Quand cette jeune reine de 18 ans entame son règne, la dynastie des Hanovre (plus tard Windsor) semble discréditée par la longue folie du roi George III et les frasques de ses deux fils et successeurs, George IV et Guillaume IV. Tout va changer pendant les 64 années du règne de Victoria. A la veille de sa mort, la monarchie sera à son zénith et la reine, devenue immensément populaire, à la tête de la première puissance mondiale et d’un empire étendu sur le quart de la planète. Aussi ne faut-il pas s’étonner que l’époque ait été qualifiée de « victorienne » !
Victoria, ou de son nom complet Alexandrina Victoria de Wettin, est née à Londres de sang royal le 24 mai 1819. Appelée Alexandrina en l’honneur de son parrain le tsar Alexandre de Russie, la jeune femme restera dans le cœur du peuple britannique « The Queen Victoria », « Drina » pour sa famille ou encore « La grand-mère de l’Europe » à la veille de sa mort.
Une jeune femme épanouie
Education soignée et stricte, apprentissage de plusieurs langues et du sens du devoir, Drina prend vite conscience qu’un destin l’attend. De plus, s’en suit une série de décès dans son entourage qui la font se rapprocher du trône alors qu’elle n’est qu’une enfant. Aucune loi n’est prévue dans une telle situation, une loi est donc votée au parlement, si cela devait arriver sa mère exercerait une régence, ce qui n’enchante guère victoria qui ne s’entend pas avec elle. Un caractère déjà bien affirmé pointe…
C’est à l’âge de 16 ans que la jeune femme rencontre son futur mari, le prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, d’origine allemande et surtout son cousin… une vraie histoire d’amour va naître entre eux et contrairement aux mœurs de l’époque, c’est elle qui le choisit. Leur mariage se révèlera extrêmement heureux et prolifique (9 enfants) ainsi que leur collaboration politique.
Guillaume IV décède le 20 juin 1837 laissant (enfin) le trône à Victoria, âgée de 18 ans, tout juste majeure. Sa mère ne peut donc pas régir à sa place. La reine est couronnée le 28 juin 1838 dans le respect du traditionnel cérémonial. Plus tard elle déclarera : « Le moment où la couronne fut posée sur ma tête, fut, je dois l’admettre, des plus magnifiques et des plus impressionnants qui soient… ». Elle est alors reine du Royaume-Uni, de Grande Bretagne, d’Irlande et deviendra Impératrice des Indes (1876-1901) après l’expansion coloniale de l’Empire britannique.
Une reine exemplaire… de poigne
Peu après son accession au trône la jeune reine décide enfin d’épouser son « coup de foudre » auquel elle donne le titre de prince « consort ». Dotée d’une conscience aigue de sa fonction et du rôle de l’Angleterre dans le monde (1ère puissance mondiale), Victoria va rapidement s’imposer. Très pieuse, dotée d’un tempérament assez sévère et dur, elle fait très vite adopter à la cour un nouveau style empreint d’austérité et de respect des valeurs, ce qui s’accentuera au cours de sa période de veuvage à la mort de son mari en 1861 entraînant une phase d’impopularité qui ne durera pas.
D’un point de vue politique, la reine va doter son cher pays de premiers ministres dynamiques et ambitieux à l’image de Peel, Disraeli et Lord Melbourne qui vont faire avance le pays autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. La reine est à l’origine d’une ambitieuse politique extérieure à caractère colonial. Toutefois, elle n’agit qu’à l’intérieur d’un cadre constitutionnel bien défini, elle ne peut outrepasser ses fonctions. Sous le règne de Victoria, le Royaume-Uni se distingue par une avancée industrielle, technologique et commerciale sans rivale dans le monde comme en témoigne le faste de l’Exposition Universelle de Londres en 1851. Victoria fait notamment triompher en matière économique les thèses du libre-échange inaugurant l’essor d’une période prospère. A l’extérieur, la colonisation des Indes s’achève vers 1858, c’est ainsi qu’elle est sacré Impératrice des Indes en 1876. L’empire britannique est à son apogée et comprend : Une partie de l’Afrique du Sud , Le Canada, La Birmanie, L’Australie, L’Egypte, La Nouvelle-Zélande et une bonne partie de L’Afrique noire.Sur le plan social, l’ère victorienne voit l’apparition du mouvement ouvrier, la légalisation du droit de grève et des syndicats.
Victoria fut donc à l’origine d’avancées considérables dans tous les domaines, aidée de son mari et de son gouvernement à qui elle donna une impulsion considérable.
