artiste confiera dans son autobiographie que l’album restera son « chef d’œuvre ». Rolling Stone chroniquera à ce propos : « Cela ne ressemble à rien de ce que l’on a pu entendre auparavant chez qui que ce soit. Aussi loin que Faithfull aille (dans cet album), il y a la-dedans quelque chose de viscéral, un sens du métier et une intelligence perturbatrice que rien dans ses vieux disques ne laissait présager. Broken English est une sorte de triomphe : 15 ans après avoir réalisé son premier single, Marianne Faithfull vient de réaliser son premier vrai album » (cf Marianne Faithfull – Broken English).
Visiblement influencée par Ben Brierly avec qui elle se mariera, le 23 novembre 1979, Faithfull signe ici l’album de sa renaissance musicale. Riche de sonorités punk, reggae, hard rock et pop, Broken English est la preuve par A+B que Marianne s’est définitivement libérée de l’héritage des Stones, en offrant à son public une œuvre majeure et à tous points déconcertante. A commencer par le titre éponyme « Broken English » qui trouve son inspiration dans les figures terroristes de l’époque comme Ulrike Meinhof, de la célèbre « Bande à Baader ». Si la pop domine la reprise de « The Ballad of Lucy Jordan », initialement écrite par Dr Hook, la ré-interprétation du « Working Classe Hero » de John Lennon prend ici une dimension toute particulière, puisque la chanteuse s’adresse à ses héros personnels (Mick Jagger, Keith Richards, David Bowie, Iggy pop et Lennon lui-même). Mais c’est sans conteste le titre « Why D’Ya Do It ? » qui marquera durablement les esprits, avec les paroles crues qu’une Marianne enragée a emprunté au poète Heathcote Williams pour illustrer la réaction épidermique d’une femme bafouée par l’infidélité de son compagnon. A l’écoute de ces paroles syncopées, difficile de ne pas croire l’artiste quand elle affirmera plus tard dans son autobiographie avoir chanté du rap avant l’heure !
Rançon du succès, la drogue fait toujours partie du quotidien de Marianne et d’autant plus lorsqu’elle se produit sur scène. Et ce n’est pas une certaine apparition au célèbre show US Saturday Night Live qui viendra stopper les rumeurs. En coulisses, celle-ci absorbe de la procaïne qu’elle avait pris pour de la cocaïne. Ce qui a pour effet de lui paralyser les cordes vocales, fortement ennuyant lorsque l’on doit chanter en direct devant des millions de téléspectateurs… Et la chanteuse de quitter précipitamment la scène. Ce nouvel épisode dramatique fait replonger l’artiste dans un tourbillon de cocaïne et de barbituriques, auxquels son époux est également dépendant. Le label Island commence à perdre patience et menace de stopper les paiements si aucun album n’est rapidement enregistré et c’est ainsi que Dangerous Acquaintances naît dans l’urgence en 1981, avec un aspect fortement commercial.
Pour fuir la sombre affaire de trafic de drogue auquel son mari est mêlé, Marianne se réfugie dans le travail et pose finalement ses valises à NYC. Album à visée thérapeutique, A Child’s Aventure (1983) est certainement son disque le plus noir, avec des titres comme « Falling from Grace » et « Running from Our Lives ». Mais la drogue rôde toujours et après frôlé l’overdose, la chanteuse n’a d’autre choix que d’être admise de force par son producteur, Chris Blackwell, dans un nouveau programme de désintoxication. Pendant son séjour, l’artiste entretient une liaison avec un certain Howard Tose qui se suicidera par la suite. Marianne tient bon et c’est tout naturellement que celle-ci rend hommage à cette aventure sur la jaquette de son disque post rehab, Strange Weather. Florilège de reprises rock, blues et cabaret, qualifié de « Chef d’œuvre sombre et difficile » (cf Marianne Faithfull – Strange Weather) par le site musical Allmusic.com, cet album sort en 1987 et devient son plus gros succès de la décennie. Sans doute cela tient-il au ré-enregistrement de son premier tube « As Tears Go By » qui se lit comme le regard rétrospectif d’une femme aguerrie par ses excès passés. Une page du chapitre Faithfull est en train de se tourner.
