Jeff Koons est actuellement un des artistes les plus chers sur le marché de l’art. Pourtant, les musées le boudent. L’oubli est aujourd’hui réparé, avec une exceptionnelle rétrospective au Château de Versailles. Une décision qui n’a pas manqué de faire grincer les dents dans une ville très conservatrice. Pourtant, le dialogue entre les œuvres de Jeff Koons et le lieu qui les accueille le temps de quelques semaines (l’exposition court jusqu’au 14 décembre) est saisissant. Une relation qui a autant (voire même plus) d’intérêt que la simple rétrospective. Quel changement par rapport aux habituels white cube…
Dans la droite ligne des pop artists, Jeff Koons s’intéresse aux objets du quotidien. D’ailleurs, il ne réalise pas ses œuvres lui-même. Ses sculptures sont réalisées par des assistants, sous ses indications. Une prise de distance qui rappelle Warhol et sa célèbre Factory. L’observation de la société de consommation est bien entendu un thème sous-jacent des sculptures présentées au Château de Versailles. Koons a plus particulièrement étudié l’objet de consommation sous l’angle du merchandising. Le bibelot en porcelaine géant à l’effigie de Mickael Jackson en est l’exemple. Un produit dérivé kitsch, surdimensionné à la taille de son modèle.
Le merchandising étant une glorification d’un singulier (héros, personnage, idéal d’un produit de luxe…) par un pluriel (objet à bas prix et de grande diffusion, offrant l’image de l’objet convoité), Koons s’est logiquement intéressé à l’importance morale de l’objet de consommation. Aux éléments qui suscitent le désir pour un objet, notamment l’idée de nouveauté. Une des premières œuvres de Koons fut d’ailleurs New Hoover Convertible Green, Green, Red, New Hoover Deluxe Shampoo Polishers, New Shelton Wet/Dry 5-Gallon, Dispalced Tripdecker, une installation présentant une gamme d’aspirateurs dans une vitrine. New Hoover… place donc évidence cet objet électroménager courant, soulignant son principal attrait, la nouveauté, par le titre de l’œuvre (New…).
Présentée dans l’antichambre du Grand Couvert, New Hoover… est sans doute l’œuvre qui tranche le plus avec la pièce qui l’accueille. La lumière crue qui se dégage de la vitrine est en complète opposition avec la chaleur du parquet et la richesse de la décoration de la pièce. A l’inverse, Large Vase of Flowers ne dénote pas dans la chambre de la Reine, au point qu’on cherche pendant quelques secondes quelle est la sculpture présentée dans cette pièce.
Au-delà de ce camouflage, certaines sculptures engagent un véritable dialogue avec le Château. C’est le cas de l’autoportrait de Jeff Koons, présenté dans le Salon d’Apollon. Avec son socle grandiloquent, il est à la hauteur de la mégalomanie du propriétaire des lieux. Quant à Moon, dans la Galerie des Glaces, son reflet forme un véritable jeu avec l’architecture du lieu.
Cette rétrospective est une occasion unique d’admirer de l’art contemporain dans un lieu inhabituel. Elle permet de plus de découvrir un artiste sous représenté dans les collections des musées. La manquer serait donc un crime de lèse-majesté (en l’occurrence, Louis XIV). Et la surprise se poursuit à l’extérieur, dans le jardin de l’Orangerie, avec ce monumental Split rocker, entièrement fait de végétation.
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