Un symbole : « La reine de coeur de tout un pays »
La reine, c’est avant tout un symbole, le symbole de la monarchie anglaise que la reine s’est attachée à restaurer, à redorer. C’est une icône, qui se doit d’offrir une certaine image à son peuple. Elle offre ainsi à son peuple celle idéalisée du bonheur conjugal avec son mari et ses 9 enfants. Ils importent à la cour des mœurs que l’on a qualifiées d’austères et de prudes. A la mort de son mari en 1861, l’image de ce bonheur s’effondre pour laisser l’image d’une veuve toujours vêtue de noire et profondément triste. Son image austère s’ébranle quelques années plus tard lorsqu’elle est soupçonnée d’entretenir une liaison avec l’un de ses domestiques écossais John Brown. Malgré cela, elle reste très populaire et aimée de ses sujets. Tout au long de son règne, elle s’est attachée à restaurer l’honneur et le prestige de la monarchie britannique et à gagner le cœur de ses sujets, notamment lors des grandioses jubilés de 1887 et 1897 pour célébrer ses 50 puis 60 ans de règne alors qu’elle est clouée dans un fauteuil roulant. A cette occasion, ce ne furent que débordements de joie et d’affection à son égard. Enfin, fait exceptionnel, ce symbole de la monarchie et d’une superpuissance a échappé à sept tentatives de meurtre entre 1842 et 1882. Victoria était faite pour durer !
Le 22 septembre 1896, Victoria devint le monarque de l’histoire anglaise, écossaise ou britannique ayant régné le plus longtemps. Elle meurt à l’âge de 82 ans, le 22 janvier 1901, après avoir régné plus de 63 ans. Cette femme libre et passionnée dans le fond demanda que l’on mette dans son cercueil une des robes de chambre d’Albert et dans sa main gauche un portrait et une mèche de cheveux de John Brown, elle repose ainsi avec ces deux amours au mausolée Frogmore à Windsor… Lui succèdera alors son fils aîné le prince Edouard,nettement moins populaire. Elle fut le premier monarque britannique de l’époque moderne et a imposé son style a tout un peuple sur près d’un siècle. Elle fait partie de ses rares monarques ayant coïncidés avec l’apogée d’un pays à l’image de Charles Quint ou Louis XIV.
Personnage complexe, reine dévouée, parfois vue comme austère (mais pas tant que ça au final) mais aussi femme amoureuse et mère attentive, Victoria fut une femme complète !
Le saviez-vous ?
Victoria se maria en blanc et lança la mode car avant les robes de mariées n’avaient pas de couleur particulière.
Dans l’ordre de succession au trône britannique, les 510 premières personnes listées descendent de Victoria.
Elle survécut à trois de ses neuf enfants.
Trois des principaux monarques des pays impliqués dans la Première Guerre mondiale était, soit les petits-fils de Victoria, soient des époux de petites-filles de Victoria.
En 2004, les monarques européens et anciens monarques descendants de Victoria étaient : la reine ةlisabeth II du Royaume-Uni, le roi Harald V de Norvège, le roi Charles XVI Gustave de Suède, la reine Marguerite II de Danemark, le roi Jean-Charles Ier d’Espagne, le roi Constantin Ier des Hellènes (détrôné) et le roi Michel Ier de Roumanie (détrôné). Les prétendants aux trônes de France, Serbie, de Russie, de Prusse et Allemagne, de Saxe-Cobourg-Gotha, de Hanovre, de Hesse et de Bade sont aussi ses descendants… Impressionnant n’est ce pas ?
En 2002, un sondage organisé par la BBC concernait les cent Britanniques considérés comme les plus grands, Victoria arriva en dix-huitième position.
A lire
« La dernière reine »
Par Philippe Alexandre et Béatrix de l’Aulnoit (Robert Laffont, octobre 2000)
« Cent ans après la mort de la reine Victoria, cette biographie porte une attention particulière à la psychologie de la souveraine, à ses passions, à ses faiblesses et à ses écarts de conduite. L’ouvrage se lit d’une traite. Bien écrit, il combine d’une remarquable façon le portrait de la souveraine et la description des événements marquants de son règne. Durant celui-ci, l’Angleterre accéda à un niveau de puissance jamais égalé auparavant dans l’Histoire de l’humanité. »
A voir ou à revoir
« Les jeunes années d’une reine » (1954)
Par Ernst Marischka, avec Romy Schneider : Victoria et Adrian Hoven : le prince Albert
« Début du XIXe siècle, Victoria n’est alors qu’une jeune fille pleine de vie qui ignore la lourde tâche qui lui incombera à la mort de son père, le roi d’Angleterre. L’événement, en plus de l’affecter sentimentalement, bouleverse également sa vie quant à ses nouvelles responsabilités auxquelles elle n’a d’autres choix que de faire face. C’est avec l’aide du Premier Ministre qu’elle va apprendre à devenir la nouvelle reine d’Angleterre… »
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