Comme une pierre qui roule
Tel le phénix qui renaît de ses cendres, Marianne est désormais « clean » et ses démons, loin derrière elle. Son divorce à peine prononcé, celle-ci se remarie avec l’écrivain et comédien Giorgio Della Terza en 1988. L’espace de trois ans, car re-bellotte, la chanteuse en divorça pas plus tard qu’en 1991. Qu’importe, si ses amours ne sont pas au beau fixe, sa carrière elle, reprend du galon. Après avoir choisie pour figurer dans le casting de l’opéra rock The Wall des Pink Floyd, l’artiste décide de sortir en 1990 une nouvelle galette intitulée Blazing Away. Reprenant ses plus grandes chansons (« Sister Morphine », « Why D’Ya Do It ?) et un titre d’ Edith Piaf (« Les Prisons du Roy »), l’album a la particularité d’être enregistré en condition live à la Cathédrale St Anne de Brooklyn. On défit quiconque de ne pas être impressionné par la portée toute autobiographique qui s’en dégage !
Toujours là où l’attend le moins, Marianne publie en 1994 son autobiographie sobrement intitulé Faithfull, Une Vie dans laquelle sont évoquées sa vie personnelle comme sa carrière, ses addictions aux drogues et… sa bisexualité ! La même année celle-ci retrouve une partie des Stones (Charlie Watts et Keith Richards) pour enregistrer « Ghost Dance », un titre écrit par Patti Smith destiné à apparaître dans la compilation Faithfull : A Collection Of Her Recordings. L’artiste reprend également goût à l’écriture sur le morceau « She », composé à quatre mains avec le compositeur Angelo Badalamenti, dont la collaboration donnera suite au serein A Secret Life, qui sortira dans les bacs l’année suivante. Maintenant exilée en Irlande, la chanteuse reprendra assez vite le chemin des studios, pour jouer les guests sur les chœurs de « Memory Remains », une ballade écrite par Metallica et peaufiner deux autres albums hommages à l’univers du dramaturge Bertold Brecht et du compositeur Kurt Weill, 20th Century Blues (1997) et The Seven Deadly Sins (1998), visiblement inspirés par sa prestation dans L’Opéra de Quat’Sous.
Séquence émotion : après une nouvelle compilation intitulée A Perfect Stranger : The Island Anthology, Marianne décide de mettre des images sur ses souvenirs en réalisant le DVD Dreaming My Dreams (1999). Consécration s’il en est, la chanteuse rentre à la 25e place du classement des 100 Plus Grandes Femmes du Rock and Roll de la chaîne câblée musicale US VH1 ! Et trouve encore le temps de commercialiser la même année le disque Vagabond Ways, produit par Daniel Lanois et Mark Howard, prolongement romantique de ses influences néo cabaret en entonnant des duos d’excellence avec les très grands Leonard Cohen, Elton John, Emmylou Harris ou le Pink Floyd Roger Waters. Le calme plat avant la tempête musicale que constituera Kissin’ Time en 2002.
« La voix de Marianne Faithfull est comme une blessure ouverte, un insigne brut de souffrance et d’examen de conscience qui sonne le mieux quand la musique lui laisse la place pour saigner. Cela se produit à peu près dans la moitié de Kissin’ Time, un ensemble de collaborations avec admirateurs plus jeunes : Beck, l’ex Smashing Pumpkin Billy Corgan, Jarvis Cocker de Pulp et les garçons de Blur. Mais la meilleure moitié consiste en de la pop magnifiquement acérée, du miel empoisonné dans la brutale tradition de son triomphe de 1979, Broken English et du Sister Morphine de 1969 » (cf Marianne Faithfull – Kissin’ Time). Comme le laisse à penser le critique David Fricke du magazine Rolling Stone, Kissin’ Time est plus qu’un expérimentation musicale, c’est un coup de maître. Avec la distribution de l’opus en février 2002, Marianne surprend encore ses anciens fans et en ravit une quantité de nouveaux, qui viennent à sa musique par les artistes qui en partagent le casting (citons au passage la participation de notre Etienne Daho national). Pas de doute, Faithfull est résolument dans l’air du temps !
