Les grands-parents de Philip Roth sont des juifs polonais arrivés aux ةtats-Unis au début du XXeme siècle. Leur fils sera agent d’assurance, et leur petit-fils, professeur de lettres et écrivain de renom.
Né en 1933, Philip Roth grandit dans un quartier de Newark, son lieu de prédilection pour grand nombre de ses romans ; il étudie en Pennsylvanie puis à Chicago, devient donc professeur de lettres et s’interrompt dans les années soixante pour écrire. Il a en effet publié en 1959 « Goodbye Colombus », premier recueil de nouvelles mais c’est avec « Portnoy et son complexe », en 1969, qu’il se fait connaître mondialement. Ce roman met en scène un Juif traumatisé par une mère étouffante ; et les thèmes de presque tous ses romans y sont déjà posés : l’identité, la sexualité, le corps, l’héritage culturel, notamment. Il est facile de trouver dans la vie de Philip Roth les thèmes de ses romans : il s’est marié trois fois, a connu le succès très tôt, la question de l’argent et du pouvoir qu’il confère à ceux qui le détiennent.
Le personnage du Juif est opposé au non-Juif, comme si sa judéité lui conférait un talent et un statut d’observateur, statut qu’il met à profit en créant le personnage de Nathan Zuckerman, écrivain fictif qu’il faut considérer comme un alter-ego de son créateur, écrivain qui sera notamment le narrateur de la « Trilogie américaine » : un observateur et un décrypteur de la société américaine telle qu’il l’a connue, en proie à ses contradictions, auxquelles se mêlent (toujours) celles des personnages …
« Indignation », son vingt-neuvième roman, sera publié aux Etats-Unis à la rentrée prochaine. D’ici-là, ces quelques chroniques pourraient peut-être vous donner l’envie de le découvrir si ce n’est déjà fait !
« La tache »
Le personnage fétiche (et miroir) de l’auteur, l’écrivain Nathan Zuckerman, nous raconte cette fois-ci l’histoire d’un de ses ami. Celui-ci, Coleman, professeur d’université respectable, a depuis peu une liaison passionnée et discutée avec une femme de ménage, femme étrange et supposée illettrée. On découvre peu à peu de grands pans de cette histoire qui se passe dans la fin des années 90, alors que l’Américain moyen se passionne pour Bill Clinton et ses démêlés avec Monica Lewinski. Notre narrateur, à mi-mots, dévoile sa propre histoire, sa propre impuissance sexuelle, son cancer de la prostate. L’écriture de Philip Roth est toujours égale à elle-même : brute, franche, directe. On ne peut que se laisser emporter, tant la vie et les recoins, physiques et psychologiques, de chaque personnage sont décrit ; on a presque l’impression, finissant le livre, de les avoir côtoyé un moment. L’auteur décrit l’Amérique qu’il connait sans aucune concession et sans, semble-t’il, laisser aucune zone d’ombre, et c’est plus qu’appréciable.
« J’ai épousé un communiste »
Cette fois-ci, l’Amérique racontée par Nathan Zuckerman est celle des années 50 et du mccarthysme, et ses personnages sont, comme dans beaucoup des romans de Philip Roth, des personnages qui se veulent engagés pour leurs idéaux mais qui se retrouvent face à leurs contradictions. Ira Ringold est acteur de radio, marié à une actrice, et représente l’Américain parfait : réussite personnelle et professionnelle, reconnaissance sociale. Le bonheur ? Pas exactement puisque ce personnage est aussi torturé par ses idéaux communistes qu’il a tus pour réussir et vit dans la crainte que son passé militant ne ressurgisse, et finalement … les ennuis et la trahison ne sont pas là où il les avait attendus.
« Pastorale américaine »
Seymour Levov, la perfection faite homme : une réussite éclatante, une entreprise familiale qui marche bien, une épouse irréprochable, famille bien-pensante. Il a tout bâti, travaillé toute sa vie, veillé à chaque instant à chaque détail de sa réussite ; et le chaos et les ennuis débarquent du cocon familial. Sa fille Merry représente l’adolescente américaine des années Vietnam : engagée, hostile, combattive. Elle combat ardemment la guerre au Vietnam, jusqu’à finalement commettre l’irréparable. Devenue un fardeau pour sa famille, Merry, fille trop célèbre et trop décriée, nuit à sa famille par son existence-même. Son père passera alors les années suivantes à cacher son existence auprès de tous et elle, à essayer de vivre en suivant des idéaux trop illusoires qu’elle conçoit de façon trop extrême … C’est finalement une bien triste peinture d’une certaine déchéance et d’un échec de chacune des philosophies des deux protagonistes, père et fille, qui voient chacun leur idéal ruiné et qui pourtant s’accrochent à la dernière parcelle, tentent de sauver les apparences, encore et encore.
« Portnoy et son complexe »
Portnoy a un problème certain avec sa sexualité, c’est le moins qu’on puisse dire ! D’ailleurs elle constitue le thème principal de ce roman à la première personne. Très cynique, il essaie de nous raconter le calvaire qu’il vit en essayant de concilier la décence minimale exigée et ses obsessions sexuelles. Ses fantasmes le mènent toujours plus loin, il est toujours plus désespéré ; il sait ce qui le sauverait (une femme qui le comble à la fois sexuellement et intellectuellement, mais bien entendu il peine à dénicher la perle rare), il entame une psychanalyse à trente-trois ans pour guérir de ses traumatismes (son père un tantinet ridicule et soumis, et sa mère, la mère juive des romans, étouffante et castratrice), et il nous raconte ce périple. C’est sans doute un des livres de Philip Roth les plus drôles et les plus réussis, un des premiers aussi, moins politique que les plus récents, plus personnel peut-être ?, en tout cas vraiment, vraiment immanquable.
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