Salvation
Totalement réhabilitée dans sa vie publique et privée, que reste-t-il encore pour Marianne à prouver ? Après avoir grandement influencé la bande à Mick, de par sa culture littéraire et artistique (on lui devrait en outre les tubes « Sympathy For the Devil » et « Wild Horses »), la chanteuse poursuit son petit bonhomme de chemin. En musique, en livrant Before the Poison (2005) avec la collaboration de pointures telles que PJ Harvey, Nick Cave et Damon Albarn, le tout dirigé par le producteur John Brion, déjà présent sur Kissin’ Time. Sombre et fataliste, le disque fait défiler des chansons où plane le spectre du traumatisme du 11/09 comme autant de réflexions sur le climat politique et social mondial. « Before the Poison est ma vision de ce à quoi pourrait ressembler une attaque chimique… Je l’ai pris au sens littéral. Le titre provisoire « The Mystery of Love » était pourtant joli, mais à la fin j’ai pensé que ce n’était pas assez fort… Un disque de Marianne Faithfull se devait de signifier quelque chose » (cf Faithfull Brings PJ, Cave). Classé à la 37e place des Meilleurs Albums Indépendants au Billboard, Before the Poison se hisse à la 31e position en France. Une place de choix donc !
Marianne se tourne vers l’art du spectacle ensuite. L’histoire d’amour qui l’unit au cinéma et au théâtre n’est pas nouvelle et c’est avec une émotion toute particulière que celle-ci évoque ses premiers pas dans le septième art avec Made in USA (1967) : « Je garde du tournage un souvenir délicieux […] Ce moment où je suis devenue moi-même une infime partie de l’œuvre de Godard était fabuleux » (cf Entretien Marianne Faithfull – « Irina Palm » – 5/07). Malheureusement, on ne peut pas dire la même chose du tournage de Lucifer Rising (1972), film mystique de l’occulte Kenneth Anger : « […] On ne peut pas dire que je sois branchée magie noire… Je crois que si je n’avais pas été à ce point bousillée par les drogues, je n’aurais jamais fait ce film. Cela dit combien j’étais folle et complètement high. Je n’avais plus conscience du ridicule. Je n’ai pas aimé non plus faire La Motocyclette de Jack Cardiff, ni les quelques autres films qui ont suivi. Ces mauvaises expériences m’ont complètement défaite de mon envie de tourner et m’ont éloignée du cinéma. C’est la raison pour laquelle je ne suis véritablement revenue aux plateaux de tournage qu’avec Intimité de Patrice Chéreau, qui a su me redonner l’amour du cinéma et confiance dans le réalisateur et sa caméra » (ibid).
Les années 2000 réconcilient définitivement Marianne avec la caméra. Artiste-peintre dans Paris, je t’aime, Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, films tous deux sortis en 2006, celle-ci surprend une nouvelle fois son public en jouant dans Irina Palm (2007) de Sam Gabarski. Le pitch ? Maggie est une grand-mère qui désespère de trouver l’argent nécessaire pour payer le traitement onéreux de son petit-fils, atteint d’une maladie grave. Face à l’urgence de la situation, celle-ci s’improvise « hôtesse manuelle » dans un bar sordide de Soho… Interprétation magistrale que celle de Faithfull dans cette comédie dramatique largement saluée par la critique lors de sa première au Festival International du Film de Berlin la même année ! Tout aussi renversant, l’artiste réussit à concilier musique et art dramatique à l’occasion d’une récente mini-tournée (novembre 2008-février 2009) où quelques villes privilégiées (Heilderberg en Allemagne, Genève, Reims et Luxembourg) ont pu l’entendre réciter les sonnets du grand Shakespeare accompagnée du violoncelliste Vincent Ségal.
Installée en France depuis quelques années maintenant avec son manager et petit-ami François Ravard, Marianne multiplie les collaborations artistiques : après avoir joué Dieu dans l’ultime épisode de la série culte britannique Absolutely Fabulous, Marianne a donné de sa voix en 2006 sur la reprise de Serge Gainsbourg, « Lola Rastaquouere » en compagnie du duo jamaïcain Sly & Robbie pour le tribute Monsieur Gainsbourg Revisited. La même année cependant, la chanteuse apprend qu’elle a un cancer du sein et annule sa tournée. Mais à peine deux mois après l’intervention, celle-ci est déclarée guérie et reprend vite la route des concerts pour partager son rétablissement avec ses fans. Début mai 2008, sort un deuxième volet autobiographique Mémoires, rêves et réflexions. Deux semaines plus tard cependant, Faithfull annonce sur son site officiel qu’une autre série de concerts est annulée en raison d’un traitement médical pour « une fatigue mentale, physique et nerveuse » nécessitant un repos complet (cf 28/05/08 – TOUR CANCELLED). Les rumeurs tablent sur une sortie de son nouvel album différée à début 2009… Mais c’est finalement le 10 novembre 2008 que Easy Come, Easy Go sortira à l’échelle européenne.
Marianne est bien plus forte qu’on ne le pourrait croire et c’est avec conviction que celle-ci le clame dans son nouvel album. Comme l’explique son sous-titre « 18 Songs For Music Lovers », Easy Come, Easy Go se propose de reprendre à la fois des standards (« Easy Come Easy Go » de Bessie Smith, « Down From Dover » de Dolly Parton, « Solitude » de Billie Holiday) et des morceaux plus contemporains (« Children of Stone » des Espers, « Salvation » des Black Rebel Motorcycle Club, « The Crane Wife » de The Decemberists). Qu’importe leur répertoire, jazz, blues, country, soul ou pop, tous ces chansons ont en commun d’avoir bouleversé l’artiste. C’est la mélomane passionnée qui laisse courir sa voix sur des titres enregistrés live en une semaine aux Sear Sound Studio de New York, sous la direction du producteur Hal Wilner et avec une pléthore d’artistes de renom comme Cat Power, Nick Cave, Rufus Wainwright, Jarvis Cocker, Sean Lennon… Et Keith Richards ! A propos de ces retrouvailles, celle-ci ne manquera pas de confier « C’était un moment émotionnellement très fort. […] Parmi toutes les expériences formidables que j’ai ressenties lors de l’enregistrement de ce disque, celle-ci restera comme la plus émouvante » (cf Marianne Faithfull : “J’aimerais beaucoup faire un concert en Russie” ).
Considéré par Wilner et par elle-même comme l’un de ses meilleurs albums, Easy Come, Easy Go a déjà charmé l’Europe qui s’est empressée de le classer en bonne place dans ses charts dès sa sortie (#28 en Suisse et #35 en France). Quant à l’Australie, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, ceux-ci doivent patienter encore quelques semaines avant de rendre leur verdict. La prise de risque c’est la recette miracle pour rester dans l’air du temps ? Marianne y répond non sans humour : « Je ne sais vraiment pas, je fais les choses de manière instinctive. Le rouge à lèvres et les talons aiguilles aident… » (ibid) « Je m’inquiète toujours, mais les gens me suivent dans chacun de mes projets. C’est le public qui m’a permis d’évoluer. Autodidacte, j’ai toujours eu l’impression de manquer quelque chose. Mes seuls profs ont été les Stones et les Beatles, avec qui j’ai appris à faire des disques dans les années 1960 » (cf Marianne Faithfull, égerie pop)… Affaire à suivre !
(Les images proviennent des sites http://www.mariannefaithfull.org.uk, http://www.bbc.co.uk et http://www.mariannefaithfull.net )
Sources
Sites internet :
http://www.mariannefaithfull.org.uk
http://www.myspace.com/mariannefaithfullofficial
http://www.mariannefaithfull.net
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marianne_Faithfull
http://en.wikipedia.org/wiki/Marianne_Faithfull
http://www.allmusic.com
http://www.rollingstone.com
http://www.timeisonourside.com/girls.html
Articles:
– Marianne Faithfull – Strange Weather (http://www.allmusic.com/cg/amg.dll?p=amg&sql=10:gifoxqy5ld6e~T1)
– 28/05/08 – TOUR CANCELLED (http://www.mariannefaithfull.org.uk/NEWS.HTML)
– Marianne Faithfull, égerie pop (http://www.lefigaro.fr/musique/2008/11/22/03006-20081122ARTFIG00192-marianne-faithfull-egerie-pop-.php)
– Entretien Marianne Faithfull – « Irina Palm » – 5/07 (http://www.lesinrocks.com/cine/cinema-article/article/entretien-marianne-faithfull-irina-palm-0507/)
– Marianne Faithfull sort un nouvel album : Easy Come Easy Go (http://www.plurielles.fr/culture/livres-cd-dvd/marianne-faithfull-sort-un-nouvel-album-easy-come-easy-go-4090548-402.html)
– Faithfull Brings PJ, Cave (http://www.rollingstone.com/news/story/6651376/faithfull_brings_pj_cave)
– Marianne Faithfull – Broken English (http://www.rollingstone.com/reviews/album/174698/review/5942614/brokenenglish)
– Marianne Faithfull – Kissin’ Time (http://www.rollingstone.com/reviews/album/101728/review/5943037?utm_source=Rhapsody&utm_medium=CDreview)
– Marianne Faithfull : “J’aimerais beaucoup faire un concert en Russie” (http://www.telerama.fr/musique/marianne-faithfull-repond-en-direct-a-vos-questions-le-19-novembre-a-17-heures,35854.php)
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